Interview –
Quelle est l’utilité des filets sociaux distribués à des familles démunies ? Ces familles sont-elles sélectionnées de façon arbitraire ? Autant de questions que se pose le grand public et auxquelles la ministre de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté, Myss Belmonde Dogo, répond, sans faux-fuyant, dans cette interview accordée à L’Avenir.
Qui finance la politique des filets sociaux, la Côte d’Ivoire ou les partenaires au développement ?
Le Projet des Filets Productifs est cofinancé par l’Etat de Côte d’Ivoire et la Banque Mondiale pour un financement total de plus de 100 milliards de FCFA sur la période 2015-2024.
Quels sont les critères de sélection des bénéficiaires des filets sociaux ?
Les données de l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM), anciennement appelée ENV (Enquête sur le Niveau de Vie des ménages), ont permis de construire un modèle de ciblage des ménages pauvres. D’abord, la sélection des zones d’intervention du projet appelé ciblage géographique, qui se fait sur la base du niveau de pauvreté, selon l’Enquête Niveau Vie des ménages (ENV). Ensuite, la conduite d’une enquête auprès des ménages, à travers des questions sur leurs conditions de vie et d’accès aux services sociaux de base. Enfin, la vérification et la validation de la liste des ménages issue de l’enquête, avec les communautés elles-mêmes, en présence du corps préfectoral. Pour le milieu urbain, des comités locaux de ciblage et les sous-comités mis en place permettent de capitaliser sur la bonne la connaissance des ménages éligibles auxquels s’applique l’enquête précédemment citée. Les conditions particulières à satisfaire sont les suivantes ; être identifié comme résident permanent dans une localité de la zone d’intervention du projet, avoir en son sein au moins un enfant de 0 à 15 ans ou une femme enceinte au moment de l’enquête, car il s’agit d’investir prioritairement dans la petite enfance, être pré-identifié comme un ménage éligible en raison de sa situation d’extrême pauvreté après l’enquête ménage. Etre confirmé par la communauté de son milieu de résidence, comme un ménage en situation de pauvreté extrême ou un cas particulièrement vulnérable du fait de l’âge, d’un handicap ou toute autre situation de vulnérabilité.
A quelle fin leur apporte-t-on cet appui financier ?
A travers ce programme des filets sociaux productifs le gouvernement veut améliorer le niveau de consommation des ménages vulnérables, tant du point de vue de l’alimentation, de l’accès aux services sociaux de base que de l’investissement dans le capital des filets productifs. En clair, il s’agit de sortir les ménages vulnérables de l’extrême pauvreté.
Combien de temps va durer cette assistance de l’Etat ?
La durée de l’assistance de l’Etat est de 3 ans pour chaque ménage bénéficiaire. La phase actuelle s’étendra jusqu’en 2026.
Avec cette politique de filets sociaux, n’est-ce pas une façon de donner du poisson plutôt que d’apprendre à pêcher à ces personnes ?
Le Gouvernement ne se limite pas à octroyer des transferts monétaires non remboursables, ce que vous appelez « Donner du poisson ». Mais ces transferts monétaires sont assortis de mesures d’encadrement de proximité afin de favoriser l’inclusion sociale et productive des bénéficiaires, ce qui reviendrait à « apprendre à pêcher ». Et cela se fait à travers la formation sur les modules tels que gestion du budget familial, des techniques agricoles et commerciales, la création d’Activités Génératrices de Revenus (AGR), la mise en place des Association Villageoise d’Epargne et de Crédit, en abrégé AVEC, leur donnant accès à des crédits facilement remboursables. C’est pour vous dire que nous n’entretenons pas la vulnérabilité ou la pauvreté.
Que se passe-t-il après la troisième année d’assistance à ces ménages ?
A la troisième année, ils reçoivent de l’argent pour mener une activité génératrice de revenu. Mais le constat que nous avons fait et nous en sommes fiers, est que bon nombre de ces ménages arrivent à faire des activités pendant qu’ils sont dans le projet, grâce aux Associations villageoises d’épargne et de crédit qu’ils forment par groupe de 25 ou 30.
A travers ce programme, le gouvernement n’est-il pas en train de réinstaurer l’Etat Providence tant décrié par le passé ?
A travers ce programme de filets sociaux, le Président de la République, son Excellence Alassane Ouattara, est en train de traduire en acte son engagement de ne laisser aucun Ivoirien de côté, où qu’il se trouve, peu importe ses opinions, quel qu’il soit. A travers les transferts monétaires et les mesures d’accompagnement, le Gouvernement contribue à augmenter la capacité de résilience des ménages les plus vulnérables et à renforcer les mécanismes de réponse aux chocs covariants. En d’autres termes, par ce programme, il s’agit de redistribuer les fruits de la croissance. Les actions du Gouvernement rejoignent la définition de l’Etat Providence.
Comment le gouvernement peut-il évaluer l’impact de cette politique des filets sociaux sur la lutte contre la pauvreté ?
Cela a déjà été fait. En effet, une évaluation d’impact, conduite l’Ecole Nationale Supérieure de la Statistique et d’Economie Appliquée(ENSEA), a été réalisée en 2021. Elle porte sur la première cohorte sortante de 35 000 ménages bénéficiaires et met en relief, entre autres, des résultats fort éloquents : 78% des ménages perçoivent une amélioration de leurs conditions de vie comparativement à la période d’avant le projet ; 77% des ménages ont observé un changement positif du regard de la communauté vis-à-vis d’eux ; 87% des répondants estiment être sortis de la précarité ; 84% des ménages enquêtés ont une alimentation variée au cours des 14 derniers jours précédant l’enquête ; environ 7 enfants sur 10 possèdent un extrait de naissance. Ce sont là des données qui montrent que le Gouvernement évalue l’impact des Filets Sociaux Productifs. Je puis donc l’affirmer : l’ascenseur social est en marche !
Source : L’Avenir
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