Le navire qui fit la fierté de la marine nationale cherche son ultime destination. Le Brésil, qui l’avait acheté en 2000, l’a revendu à une société turque pour être démantelé, mais la Turquie refuse de l’accueillir, jugeant l’opération trop polluante.
La vieillesse est un naufrage. Pour les navires aussi. Ainsi de l’agonie de celui qui fut un fleuron de la Royale, le porte-avions Foch, rebaptisé São Paulo après sa revente à la marine brésilienne en 2000.
Ses 24 000 tonnes de métal et d’histoire en ont fait un paria des mers.
Aux dernières nouvelles, le bateau faisait des ronds dans l’eau dans l’Atlantique, aux abords de la Méditerranée et au large des côtes marocaines, en quête d’un chantier de destruction qui daigne l’accepter, lui et son encombrant paquetage d’amiante, de PCB, de cadmium, de plomb ou de mercure. Plusieurs organisations environnementales considèrent que le navire doit être classé comme un « déchet dangereux », selon les termes de la convention internationale de Bâle. Triste dégradation publique.
Il y a près de vingt ans, son frère jumeau, le Clemenceau, avait connu la même fin déshonorante. Après une prestigieuse carrière, le pestiféré avait été chassé de tous les ports comme un rebut, entre 2003 et 2006, de l’Espagne à l’Inde, revenant rouiller trois ans à Brest pour finir, l’année suivante, découpé par des chalumeaux anglais, à Hartlepool. En 2022, l’ex-Foch se retrouve pareillement à la recherche d’une dernière escale.
Numéro de duettiste avec le « Clemenceau »
Le São Paulo avait été mis aux enchères par le gouvernement brésilien et, l’année dernière, acheté pour une bouchée de pain – 1,6 million de dollars (l’équivalent en euros) – par la société turque SÖK Denizcilik, qui envisageait de le dépecer dans un chantier d’Aliağa, près d’Izmir, espérant tirer profit de son acier. Le porte-avions avait donc quitté le 4 août le port de Rio de Janeiro, traîné comme un impotent, par un remorqueur sous pavillon néerlandais, l’ALP Centre. Il avait traversé l’Atlantique à la vitesse d’une barcasse, lui qui, à la belle époque, filait ses 32 nœuds (60 km/h), poussé par les 126 000 chevaux de ses moteurs diesel.
Mais, coup de tabac, vendredi 26 août : le ministre de l’environnement turc a annulé le permis d’importation, alors que le convoi approchait du détroit de Gibraltar.
« Le navire ne sera pas autorisé à entrer dans les eaux territoriales turques », a déclaré Murat Kurum.
Le gouvernement d’Ankara est revenu sur sa décision sous la pression des associations locales de défense de l’environnement, qui ont fait valoir la dangerosité pour les ouvriers et la nocivité pour la nature de celui qu’elles ont qualifié, en un nouveau blasphème, de « bateau de la mort ».
La Turquie n’en veut pas, le Brésil n’en veut plus. Et la France s’en lave les mains.
« La France a une responsabilité morale d’avoir revendu au prix de la casse un bateau à bout de souffle à une marine étrangère », juge pourtant Jacky Bonnemains, responsable de l’association environnementale Robin des bois.
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