Ivoiriennes et Ivoiriens,
Nous venons de célébrer les 62 ans de l’accession de notre pays à la souveraineté Internationale, et l’imposant défilé militaire qui nous a été servi ce 7 Aout 2022 à Yamoussoukro, n’a pu que nous ravir tous, nous combler même, autant que nous rassurer et rasséréner.
Il y a ensuite et surtout le grand guerrier qui l’a conduit, marchant, développant une magnifique allure martiale, affichant une attitude de résolution et d’intrépidité qui a réjoui tous les Ivoiriens.
Même si ce n’est pas l’équipement qui assure la force et la puissance et la qualité de performance d’une armée, il vaut mieux savoir que la Côte d’Ivoire dispose désormais d’un armement d’un niveau qui dissuadera quiconque dans la sous-région de venir sur notre sol nous chercher noise.
C’était parfait, c’était un grand moment, et nous adressons nos félicitations au maitre d’œuvre et concepteur du tout, le Chef Suprême des Armées, le Président Alassane Ouattara.
Sauf que …, Sauf que …, Sauf que le visage et la silhouette du preux chevalier, du combattant de lumière à la tête des troupes, sont très connus en Côte d’Ivoire. C’est même une célébrité établie, puisque l’homme a été visible, et en bonne place, toutes les fois que la Côte d’Ivoire a connu des crises socio- politiques violentes et armées depuis trois décennies.
Ne retenons que cinq dates :
– 1999 : Coup d’Etat Militaire
– 2000 : Complot Cheval Blanc
– 2001 : Complot Mercedes Noire
– 2002 : Rébellion armée et division du territoire en deux états
– 2010/2011 : Crise post-électorale
Et l’homme n’a jamais fait mystère de celui pour qui il s’est toujours engagé.
Quel Ivoirien d’âge adulte a pu s’empêcher de voir dans le choix spécifique de ce soldat, pour conduire ce défilé grandiose, ou un signe, ou un symbole, sinon tout simplement une adresse, à ceux qui sauront décrypter, que le long parcours qui a mené notre César au pouvoir ne s’est effectué que par la force et la violence de l’épée ?
L’opposition politique, tous bords confondus, n’était-elle pas invitée à retenir qu’au final, seule la force et celui qui la détient l’emportent ?
Il est sûr que les yeux des deux grands absents du jour que furent Konan Bédié et Laurent Gbagbo y auront lu et compris beaucoup plus que nous ne pouvons en écrire ici.
Il y a également, loin de Yamoussoukro et de la Côte d’Ivoire, un jeune et ancien grand prétorien qui ne manquera pas d’y trouver élément pour poursuivre sa longue méditation sur le sens et l’essence du politique.
Et puisque ce genre de grand évènement se prépare dans la durée, il est sûr que le choix du conducteur du défilé a été fait depuis longtemps, et certainement avant le récent 14 juillet.
En invitant, ce jour là, avec le meilleur civisme d’état, ses deux éternels prédécesseurs à la Présidence, à être à ses côtés ce 7 août, à Yamoussoukro, le Président Ouattara a t-il, ne serait-ce qu’une seconde, mesuré ce qu’auraient vécu Bédié et Gbagbo s’ils avaient été présents, durant toute la cérémonie, la liesse nationale se muant pour eux en véritable purgatoire ?
Quelle est cette Côte d’Ivoire où être ancien Chef d’Etat vivant est parti pour être un chemin de croix permanent ?
Et encore, le pire est que, retenir l’hypothèse de la volonté délibérée d’écraser et humilier l’adversaire ou rival est, à l’analyse, encore préférable à celle de la proposition spontanée et de bonne foi…
Nous sommes d’autant plus perturbés que la veille, le Chef de l’Etat, Monsieur Alassane Ouattara, a annoncé avoir pris un décret en faveur de son immédiat prédécesseur, Laurent Gbagbo, à savoir une mesure de grâce, en prenant soin d’expliquer au peuple ivoirien que c’est pour lui permettre d’être éligible à tout ce que l’Etat, par la loi, doit à un ancien Président de la République.
Le peuple de Côte d’Ivoire se réjouit et remercie, assuré que la petite épouse assurera à la table de son homme des machoirons presque aussi grands que des requins.
Oui, mais c’est l’ensemble de la classe politique et les responsables publics qui déduiront de cette grâce qui tombe à la place d’une amnistie que rien n’est encore assuré ou acquis à Laurent Gbagbo s’il déposait un dossier de candidature à des élections.
Tous les hauts responsables de l’ère Gbagbo cités dans l’affaire de la BCEAO savent déjà à quoi s’en tenir. Et se voir remettre un passeport même sous les ordres du grand César, ne laisse en rien présager de ce qui pourrait survenir à l’aéroport d’Abidjan, puisque « dura lex, sed lex »
Et qu’en est-il des évènements de la crise du troisième mandat d’Alassane Ouattara, 2020 à 2021 ?
Nous croyons savoir que de nombreux leaders éligibles à prétendre gouverner la Côte d’Ivoire, des hauts responsables du PDCI, du PPA-CI, du FPI, de l’UDPCI, du GPS, de MGC etc., etc., ont été auditionnés par le Procureur de la République suite à ces évènements malheureux.
Peut-il leur être, suggéré, fraternellement, de ne pas rester les bras croisés et de crever l’abcès dès maintenant pour savoir si leurs ambitions électorales ne pourraient pas être remises en cause dans les semaines précédant les élections ?
Comment éviter ces questions à un an des élections de 2023, qui se tiendront dans un contexte juridique administratif et d’organisation qui n’aura en rien varié, en dépit des espoirs et promesses du Dialogue Politique qui est en sa cinquième étape ?
Et qu’est ce qui nous permet de penser qu’avec un César qui, inlassablement, s’acharne sur ses adversaires en tous leurs compartiments et moyens, pour ne laisser aucune chance à l’alternative, refusant même l’union et l’association à la gestion de la chose nationale, il faut espérer que la Côte d’Ivoire abordera sa présidentielle de 2025 dégagée de toute la gangue des conflits et crises à répétition du passé ?
Appeler à des élections présidentielles en 2025, tant que le Président Ouattara n’aura pas, en lui-même, intégré que le monde et les temps changent, et que désormais, on n’administre une cité et gère ses hommes qu’en les associant au maximum à toutes les étapes de décision, risque de réserver à la Côte d’Ivoire de revivre ce que tout le monde se force à oublier.
C’est le jour où le grand César se réjouira d’avoir tout gagné qu’il aura enfin tout perdu !
Le Grand Gagnant du Troisième Mandat se refuse encore, hélas de retourner l’ascenseur à la partie en face et à la Côte d’Ivoire.
Ivoiriennes, Ivoiriens, alors que nous nous attendions à une sortie progressive des crises et tensions de notre vie politique, épuisés et espérant un retour définitif au calme et au vivre ensemble, l’horizon s’annonce encore rocailleux et semé d’embûches.
Mais la vie et l’histoire d’une nation ne s’arrêtent pas.
Gardons la foi et continuons…
Abidjan le 11 Août 2022
Kobena Innocent Anaky
Président du MFA
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