Le putsch du 24 janvier 2022 au Burkina Faso n’a pas fini de révéler tous ses secrets. Ce pronunciamiento est intervenu dans une situation de confusion politico-civilo-militaire. Les fondements du pouvoir politique incarné par Roch Kaboré étaient érodés. Plusieurs facteurs dont le pilonnage systématique du territoire par les djihadistes et les terroristes (ce qui n’était jamais arrivé au Faso depuis l’ancien empire Mossi), l’incapacité de ce pouvoir issu d’une transition militaire insurrectionnelle portant en lui-même les germes de ce qu’il advint finalement ; sont à l’origine du coup de force de l’armée du peuple, tant ce régime n’a jamais su être à la hauteur de ce que Blaise Compaoré, pendant plus d’un quart de siècle, avait réussi à en faire : un sanctuaire et une plaque tournante des grands rendez-vous internationaux.
Bref, l’on sait ce que la trahison des lâches et des infâmes rassasiés produisit. Compaoré, qui aspirait légitimement à continuer de gérer son pays, fut livré aux gémonies et jeté aux orties. Comment aurait-on pu faire le reproche à un haut stratège, qui a tenu le gouvernail et su mener le bateau à bon port, de continuer d’être à la manœuvre alors qu’il sentait qu’à l’horizon dans l’azur des nuages sombres, annonçant une tempête, s’amoncelaient ? Un capitaine n’abandonne jamais son équipage. Et Compaoré avait par ailleurs réussi à placer son pays sous les feux de la rampe devant les autres pays de l’Afrique de l’Ouest francophone et même anglophone tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Mali, la Guinée, le Libéria etc.
Naturellement, les envieux de son pouvoir qu’il avait mis sur l’éteignoir, ainsi que d’autres nervis, travaillaient, à partir de Niamey au Niger, à en taillader les racines profondes pour en fragiliser l’édifice. Le reste, nous le vécûmes ou y assistâmes en direct, à ciel ouvert. Blaise Compaoré ne doit qu’à la divine providence d’avoir échappé à la furia vengeresse, des hordes assoiffées de sang qui mirent le feu aux poudres et embrasèrent le Parlement, des sankaristes et autres esprits embrigadés par d’anciens compagnons tombés en disgrâce ainsi qu’une coterie infinitésimale de militaires et autres forces de défense et de sécurité. Il ne dut qu’au Seigneur d’éviter cette pendaison publique. La Côte d’Ivoire ce pays frère, qu’il connaît bien et pour lequel il s’était engagé corps et âme au dénouement d’une longue crise sociopolitique, lui offrit son hospitalité légendaire.
Là, sur les bords de la lagune Ebrié, il était en sécurité et loin des soubresauts d’une transition chaotique. Il fit contre mauvaise fortune bon cœur. Mais comment peut-on voir aller à vau l’eau ou s’échouer une œuvre que l’on a conçue et bâtie de longue haleine et au prix de nombreux sacrifices sans en éprouver une profonde douleur, une déchirante compassion, une tristesse incommensurable ? De profundis…
« Du fond de l’abîme je t’invoque ô Eternel ! Seigneur écoute ma voix ! Que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications » …
Voilà les mots que chaque jour au matin et chaque soir au coucher qui semblaient s’élever du cœur du père du Burkina Faso moderne reclus dans un espace réduit, là où, lui, avait fait construire des palaces dans son pays, et avait offert les ors et les lambris dorés du palais de Kosyam pour relever la fierté du pays des hommes intègres et de ses filles et fils.
Ceux qui ont connu l’exil loin de la mère patrie, peuvent ressentir cette douleur silencieuse, loin de toutes ces petites choses quotidiennes simples et inexplicables avec lesquelles l’on a grandi, les femmes, les hommes, les habitudes, la faune, la flore, les paysages prennent des reliefs si attachants, qu’ils font dans le cœur couler des larmes d’une nostalgie dont on ne peut se défaire et qui, à petit feu, vous consument…
Le temps a fait son œuvre. L’incapacité du pouvoir a été dévoilée au grand jour par une carence sévère et pitoyable de stratégie politique et militaire, alors que progressivement les deux tiers de l’ancien empire Mossi tombaient entre les mains des djihadistes et des terroristes semant le désespoir et l’insécurité auprès des paisibles populations victimes d’assassinats de masse.
Le coup d’Etat est advenu alors que le Faso atteignait le seuil névralgique. Il a certes tout remis en cause, fait tabula rasa, mais il n’a pas moins remis en selle les mêmes vieilles rengaines ainsi que les sempiternelles jérémiades sur la fin tragique de Sankara du fait du face-à-face entre la maigre poignée des forces militaires qui lui restaient fidèles et l’autre faction nettement plus importante ayant fait allégeance à Compaoré qui, lui, considéré comme le véritable père de la révolution, n’était pas sur le terrain de la confrontation qui tourna au drame et à la tragédie. Depuis ces regrettables événements, cet épisode malheureux, tout au Faso, se passait comme si le monde s’était arrêté.
