Alors que la libération de 3 soldates ivoiriennes le 3 septembre dernier avait fait penser à une issue heureuse définitive pour les soldats ivoiriens arrêtés au Mali, l’opinion publique est surprise ces derniers jours du regain de tensions entre les autorités ivoiriennes et maliennes autour de cette question. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » constate que les médiations initiées par les présidents togolais Faure Gnassingbé et sénégalais Macky Sall et diverses autres personnalités n’ont pas donné les résultats escomptés. La saisine de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui suit ce constat d’échec fait craindre une crispation des positions. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » constate, d’ailleurs, que le jeudi 15 septembre, un jour après la diffusion du communiqué du Conseil national de sécurité ivoirien, le gouvernement malien, à travers un communiqué-réponse, a récusé cette saisine de la CEDEAO et mis en garde contre toute instrumentalisation de l’instance communautaire ; ce qui fait craindre une aggravation de la crise entre le Mali et la Côte d’Ivoire autour des soldats ivoiriens arrêtés.
Si la CEDEAO prend des sanctions contre les autorités maliennes, cela ne fera que rendre plus compliquée la libération des militaires ivoiriens. Une guerre ouverte entre les armées malienne et ivoirienne n’est pas non plus souhaitable, encore moins envisageable dans les possibles stratégiques. Elle sera interprétée comme un soutien aux rebelles et aux terroristes djihadistes et donnera du grain à moudre à tous ceux qui rangent insidieusement la Côte d’Ivoire du côté des déstabilisateurs du Mali. Ces scénarios ne sont donc pas envisageables, même dans les perspectives les plus optimistes. Le scénario réaliste envisageable, même si les ego peuvent prendre de l’ombre, est la voie pacifique et la ligne de moindre résistance. C’est pourquoi le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » s’insurge contre tous ceux qui, en Côte d’Ivoire, militent pour exporter, sur la scène internationale et dans les relations entre la Côte d’Ivoire et le Mali, la ligne dure adoptée vis-à-vis de l’opposition ivoirienne tenue en respect par cette stratégie. Cela ne rendra pas service aux 46 militaires ivoiriens arrêtés par méprise et sous l’influence d’un environnement de susceptibilités exacerbées. Nous avons besoin que nos militaires retenus au Mali de la plus déplorable des manières rentrent chez eux. C’est la seule ligne à tenir. Toute autre ligne ne fera que retarder le retour en terre ivoirienne des militaires retenus au Mali et amplifier le supplice de leurs familles.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », la stratégie du pourrissement, qu’elle soit entretenue par la partie malienne ou par la partie ivoirienne, est extrêmement dangereuse et, l’on devrait l’éviter du mieux que l’on peut, avec sagesse. Si l’on n’y prend garde, elle pourrait être la brèche par laquelle les ennemis de l’Afrique pourraient passer pour déstabiliser à la fois la Côte d’Ivoire et le Mali déjà aux prises avec les mouvements terroristes djihadistes. Il n’est dans l’intérêt d’aucun des peuples malien et ivoirien de voir la situation actuelle déboucher sur un antagonisme armé ou sur la prise de mesures de rétorsion des uns contre les autres par le biais d’un tiers. Le régime des sanctions a montré son inefficacité dans le règlement des litiges entre Etats. Au lieu de susciter la colère des peuples contre leurs dirigeants stigmatisés, les sanctions ne font que renforcer le soutien populaire à leur endroit.
Parce que l’essentiel est de faire revenir les 46 soldats ivoiriens auprès de leurs familles respectives qui vivent un stress insupportable du fait de cette affaire et qu’aucun sacrifice n’est de trop pour aboutir à un règlement pacifique de cette crise, la diplomatie belliqueuse ne pouvant rien résoudre, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » prie instamment le Président Alassane Ouattara d’accepter l’humiliation que les autorités transitoires maliennes font subir à la Côte d’Ivoire. La vie des nations est longue et sinueuse et, parfois, il faut reculer pour mieux sauter. Entre la sagesse prudente de la reculade et l’hérésie imprudente du téméraire jusqu’au-boutiste, un proverbe baoulé conseille que « le bélier qui va foncer commence d’abord par reculer ». Parfois, il faut savoir quitter la peau du lion pour prendre celle du renard (paraphrase d’une citation de Napoléon Bonaparte). Un proverbe ivoirien de la langue populaire dit, d’ailleurs et à juste titre, qu’« on ne reste pas dans magnans pour enlever magnans ». Cette même langue populaire soutient aussi que « quand tu as les doigts dans la bouche d’une personne, tu ne la frappes sur la tête ».
