24 pays africains qui s’ajoutent à la Chine, au Pakistan et à l’Inde, se sont abstenus de condamner l’annexion de territoires ukrainiens par la Russie.
Certains en ne votant pas bien que présents dans la salle, d’autres en n’effectuant pas le déplacement à New-York.
Dix-neuf pays africains se sont abstenus, mercredi 12 octobre, de voter à l’Assemblée générale de l’ONU une résolution condamnant « l’annexion illégale » de territoires ukrainiens par la Russie.
Ces pays sont l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Burundi, le Zimbabwe, la Tanzanie, l’Ouganda, le Togo, le Soudan, le Soudan du Sud, la Namibie, le Mozambique, le Mali, le Lesotho, la Guinée, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Swaziland, le Congo- Brazzaville et la Centrafrique.
Cinq pays du continent n’ont pas pris part au vote : Burkina Faso, Cameroun, Guinée équatoriale, Djibouti, Sao Tomé & Principe.
La majorité des pays africains présents a donc voté en faveur de cette résolution corédigée par l’Union européenne et présentée par l’Ukraine à l’Assemblée générale de l’ONU, après que la Russie eut mis son veto sur un texte similaire présenté au Conseil de sécurité.
Selon Moscou, plusieurs pays ont voté sur pression des États-Unis et des pays européens.
N’empêche, ça ne doit pas être la grande joie dans les chancelleries occidentales, car pris ensemble, les pays qui se sont abstenus, les pays absentés, et les pays qui ont voté contre, forment près de la moitié de l’humanité.
En mars dernier, 17 pays africains s’étaient abstenus de voter une résolution condamnant l’agression russe contre l’Ukraine (l’Algérie, l’Angola, le Burundi, la Centrafrique, Congo- Brazzaville, la Guinée équatoriale, Madagascar, le Mali, le Mozambique, la Namibie, le Soudan, le Soudan du Sud, l’Afrique du Sud, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe), un seul pays du continent a voté contre (l’Erythrée) et 8 pays n’ont pas pris part au vote (le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Swaziland, l’Ethiopie, le Cameroun, le Maroc et le Togo).
Ainsi, quelques pays du continent semblent avoir changé de position par rapport au conflit russo-ukrainien. Le Sénégal, l’Angola et Madagascar, qui s’étaient abstenus en mars dernier, ont voté en faveur de la résolution condamnant l’annexion des régions ukrainiennes de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson par la Russie.
Djibouti et le Lesotho, qui avaient condamné il y a sept mois l’invasion de l’Ukraine par la Russie, se sont, cette fois-ci, abstenus.
Réunie en urgence depuis lundi 10 octobre, l’Assemblée générale des 193 États membres de l’ONU a adopté la résolution condamnant l’annexion de territoires ukrainiens par Moscou avec 143 voix pour, face à 5 pays contre et 35 qui se sont abstenus. Outre 19 pays africains, 16 autres pays se sont abstenus, dont la Chine, l’Inde et le Pakistan, le Vietnam et Cuba.
Les cinq États qui ont voté contre sont la Russie, la Biélorussie, la Syrie, la Corée du Nord et le Nicaragua.
Comment la guerre russo-ukrainienne a mis en évidence l’importance de l’Afrique dans la géopolitique mondiale
(Agence Ecofin) – Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, l’Afrique est essentiellement dépeinte en victime collatérale du conflit en cours. Pourtant les récents déplacements de hauts responsables des parties prenantes au conflit laissent penser que le rôle du continent est bien plus important que cela.
Le 03 octobre dernier, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a atterri au Sénégal pour une tournée africaine qui devait le conduire dans plusieurs pays. Bien qu’interrompue le lundi 10 octobre, cette visite a permis au chef de la diplomatie ukrainienne de se rendre au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Ghana.