Il serait injuste de vouloir accabler Compaoré de tous les péchés d’Israël. Qu’aurait été la vie du Burkina et le sort du grand nombre des fidèles de Compaoré (la très grande majorité dans l’armée, pour tout dire) si l’affrontement avait tourné à l’avantage des quelques hommes restés attachés à Sankara ? L’on aurait sans doute assisté à la naissance d’une dictature rampante supportée en amont par un purge stalinienne. Au Burkina Faso, cette éventualité ne semble, pendant longtemps, jamais avoir été prise en compte. Elle ne semble avoir jamais effleuré les esprits. Pourquoi ? Parce qu’ayant fait son deuil, Compaoré a mis le Burkina Faso au travail avec pour objectif de rattraper son retard, d’affirmer la dignité des fils et filles du Burkina et de développer ce pays.
Ainsi, depuis cette date sombre du 15 octobre 1987, le pays n’est-il pas resté figé. Grâce à Compaoré, il a fait un bond qualitatif sur l’échiquier international. Le Burkina Faso s’est développé et est devenu l’une des principales plaques tournantes de l’Afrique de l’Ouest. L’on ne peut lui faire l’injure de nier sont apport incontestable à l’édification du Burkina Faso tel que nous le connaissons aujourd’hui et qui ne comptait qu’un immeuble R+1 en 1983. Avec tout le respect et la vénération que l’on doit à nos morts en Afrique et à la mémoire de Sankara, l’on ne doit cependant pas oublier qu’il n’est pas le seul chef d’Etat sur cette Terre des hommes qui ait été assassiné. Et le monde ne s’est pas pour autant arrêté.
L’Amérique considérée comme l’une des plus grandes démocraties a connu plusieurs assassinats de présidents ; au nombre desquels Abraham Lincoln premier président républicain des Etats-Unis d’Amérique. Le Negus Haïlé Selassié 1er , empereur d’Ethiopie, fut assassiné. Les exemples sont légion dans le monde depuis l’antiquité.
Compassion, justice, regret et réparation, OUI ! Mais laisser prospérer un cynisme déguisé, visant à faire de la mort brutale de Sankara un programme de société et, pire, un fonds de commerce idéologique et phraséologique, je dis : NON ! Le pays des hommes intègres doit irrémédiablement tourner la page. Il faut exorciser la haine viscérale qui habiterait encore les uns et les autres, se donner la main et regarder vers l’avenir. Je n’ai eu de cesse de le seriner et l’armée du peuple du Faso semble l’avoir compris et assimilé.
La junte a commis des erreurs psychologiques (sans doute du fait des pressions diverses CEDEAO, UA, UE, ONU etc.) quoique pardonnables et compréhensibles. Dès lors qu’elle a pris le pouvoir avec l’assentiment du peuple, elle n’avait de compte à rendre à personne si ce n’est qu’au peuple, même sous la pression des institutions internationales.
L’armée du peuple a agi au nom du peuple souverain du Faso et ne s’est point écartée de cette mission, même si des ténias amnésiques ont cru bon de l’induire en erreur sur le dossier de Sankara notamment. L’histoire n’oubliera pas que Sankara lui-même avait perpétré un coup d’Etat contre Jean-Baptiste Ouédraogo. A-t-on pour autant paralysé le destin de tout le peuple digne du Faso ?
Des coups de force, l’histoire du Burkina en est malheureusement jalonnée. En atteste le coup d’Etat de la junte actuelle au pouvoir contre le régime déliquescent de Roch Marc Christian Kaboré en janvier 2022.
Tous ont péché diraient les saintes Ecritures ! Raison pour laquelle Blaise Compaoré doit être réhabilité. Le stratège militaire et bâtisseur du Faso moderne mérite réparation.
Après le court séjour qu’il effectue à Ouagadougou (depuis le jeudi 07 juillet et qui est censé prendre fin le dimanche 10 juillet), pour prendre part à la conférence des anciens chefs d’Etat du Faso, il devra revenir, mais cette fois avec les honneurs. Un retour triomphal à l’instar de celui de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire alors que pesait sur lui une condamnation que le Président Ouattara en grand homme de paix, apôtre et chantre de la conciliation pense commuer. La grande leçon d’humanisme et d’équité donnée au Monde par Alassane Ouattara doit servir de modèle au Président Damiba et à ceux qui, avec lui, tiennent les rênes du pouvoir aujourd’hui au Faso.
Compaoré ne peut et ne doit donc pas être la victime expiatoire de toutes les erreurs commises au Burkina Faso depuis son indépendance. Bien au contraire, le moins que l’on puisse lui reconnaître est d’avoir construit ce pays, d’avoir créé un climat de stabilité et de sécurité loués à travers le Monde. On ne peut pas travestir l’histoire.
Et avec Compaoré, doivent obtenir réparation tous ceux qui, avec lui, ont mené le vrai combat du développement du Burkina dans tous les secteurs et, qui ont su gagner la bataille de l’opinion sur tous les fronts pour que le Faso soit ce qu’il était jusqu’au 31 octobre 2014 ; avant de rentrer dans la phase de turbulence qui a fini par le putsch de janvier 2014. Je parle de ce que je sais et de « ce que je crois », en connaisseur ès qualité de l’histoire de ce beau et grand pays et de ses hommes dont la plupart savent que je sais.
BAS
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