Les autorités maliennes demandent des gages à la Côte d’Ivoire, qui a accordé l’asile politique à d’anciennes personnalités du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Kéita, qui abrite sur son sol une base militaire de la France qu’elles viennent de dénoncer à l’ONU pour complicité de déstabilisation et violation répétée de la souveraineté du Mali, qu’elle ne se prêtera pas au jeu de la déstabilisation du régime militaire au pouvoir. A maintes occasions, les autorités ivoiriennes ont souligné que la Côte d’Ivoire n’a pas pour objectif de déstabiliser son voisin. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » s’en réjouit. Mais, le message ne semble pas avoir été compris. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » pense que la médiation togolaise doit aider à rétablir la confiance entre le Mali et la Côte d’Ivoire. L’histoire ivoirienne nous apprend que c’est à partir du Burkina Faso que le pouvoir du président Laurent Gbagbo a été déstabilisé. La suspicion des autorités maliennes, qu’elle soit légitime ou non, mérite attention.
C’est pourquoi le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » recommande que les personnalités maliennes vivant sur le sol ivoirien et accueillis en vertu des dispositions de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés fassent, dans le cadre de la médiation togolaise, une déclaration publique de ne s’engager dans aucun projet de déstabilisation du régime militaire au pouvoir au Mali ni d’apporter un soutien quelconque à la rébellion malienne. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » se réjouit de ce que l’Etat de Côte d’Ivoire, par la bouche de monsieur Fidèle Sarassoro, ministre-directeur de cabinet du Président de la République, a pris l’engagement, lors de la rencontre à Lomé, au Togo, le 3 septembre 2022, avec la partie malienne, de se conformer aux procédures édictées par les autorités maliennes comme le fait désormais la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » recommande d’associer, dans le cadre de la médiation togolaise désignée par les autorités maliennes comme l’« unique cadre accepté de règlement du dossier des 49 soldats ivoiriens », les anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié dont le poids républicain sera un gage supplémentaire de la bonne volonté et des bonnes dispositions d’esprit de la partie ivoirienne pour le retour à l’apaisement dans les relations avec son voisin. Il s’agit d’exploiter les canaux politiques ivoiriens susceptibles de peser dans les négociations et d’aider à la réussite de la médiation togolaise. L’extrême gravité de la situation des 46 soldats ivoiriens retenus au Mali en fait une préoccupation nationale qui transcende les clivages politiques et partisans. Cette rencontre de haut niveau qui est une pratique courante dans les démocraties occidentales lorsque les circonstances nationales et internationales l’exigent permettra de recueillir l’avis et les suggestions de ces anciens présidents de la République dans la résolution du malentendu diplomatique qui oppose le Mali à la Côte d’Ivoire. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », il faut que les soldats ivoiriens rentrent chez eux d’une manière ou d’une autre mais par la voie pacifique.
Pour permettre aux anciens présidents de se faire une meilleure opinion de cette crise en lieu et place des ouï-dire et d’être à l’aise dans les négociations, toute la documentation disponible liée à cette malheureuse et regrettable affaire devra être mise à leur disposition, à savoir :
– Les différents communiqués du gouvernement malien et du Conseil national de sécurité ivoirien ;
– Le contrat entre la République de Côte d’Ivoire et la compagnie aérienne Sahel Aviation Service (SAS) pour la sécurisation, par des militaires ivoiriens, avec leurs propres armes et munitions, de la base NSE (éléments nationaux de soutien) allemande de l’aéroport international de Bamako-Sénou ;
– La note verbale de référence MINUSMA/PROT/NV/226/2022 du 27 juillet 2022 transmise par la MINUSMA au ministère malien des affaires étrangères et de la coopération internationale et rendue publique le même jour.
– La convention signée en 2019 par l’ONU avec la Côte d’Ivoire pour le déploiement d’éléments nationaux de soutien et les différents déploiements de troupes ivoiriennes, s’il en existe, faits dans le cadre de cette convention depuis cette date.
Il est indispensable et urgent de sortir de la diplomatie belliqueuse pour qu’enfin les 46 soldats ivoiriens rentrent chez eux. La responsabilité de tout débordement de la situation incombera à la fois au Mali et à la Côte d’Ivoire et, la Côte d’Ivoire ne devrait pas tomber dans le jeu des autorités maliennes dont on peut comprendre la méfiance avec la situation que leur pays traverse. C’est la Côte d’Ivoire qui a les doigts dans la bouche des maliens. Elle devra donc supporter avec sagesse toutes les manœuvres dilatoires ou non des autorités maliennes parce qu’« à trop tirer sur la corde, elle finit par se rompre » dit-on. D’ailleurs, en libérant les 3 soldates, le 3 septembre dernier, les autorités maliennes ont montré qu’elles ne sont pas fermées à une issue diplomatique négociée de la crise des 46 militaires ivoiriens. A la fin de cette crise, toutes les conclusions devront être tirées par une enquête administrative pour éviter qu’une telle fâcheuse situation ne se répète à l’avenir.
Fait à Abidjan, le 17 septembre 2022.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».
Le Président
Pr. Séraphin Prao
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