L’Ordre des Avocats de Côte-d’Ivoire abuse-t-il de ses prérogatives ? Les avocats en colère, le Barreau dans la tourmente (enquête)

Que se passe-t-il au Barreau de Côte d’Ivoire où le bâtonnier Me Mentenon et son équipe ont décidé, il y a quelques semaines, de sévir contre ceux qu’ils considèrent comme des juristes n’étant pas dignes d’exercer la noble profession d’avocat.

Trois avocats visés

A la surprise générale, le 25 août 2022, dans son communiqué n°1273, le bâtonnier de l’ordre des avocats informait l’opinion d’une décision de sanctions à l’encontre trois de ses membres.

Maître Zadi Jonas est ainsi interdit d’exercer la profession d’avocat pour une durée de 12 mois assorti du sursis et frappé également d’une interdiction de faire partie d’un Conseil de l’ordre des Avocats pour 6 ans. Il lui est reproché d’avoir apporté son  »concours à un tiers pour l’exercice illégal de la profession et manquement à la dignité et à l’indépendance ». Ni plus, ni moins.
À quel tiers a-t-il apporté son concours, quel manquement à la dignité et à l’indépendance le condamne à une si lourde peine ? Le communiqué est muet là-dessus.

Le second, Me Jonas Koffi Brou, a lui, écopé d’une sanction de  »radiation pure et simple » pour  »maniement de fonds appartenant à des clients » et pour  »manquement à ses obligations professionnelles de délicatesse, de loyauté, de probité et d’honneur liées à son serment ».

Me Soya Kéiba est elle, interdite d’exercer la profession pour une durée de 12 mois ferme. En plus elle ne pourra plus appartenir à un conseil de l’ordre des avocats pendant 10 ans. Motifs :  »violation du serment d’avocat et de la confraternité ».

Pendant ce temps, selon nos informations, l’examen des sanctions disciplinaires de Me Dako Zahui et de Me Bamba Katty Micheline a été ajourné et devrait être traité à la session d’octobre 2022.

Appels et cassation

Il convient de préciser que les trois avocats ont la possibilité de faire appel aux sanctions de l’Orde.

Dans le cas de maître Zadi l’interdiction de12 mois d’exercer assortie de sursis ne l’empêche pas de continuer à exercer son métier.

Selon nos informations les avocats ont tous introduit des appels à la décision qui les sanctionne.

L’appel étant suspensif de la décision de sanctions de l’Ordre, maîtres Zadi, Kéiba et Brou Koffi, gèrent leurs cabinets respectifs comme de coutume.

À la suite des différents appels, l’Ordre et les avocats concernés gardent aussi la possibilité d’acter en cassation.

Durant ces deux procédures qui souvent, trainent de longues années, les avocats sanctionnés conservent leur droit d’exercer.

Vent de suspicions au Barreau

Bien vrai que rien ne soit définitif, l’affaire ébranle le milieu des hommes en toge.

Ils sont en effet nomreux les avocats que nous avons contactés, qui ne finissent pas de s’interroger sur les fondements de ces sanctions disciplinaires jugées lourdes et entachées d’irrégularités, selon certains spécialistes des questions judiciaires interrogées.

À l’évidence, le seul communiqué qui ne fournit aucun détails sur les manquements des sanctionnés ne saurait suffire pour se faire une idée claire de la décision. Certains détails y sont volontairement occultés et ne peuvent éclairer suffisamment le lecteur. Pourquoi Me Zadi, régulièrement inscrit au Barreau de Côte d’Ivoire après des études en France où il a d’ailleurs exercé le métier avant son retour au pays, serait-il traité ainsi alors qu’il n’ignore pas les règles qui régissent la profession ? A qui a-t-il prêté ses services pour qu’il mérite cette sanction ? Les mêmes interrogations se posent au sujet des deux autres  »fautifs ».

Abus de pouvoirs

Selon des sources introduites, le bâtonnier Claude Maintenon serait très remonté contre certains de ses pairs, notamment les jeunes avocats ivoiriens formés à l’extérieur et qui pour s’inscrire au Barreau de Côte d’Ivoire doivent démissionner des Barreaux où ils ont exercé à l’extérieur. Cette clause fait grincer des dents et constitue la pierre d’achoppement au niveau du barreau ivoirien. Comment démissionner de son barreau d’origine alors que la procédure d’intégration au barreau ivoirien est particulièrement fastidieuse ? Voici qui amène certains avocats ivoiriens, formés à l’extérieur, qui veulent exercer dans leur pays à se mettre sous la couverture d’un avocat inscrit localement. Serait-ce là, la faute de Jonas Zadi à qui il est reproché d’avoir prêté son concours à un tiers ?

Pire, depuis trois ans le Concours d’Aptitude à la Profession, le CAPA, dont l’organisation incombe désormais à l’Ordre et non plus à l’Université de Cocody, n’est plus organisé. Pourquoi ? Silence de marbre à l’Ordre !

La décision de sanctions fait grand bruit et de jeunes avocats sont prêts à aller jusqu’au bout pour que soient éclairés bien d’autres points constitutifs de griefs à l’encontre des dirigeants de l’Ordre.

Un seul Barreau national pour trois juridictions d’appel

Entre autres, les questions de la création des Barreaux auprès des juridictions de Bouaké et Daloa qui ont des cours d’appel restent en suspens.

Dans le milieu, Connectionivoirienne.net apprend que depuis sa création en 1981, le Barreau de Côte d’Ivoire a évolué et compte aujourd’hui environ 600 hommes pour un seul barreau, celui d’Abidjan. Les deux autres barreaux (Bouaké et Daloa) sont toujours attendus. Et, il semble que les autorités judiciaires, l’Ordre des avocats, notamment, ne poussent pas suffisamment pour que soient créés ces Barreaux et que de jeunes avocats qui attendent depuis des années y soient inscrits ?

Une source estime que cela est fait sciemment parce que ceux qui dirigent l’Ordre actuellement n’y ont pas intérêt afin de conserver leur toute puissance et sévir ainsi en conséquence.

D’autres bruits de couloir pointent également un  »deux poids, deux mesures » dans le traitement des dossiers disciplinaires. En exergue, la sanction qui frappe Me Koffi Brou pour une affaire de quelques 5 millions de FCFA, selon nos sources. Koffi Brou est lourdement sanctionné alors qu’un autre Avocat qui est passé par la case prison pour des faits de manipulation de 5 milliards de FCFA est réintégré.

Comparaison n’est pas raison certes, mais la pertinence de la décision, fait valoir une source indépendante, devrait s’apprécier selon cette sorte de jurisprudence.

L’affaire est un lever de boucliers et nous y reviendrons avec des détails plus croustillants.

Notamment le blocage du concours de recrutement des Avocats à travers le test du Capa, la gestion de la caisse des finances du Barreau d’Abidjan, la gestion des stickers introduits par le Barreau que chaque avocat doit s’acquitter avant de pouvoir défendre un dossier…

SD à Abidjan avec Gbansé, Douadé Alexis
sdebailly@yahoo.fr

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