Annulation en partie de la dette chinoise: Qui sont les créanciers de l’Afrique ?

Annulation de la dette chinoise : qui sont les créanciers de l’Afrique ?

Auprès de qui l’Afrique est-elle endettée ? Chine, Banque mondiale, Club de Paris, créanciers privés… Alors que Pékin vient d’annoncer son intention d’annuler les prêts accordés à 17 États du continent, Jeune Afrique fait un état des lieux des pays débiteurs, en infographies.

Par Marie Toulemonde

Le débat sur le niveau d’endettement public des pays africains est récurrent. Faut-il supprimer la dette ? Suspendre les remboursements ? Ou, au contraire, ces solutions ne risquent-elles pas d’être pires que le mal, en faisant fuir les investisseurs ? Jeudi 18 août, la Chine a annoncé son intention d’annuler 23 prêts sans taux d’intérêt, arrivés à échéance à la fin de l’année 2021, accordés à 17 pays du continent.

Si Pékin n’a, pour l’heure, pas donné le détail des pays concernés, pas plus que les sommes en jeu – forcément colossales –, l’annonce a déjà relancé la controverse sur la pertinence de l’annulation des dettes, qui a notamment donné lieu à une passe d’armes entre les ministres béninois et sénégalais des Finances. Et une question centrale reste toujours en suspens : qui détient la dette africaine ? La réponse conditionne notamment la possibilité – ou non – de recourir aux Debt Service Suspension Initiative (DSSI), le mécanisme mis en place par le G20 destiné à geler temporairement les remboursements de la dette bilatérale.

Aucune étude n’a été menée sur ce sujet. Aucun état des lieux global n’est disponible. Pour répondre à cette question cruciale, Jeune Afrique s’est donc plongé dans les données de la Banque mondiale pour tenter de savoir à qui l’Afrique a emprunté, et combien. Chine, institutions multilatérales, Arabie saoudite… qui sont les principaux créanciers de la Côte d’Ivoire ? De la Mauritanie ? De la RDC ?

Notre enquête – réalisée en juillet 2021 et que nous republions à l’aune de l’annonce chinoise –confirme plusieurs des grandes tendances déjà connues, et met aussi en lumière quelques surprises. Le détail est à découvrir ci-dessous, en infographies.

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La Chine efface une partie de l’ardoise africaine

En plus d’annuler le remboursement de prêts accordés à 17 pays africains, Pékin veut renforcer son soutien aux secteurs agricole et manufacturier sur le continent et mettre en place une aide alimentaire.

Par Yara Rizk

Inédit. Le 18 août, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a annoncé que Pékin s’apprêtait à annuler 23 prêts sans intérêt, arrivés à échéance fin 2021, et accordés à 17 pays africains.

La Chine, qui n’a communiqué ni le montant ni la liste des pays concernés, est le premier créancier bilatéral de plusieurs africains. Parmi eux : Djibouti (55% du stock de la dette du pays est chinoise), la RDC (42%), l’Angola (34%), la Guinée (32%), les Comores (31%), le Cameroun (29%), la Zambie (25%) et le Togo (24%). Au total, ce sont plus de 150 milliards de dollars qui ont été prêtés depuis le début des années 2000 par la Chine, majoritairement par l’intermédiaire de ses banques de développement, la China Eximbank (60 %) et la China Development Bank (25 %).

Une somme colossale, accordée sous forme de prêts aux conditions jugées opaques par certains experts. Ce qui a valu à Pékin des critiques, notamment de la part des pays occidentaux, qui mettent régulièrement en garde contre le « piège de la dette chinoise ». Lors de sa tournée africaine, Antony Blinken n’avait pas manqué d’insister sur le sujet.

« Mentalité de guerre froide »
Des accusations que Pékin réfute par les mots, et désormais par les actes. Selon Wang Yi, entre 2000 et 2019, son pays avait déjà annulé quelque 3,4 milliards de dollars de dette et restructuré environ 15 autres milliards de dollars de dette, dont 5,7 milliards dans le cadre du plan d’allègement de la dette du G20 pour les pays pauvres.

S’exprimant le même jour, dans le cadre d’une conférence de presse, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères (MAE), Wang Wenbin, a insisté sur le fait que « les accusations » des Occidentaux étaient « infondées » et qu’elles sont « utilisées [notamment] par les États-Unis et d’autres officiels pour rejeter leurs [propres] responsabilités ». Et d’ajouter que « les prêts accordés par la Chine disposaient de taux d’intérêt fixes et inférieurs aux taux commerciaux et aux prêts accordés par la Banque africaine de développement (BAD), dont les taux sont généralement compris entre 4 et 10 %. »

L’officiel chinois a par ailleurs condamné la « mentalité de guerre froide à somme nulle de l’Occident », et proposé la mise en place d’un modèle basé sur une « coopération multipartite avec l’Afrique qui apporte des résultats gagnant-gagnant ».

« Coopération mutuellement bénéfique »
Outre l’annulation de dette, le ministre chinois des Affaires étrangères a indiqué que Pékin va accroître son implication en Afrique et fournir des aides alimentaires, économiques et militaires supplémentaires, tout en maintenant son soutien à l’Union africaine (UA) dans les efforts de cette dernière pour rejoindre le G20.

« Nous continuerons à augmenter les importations en provenance d’Afrique, à soutenir un plus grand développement des secteurs agricole et manufacturier [des économies du continent], et à étendre la coopération dans les industries émergentes telles que l’économie numérique, la santé, les secteurs verts et à faible émission de carbone », a-t-il précisé.

Ces derniers mois, Pékin a conclu des accords avec 12 pays du continent pour supprimer les droits de douane sur 98% des produits qu’ils exportent vers la Chine, ce qui permettra d’augmenter la compétitivité des produits africains. En parallèle, 2,17 milliards de dollars supplémentaires ont été investis par les entreprises chinoises en Afrique, et 2 milliards sur les 10 milliards promis pour le commerce ont déjà été engagés.

Dette cachée
Le rapport de l’Institut William and Mary « Banking on the Belt and Road », publié le 27 septembre en 2021, indique que 385 milliards de dollars (330 milliards d’euros) de dettes « cachées » n’apparaissaient pas dans le système de déclaration officiel de la Banque mondiale. En tout, 26 États africains en seraient indirectement débiteurs.

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