Les populations ivoiriennes, depuis le 1er Octobre 2022, ont constaté une hausse des prix du carburant à la pompe. Cette situation suscite une polémique sur la toile. Interrogé, l’Expert International en Industries Pétrolières et Énergies, Serge Parfait DIOMAN apporte des éclairages.
Réalisé par Anzoumana Cissé
Par définition, il y a en réalité une nette différence à faire entre les prix des produits finis servis à la pompe et les prix des pétroles bruts qui servent à les fabriquer et qui sont en temps réel annoncés sur les places de marché internationales.
En effet, l’on se doute bien que les deux ne peuvent être les mêmes car après avoir acheté une matière première brute ou semi-finie, il conviendra dans tous les cas de la transporter avant de mener des opérations onéreuses pour la transformer en produits finis commercialisables.
Et bien souvent alors, les coûts réels associés aux intrants utilisés à l’usine dans ce processus de fabrication évoluent fortement selon leurs propres cours sur lesquels les pétroliers n’ont malheureusement aucune possibilité d’agir. En tant que clients, ils les subissent donc eux aussi.
C’est ainsi qu’il est possible et même courant d’observer que pendant que les cours mondiaux du pétrole brut de référence sont sur une tendance baissière, et qu’ils commencent bien visiblement à fléchir comme ce sera le cas bientôt de manière plus palpable, le prix des carburants à la pompe peut être quant à lui conduit par d’autres inerties dominantes qui le font à l’inverse évoluer à la hausse.
Et plus précisément actuellement, du fait de la crise mondiale qui perdure et impacte tous les pays sans exception, les cours des intrants nécessaires à la fabrication des carburants et autres combustibles demeurent extrêmement élevés partout pour les raffineurs.
Les seuls qui s’en sortent un peu, si on peut le dire ainsi, sont les pays pétroliers qui fabriquent ces intrants. Pour tous les autres, il n’y a nul autre choix que prendre en compte cette donnée et y rajouter le coût du transport, des assurances, etc. et la liste est longue.
Voilà pourquoi quand les populations comprennent que les prix à la pompe ne peuvent toujours évoluer dans le même sens que les cours du pétrole quand ces derniers commencent à peine à baisser, après une longue et sévère période de tendance haussière, c’est la preuve que tout le monde est bien instruit de ce qu’il se passe.
Il dévient tout à fait nécessaire et utile dans ces cas alors que les autorités ajustent un tant soit peu les prix à pompe pour éviter au pays de franchir le seuil de la limite préjudiciable.
Sauf que de manière tout à fait objective, l’on ne parlerait pas d’augmentation de prix à la pompe en tant que telle mais plutôt de répercussion qui, selon les deux possibilités envisageables, pourrait s’avérer être une répercussion partielle ou une répercussion intégrale.
Dans la sous-région, certains ont appliqué et continuent d’appliquer la répercussion intégrale tandis que la Côte d‘Ivoire a de nouveau préféré l’option de la répercussion partielle.
Elle se traduit concrètement par une bonne part de subvention toujours appliquée aujourd’hui encore et porte sur l’abandon total de tous les prélèvements au niveau des douanes et ce, depuis le mois d’avril 2022.
C’est factuel car tout sujet n’est pas forcément sujet à polémique.
Autrement dit, il n’existe pas actuellement de différence tarifaire entre produits exonérés ou non exonérés pour ce qui concerne l’essence super et le gasoil.
Cet abandon exceptionnel de taxe s’évaluera au moins à 55 milliards de francs CFA au présent mois d’octobre 2022 pour permettre de se maintenir aux niveaux des prix affichés.
C’est pourquoi en guise de conclusion, si dans la forme l’on note une hausse relative à la pompe, dans le fond pratique cependant, le citoyen averti sait désormais en fait qu’il y a une nette différence à faire entre les termes augmentation et de répercussion.
La répercussion appelle à une contribution partagée des efforts entre le contribuable et l’autorité de l’État d’un pays quand les circonstances atténuantes l’imposent.
La répercussion est donc une sorte d’augmentation circonstanciée et non une augmentation absolue, celle-là qui procède de l’inflation sauvage non maîtrisée et non justifiée contre laquelle toutes les autorités des pays luttent effectivement pour protéger leurs populations.
Voilà pourquoi dans le cas présent, elles comprennent de mieux en mieux que s’il était question d’une répercussion intégrale, nous serions à de plus hauts niveaux de prix à la pompe comme cela se voit hélas sous d’autres cieux limitrophes et même au-delà.
Pour mieux cerner les choses par ailleurs, il importe de savoir que dans le secteur pétrolier en effet, le prix à la pompe des carburants et combustibles est établi selon une note méthodologique de calcul qui est dûment rendue publique au journal officiel de l’État en question.
Ces modalités de calcul du Prix Maximal de Cession (PMC) se font donc en toute transparence et de manière factuelle à toutes fins utiles. Elles font l’objet même d’un arrêté interministériel vu qu’il y a au moins trois signataires ministériels.
Il y a le ministère du pétrole qui est partie prenante car le sujet porte sur une matière qui est de nature pétro-gazière. Il y a également le ministère du commerce du pays car somme toute, il s’agit d’affaires commerciales puisqu’il y a vente et achat. Et immanquablement, le ministère de l’économie et des finances, qui est fondé pour regarder les effets économiques afférents, est aussi partie prenante.
Et nous conviendrons objectivement que depuis le début de cette année où les cours mondiaux ont pris leur tendance haussière, des pays ont immédiatement pratiqué la répercussion intégrale alors que la Côte d’Ivoire a d’abord bloqué les prix à la pompe pendant longtemps avant de procéder utilement par répercussion partielle à l’effet d’endosser la charge de subvention connue de tous.
Serge Parfait DIOMAN
Expert International en Industries Pétrolières et Énergies
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