Pour la première fois en près de 20 ans, l’euro a touché la parité avec le dollar américain mardi 12 juillet.
Si la faiblesse de l’euro va avoir des conséquences sur l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages européens, elle pourrait bien avoir également des conséquences sur le continent africain. Cela notamment pour les États dont la monnaie est le franc CFA, car elle est indexée sur l’euro.
Les États peuvent alors avoir plus de mal à rembourser leur dette et à payer pour les importations.
Les exportateurs africains de matières premières devraient être gagnants de cette parité monétaire, selon Yves Ekoué Amaïzo :
« Tous ceux qui exportent, bien sûr si les prix restent stables, vont être dans une position favorable parce qu’ils vont pouvoir exporter plus en quantité, pas nécessairement en valeur monétaire, explique l’économiste togolais, à la tête du Think Tank Afrocentricity. Et le contraire, ceux qui importent vont avoir tout simplement ces prix d’importation se renchérir. Et donc les populations vont voir que la plupart de ces prix, malheureusement pour tout ce qui leur est quotidien, risquent de flamber. »
Autre conséquence attendue, la dette des États risque de s’alourdir, poursuit-il :
« Il y a tout un système qu’on appelle le service de la dette. On rembourse une partie de manière régulière. Et en fonction de votre capacité, donc de votre gouvernance, vous êtes capable ou pas de pouvoir honorer ce service de la dette. Le service de la dette risque tout simplement et mécaniquement d’augmenter. Et cela veut dire des recours essentiellement à des bailleurs de fonds, notamment le Fond monétaire international. »
L’économiste y voit cependant une opportunité pour les États d’améliorer leurs performances logistiques et développer les filières locales.
RFI
Le franc CFA se déprécie face au dollar dans le sillage de l’euro, voici les pays les plus et les moins impactés
Côte d’ivoire : Lié par une parité fixe à l’euro, le franc CFA, la monnaie de 14 pays d’Afrique de l’ouest et centrale, s’est fortement déprécié face au dollar dans le sillage de l’appréciation du billet vert face à l’euro. Une situation qui a des répercussions divergentes sur les pays de la région.
L’euro, monnaie unique européenne, se rapproche pour la première fois depuis 2002 de la parité avec le dollar américain, 1 euro s’échangeant contre moins de 1,01 dollar ce matin du lundi 11 juillet.
Le franc CFA, monnaie commune des 8 pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) est liée à l’euro par une parité fixe (1 euro pour 655,957 francs CFA). Il évolue ainsi à la hausse ou à la baisse vis-à-vis du dollar américain corollairement à l’euro. Une situation qui s’explique par la plus grande robustesse de l’économie américaine, par rapport notamment aux chocs liés à la guerre\ Russie-Ukraine qui a beaucoup plus fragilisé les économies européennes à cause de la dépendance des importations de gaz et de pétrole russes.
Conséquence: le franc CFA ne cesse de se déprécier vis-à-vis du dollar
depuis le début de l’année et plus particulièrement depuis le
déclenchement de la crise Russie-Ukraine, à cause de la perte de valeur
de l’euro par rapport au billet vert. Entre le 31 décembre 2021 et le 11
juillet 2022, le taux de change du franc CFA vis-à-vis du dollar est
passé de 579,50 FCFA pour 1 dollar à 645,95 FCFA pour le même dollar,
soit une dépréciation de 11,46%. Il s’agit du niveau le plus bas de la
monnaie ouest-africaine vis-à-vis du dollar depuis plus de 20 ans.
Sur un an, le franc CFA s’est déprécié de 13,2%, conséquence des
situations économiques et des politiques monétaires américaines et
européennes, dans lesquelles les 14 pays des régions CFA ne sont que de
simples spectateurs subissant néanmoins les conséquences, positives ou
négatives.
A ce titre, l’appréciation du dollar américain face au franc CFA a des
impacts divergents selon les pays.
