Les féministes du pays s’opposent vivement à la proposition de loi d’un député de la majorité selon lequel le régime matrimonial actuel est une « hypocrisie ».
Des hommes leurs répondent que « si les maris sont accusés, c’est que certaines femmes sont complices. C’est aussi une hypocrisie des féministes ».
Par Youenn Gourlay (Abidjan, correspondance)
Photo: Constance Yaï (à droite), ancienne ministre ivoirienne de la solidarité et de la promotion de la femme et membre de la Ligue ivoirienne des droits des femmes, à Abidjan, en mars 1996.
« Il n’y a pas de polygamie en Côte d’Ivoire, il y a des hommes qui ont plusieurs maîtresses. Dites les choses avec leurs mots, il s’agit de personnes qui se sentent contrariées par la fidélité dans le ménage ! »
Constance Yaï, ancienne ministre ivoirienne de la solidarité et de la promotion de la femme, n’a pas caché sa colère lundi 11 juillet, lors d’une conférence de presse organisée par la Ligue ivoirienne des droits des femmes.
Cette pionnière du féminisme ivoirien s’insurgeait contre la proposition de loi sur la légalisation optionnelle de la polygamie, déposée le 30 juin à l’Assemblée nationale par Yacouba Sangaré, député de la majorité présidentielle (RHDP).
Le parlementaire, élu dans la commune abidjanaise de Koumassi, souhaite remettre en cause le mariage monogamique institué dans le pays en 1964. Il veut donner la possibilité d’avoir plusieurs conjointes ou conjoints en accord avec le ou la future marié(e).
Une modification de la loi sur le mariage censée, selon lui, être davantage en phase avec la réalité du pays.
« La polygamie est un sujet tabou dans notre société alors qu’elle est vécue quotidiennement », assure le député RHDP, qui dit mener des enquêtes sociologiques et travailler sur le sujet depuis 2014. Il estime qu’elle est pratiquée par droit coutumier « dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire, toutes les couches sociales, toutes les religions ». Selon lui, si la loi qui impose la monogamie n’est pas appliquée sans pour autant entraîner des sanctions, « cela signifie que la société la tolère ».
« Des conséquences malsaines »
Le député, qui a présenté sa proposition à la presse le 7 juillet en compagnie de plusieurs collègues masculins, assure d’ailleurs avoir de nombreux soutiens, dont des femmes, au sein du Parlement et ne compte pas reculer face aux oppositions. Car, assure-t-il, il s’agit aussi de protéger les épouses. « Parfois, la situation est sue et vue de tout le monde, la coépouse fait partie de la famille, mais elle est dans une précarité absolue parce qu’elle n’est pas mariée », justifie-t-il, affirmant que le régime matrimonial actuel est une « hypocrisie ».
« Peut-être, mais lever cet interdit, ce n’est pas la bonne solution, rétorque Bintou Mariam Traoré, militante féministe membre de la Ligue, célèbre pour son hashtag #vraiefemmeafricaine qui a inondé les réseaux sociaux en mars 2020 afin de dénoncer et de tourner en dérision les injonctions faites aux femmes du continent. Il faut plutôt mettre l’accent sur le contrôle et la pénalisation de ces hommes qui marient plusieurs femmes. »
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