Placée sous le signe du renforcement des relations avec le continent, cette tournée a été l’occasion pour Kiev de parler de coopération dans les domaines de la transformation numérique, de l’informatique, de l’agriculture, de la pharmacie, du commerce, de l’éducation et de la sécurité. A Accra, M. Kuleba a d’ailleurs annoncé l’ouverture prochaine d’une ambassade ukrainienne, signe de la nouvelle dynamique que le pays européen souhaite imprimer à sa relation avec les pays du continent.
Si l’aspect économique de cette nouvelle coopération souhaitée par l’Ukraine sera sans aucun doute important, le timing de la visite de M. Kuleba laisse penser que le plus urgent pour Kiev est de renforcer ses liens politiques, voire sécuritaires, avec les pays africains. En effet, la tournée du ministre ukrainien des Affaires étrangères intervient environ trois mois après celle de son homologue russe Sergueï Lavrov. Celui-ci s’était rendu en Egypte, au Congo, en Ouganda et en Ethiopie.
Opportunités économiques et soutien sur la scène internationale
Bien avant la visite du ministre Kuleba, les USA et la France, deux des principaux soutiens de Kiev dans sa guerre contre la Russie avaient eux aussi dépêché les chefs de leurs diplomaties dans plusieurs pays du continent. Ce ballet incessant de hauts responsables étrangers sur le continent noir semble donc montrer que son importance s’est progressivement accrue sur la scène géopolitique mondiale.
L’importance stratégique de l’Afrique a souvent été réduite aux opportunités économiques qu’elle offre pour les pays occidentaux. Les immenses réserves de pétrole, de gaz ou de ressources minières stratégiques ont souvent suscité la convoitise des géants économiques mondiaux, alors que sa jeune population, elle, est souvent ciblée comme de potentiels consommateurs de masse par de grandes enseignes en quête de marchés d’exportation. Bien que depuis le début de la crise ukrainienne elle est dépeinte comme l’une des principales victimes collatérales de la crise, c’est surtout son importance politique qui est mise en évidence ces derniers mois.
Avec ses 54 pays, l’Afrique est en effet le continent ayant le plus de membres au sein de l’Organisation des Nations unies (28% de l’effectif total). Cette situation fait d’elle un allié de poids lors du vote de résolutions au sein de l’institution, ou pour la défense d’une opinion politique sur la scène internationale. Une situation, visiblement bien comprise de la Russie qui a pris de court les puissances occidentales en tissant des relations étroites avec certains pays africains et en améliorant son image au sein des opinions populaires, notamment au Sahel.
Preuve de cette réalité, le président ukrainien s’était directement adressé en juin dernier à l’Union africaine (UA) lors d’une intervention au cours de laquelle il a annoncé la nomination d’un « représentant spécial de l’Ukraine pour l’Afrique » et la préparation d’une « grande conférence politique et économique Ukraine-Afrique ». Lors de sa tournée en juillet dernier, Sergueï Lavrov avait lui-même déclaré que « les Etats africains jouent un rôle de plus en plus important dans la politique et l’économie globale ».
Privilégier les intérêts africains
De l’avis de plusieurs experts, les événements en Ukraine, bien que tragiques, peuvent représenter une occasion pour l’Afrique de définitivement s’imposer en arbitre d’un jeu géopolitique mondial, dont elle a souvent subi les conséquences. Déjà, de plus en plus de voix s’élèvent sur le continent comme ailleurs (Chine, Allemagne), pour accorder à l’Afrique deux sièges permanents au sein d’un Conseil de sécurité figé depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Aujourd’hui, les plus pessimistes voient déjà dans le conflit russo-ukrainien les prémices d’une troisième guerre mondiale. Bien que cette théorie soit très alarmiste, la réalité veut que cette guerre qui a commencé en Europe, se joue aussi en Afrique quoique uniquement sur le plan politique…pour l’instant. Aux pays africains de toujours privilégier leurs intérêts, à savoir le droit de commercer et d’entretenir des relations avec qui ils veulent sans avoir à choisir un camp ou l’autre dans un conflit entre grandes puissances.
Moutiou Adjibi Nourou
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