D’abord, pour les pays exportateurs de pétrole et de gaz (Gabon, Guinée équatoriale, Tchad, Niger, Cameroun et Congo), cette hausse du billet vert qui intervient dans un contexte
de flambée des cours du baril de pétrole est une aubaine. A 104 dollars
le baril de Brent de la mer du Nord, un dollar vigoureux constitue une
véritable aubaine pour des économies dépendantes des hydrocarbures pour
leurs recettes d’exportation et ressources budgétaires.
De même, les pays exportateurs de minerais (l’or notamment) et de
produits agricoles (cacao, noix de cajou, coton, banane, arachides…)
facturés en dollars tireront également profit de cette appréciation du
billet vert qui va rendre leurs produits plus compétitifs sur le marché
international. Cela devrait particulièrement bénéficier à la Côte d’Ivoire, grand exportateur de produits agricoles (cacao, café, noix de
cajou, banane…), mais aussi, dans une moindre mesure, au Mali, au
Burkina Faso et au Bénin, grands producteurs de coton.
Ainsi, globalement, les recettes tirées des exportations converties en
monnaie locale vont se gonfler mécaniquement et accroître les ressources
budgétaires des pays concernés, sachant que les exportations
d’hydrocarbures et de certains produits minéraliers et agricoles
représentent l’essentiel des ressources fiscales des pays de la région.
La dépréciation du franc CFA va également rendre la région plus
attractive pour les investisseurs et les touristes américains qui
bénéficient d’un dollar beaucoup plus fort.
Impacts négatifs
Mais l’appréciation du dollar par rapport au franc CFA n’a pas que des
impacts positifs. D’abord, les pays de cette région étant
majoritairement, à l’instar du reste du continent, de grands
importateurs de produits alimentaires, la flambée des cours des produits
agricoles, notamment le blé, le maïs, les oléagineux et les produits
laitiers, se traduira inéluctablement par une augmentation significative
des factures d’importation sous l’effet combiné de la hausse des cours
sur le marché mondial, de l’augmentation des coûts du fret mondial et de
l’appréciation du dollar vis-à-vis du franc CFA.
Ces hausses vont également impacter les coûts de production des
entreprises africaines. Conséquence: la dépréciation du franc CFA va
rendre la facture des importations facturées en dollars beaucoup plus
salée et accentuer l’inflation au niveau des deux zones CFA d’Afrique
tout en creusant davantage les déficits commerciaux. Et ce sont les pays
qui n’ont pas d’hydrocarbures et des produits agricoles à exporter qui
seront les plus affectés par cette situation.
En outre, cette dépréciation significative du franc CFA par rapport au
dollar se traduira par un renchérissement du coût du service de la dette
libellées en dollar pour les pays de la région. Il faudra mobiliser plus
de francs CFA pour rembourser la dette. Bref, les balances des
opérations courantes des pays de la région seront négativement impactés,
exceptés celles des pays exportateurs de pétrole (Congo, Gabon, Guinée
équatoriale,…) et/ou de produits agricoles (Côte d’Ivoire).
Enfin, les déplacements vers les Etats-Unis deviendront beaucoup plus
coûteux pour les voyageurs africains, qui devront faire face à la
flambée des prix des billets d’avion à cause de l’impact du coût du
kérosène (facturé en dollar) et à la dépréciation du franc CFA par
rapport au dollar qui fait que, comparativement à une année en arrière,
les voyageurs africains à destination des Etats-Unis, toutes choses
égales par ailleurs, devront désormais disposer de plus de francs CFA
pour acquérir une même quantité de dollars.
Notons que l’espoir d’un ralentissement de la dépréciation du franc CFA
vis-à-vis du dollar repose sur la décision de la Banque centrale
européenne (BCE) de relever ou non son taux directeur pour faire face à
l’inflation sans pour autant affecter la croissance de la région. C’est
dire que les 14 pays des deux zones CFA sont désarmés face à l’envolée
du dollar par raport à leur «monnaie unique».
Le 11/07/2022 Par Moussa Diop
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