(Agence Ecofin) – La décision prise par trois agences de notation de qualifier la dette souveraine du Ghana de spéculative, soulève des questions sur la pertinence de ces notations. Le pays ouest-africain fait face à des contraintes, mais la dégradation de son profil d’émetteur n’est pas à l’abri de toute critique.
Selon la plateforme Capital IQ du groupe S&P Global Ratings, la prime de risque exigée par les investisseurs pour se protéger contre un risque de défaut de remboursement de dette (CDS Spread) émise par le Ghana a atteint 4002 points de base. C’est l’équivalent de 40% des montants à rembourser par le pays. Ce coût d’assurance est désormais le plus élevé d’Afrique.
En effet, les CDS (Credit Default Swap) spreads exigés pour le Ghana dépassent désormais celui de la Zambie (30%) qui, techniquement, est encore en situation de défaut, même si des informations plus rassurantes ont récemment été données. Ces primes d’assurance sont aussi plus élevés que celles exigées sur les dettes de l’Ethiopie, l’autre pays qui, selon les trois grandes agences de notations internationales (S&P Global Ratings, Moodys, Fitch Ratings) est devenu spéculatif pour les investisseurs.
Cette situation sonne comme une sanction, pour un pays qui a fourni des efforts, pour se sortir d’une difficile conjoncture, que lui imposent des facteurs externes depuis trois ans (covid-19, crise en Ukraine et inflation américaine). Malgré une politique monétaire rigoureuse et une gestion prudente du secteur bancaire, le Cedi (monnaie du Ghana) a perdu 43,4% face au Dollar US depuis le début de l’année 2022, rendant plus difficile la capacité du pays à rembourser sa dette internationale.
Certes la dette publique représente désormais 86,4% de son produit intérieur brut. Mais l’Egypte pour lequel ce ratio a déjà atteint 94% continue de bénéficier d’une confortable note de B chez S&P Global Ratings, qui lui donne la capacité de refinancer sa dette avec des charges financières moins importantes. Il en est de même pour certains pays européens comme la France où la dette publique est attendue à 112% du PIB en 2022 ou de l’Italie qui atteindra les 148% de dette sur PIB selon les prévisions.
Aussi, le suivi des évolutions sur le marché international de la dette, montre que les pays qui sont parvenus à gérer durablement leurs dettes au cours des dernières décennies, sont ceux qui ont pu accéder facilement aux marchés internationaux des capitaux, à des coûts avantageux. A titre d’exemple, il est prévu qu’en 2022, l’encours de la dette commerciale des Etats-Unis atteindra les 23 000 milliards $. Or, selon ses propres statistiques officielles le pays est techniquement en récession, fait face à un niveau d’inflation historique et qui laisse très peu d’options à la banque centrale (FED). Pourtant aucune agence de notation n’a jusqu’ici envisagé de revoir la note de qualité parfaite qui est attribuée à la première économie du monde.
Le Gouvernement du Ghana continue de protester et d’afficher sa déception face aux récentes décisions de S&P Global Ratings, et de Fitch Ratings. Mais le problème est plus global en Afrique. Très peu de pays émetteurs de la région ont manqué à leur obligation de remboursement, mais ils sont toujours jugés spéculatifs par les agences de notation ce qui rend leur accès aux marchés internationaux de capitaux plus difficile et surtout plus cher.
Alors qu’ils doivent eux aussi financer les effets de la Covid-19 et d’autres crises qui ne sont pas le fait de leurs gouvernances, les pays de la région n’ont pu mobiliser que 6 milliards $ sur les marchés internationaux entre janvier et juillet 2022. On est encore loin de la moitié de ce qu’ils ont reçus en 2021 (20,6 milliards $). Ainsi, le Ghana n’a pas eu d’autre choix que de solliciter l’aide du FMI, dont il avait annoncé son intention de s’en affranchir. Mais même dans cette option, les agences de notation estiment que cela n’apportera pas de « solution sur le court terme ». Elles ne proposent toutefois aucune voie de sortie concrète pour régler cette situation.
Idriss Linge
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