En 1935, lorsque le Français Pierre Laval demanda au dirigeant soviétique Staline de respecter la liberté religieuse dons son pays qu’on appelait alors l’Union des républiques soviétiques socialistes (URSS), ce dernier demanda : « le Pape, combien de divisions ? » Il voulait dire par là que militairement le Vatican dirigé par le Pape ne représentait absolument rien et il n’avait pas à le redouter. Et si l’on posait la question aujourd’hui à propos de Laurent Gbagbo, quelle serait la réponse ? Disons, trois divisions. Mais pas dans le même sens que Staline.
Il y eut d’abord sa division, actée avant même qu’il ne retourne au pays, avec Affi N’guessan, son ancien premier ministre et président de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI). Il semble qu’Affi ait commis le crime de lèse-majesté de lui demander de lui laisser le poste de premier vice-président du parti pendant que lui, Laurent Gbagbo, en serait le président. Je crois que la réponse fut à peu de mots près : « tu es qui, toi, pour exiger d’être le premier vice-président de mon parti que j’ai créé moi seul ? » Ce que Affi n’aurait pas digéré. Et Gbagbo de son côté aurait pris la mouche, ce qui l’aurait poussé à aller créer son nouveau parti en laissant, dit-il, l’enveloppe vide à Affi. Il semble que l’enveloppe vide soit plutôt aujourd’hui entre les mains de Gbagbo, comme nous le verrons plus loin.
Il y eut ensuite la division avec sa femme Simone, qui même si le mari ne veut pas le reconnaître, demeure son épouse légale jusqu’à ce que le divorce ou la mort les sépare, qu’une « petite femme » existe ou pas. Il semble que cette division-là ait existé bien avant la fin de leur pouvoir, puisque lorsqu’ils furent arrêtés le 11 avril 2011, la seule requête que Laurent Gbagbo formula envers ses geôliers fut de ne pas être emprisonné dans le même lieu que son épouse, ce qui témoigne de l’état de leur amour. Et, nous dit-on, le conseil qu’il donna à Guillaume Soro son ancien Premier ministre, fut : « dans la vie, il faut savoir choisir sa femme. » Ce qui était une manière très claire d’avouer qu’il reconnaissait avoir fait un mauvais choix en épousant Simone et qu’il le regrettait. D’ailleurs lorsqu’il remit les pieds à Abidjan dix ans plus tard, il fit clairement comprendre à Simone dès l’aéroport qu’il ne voulait plus la voir en peinture ou même en photo. Et, pour que les choses soient très claires, puisque Simone ne semblait pas les comprendre, il annonça qu’il avait demandé le divorce et ne se gêna plus pour exhiber sa « petite femme » qui d’ailleurs ne se cachait plus. Et puis il quitta l’église du réveil où Simone l’avait entraîné des années auparavant pour revenir chez les catholiques.
Enfin, la dernière division est celle avec Blé Goudé, qui semble elle aussi avoir été entérinée lorsque les deux hommes se trouvaient à La Haye et qu’ils s’apprêtaient à rentrer au pays. Il semble que le crime de Blé Goudé soit d’avoir annoncé qu’il transformait son mouvement, le COJEP, en parti politique et qu’il ne lui déplairait pas de postuler au poste de président de la république de Côte d’Ivoire. Or Gbagbo n’aime pas ça. Il n’aime pas quelqu’un de proche de lui cherche à devenir calife à la place du calife qu’il est. C’est comme chez son nouveau partenaire que vous connaissez tous.
Ainsi donc, à force de diviser son ancien FPI, il s’est retrouvé avec un nouveau parti, le Parti des peuples africains section Côte d’Ivoire (PPA-CI) qui ressemble furieusement à une enveloppe vide ou à un bébé mort-né. Affi a gardé une bonne partie des troupes, Simone et Blé Goudé aussi, en plus des femmes frustrées, délaissées et trompées de gauche, et Dieu seul sait combien il y en a dans ce pays.
Et aujourd’hui, un bon nombre des militants qui sont restés avec Laurent Gbagbo commencent à se poser des questions. D’abord leur leader est absent du pays depuis un certain temps et de folles rumeurs que je me garderais bien de relayer commencent à circuler, et le parti s’achemine tout doucement vers un état comateux, malgré tous les efforts méritoires entrepris par les journaux proches de ce parti pour donner le change. Personne n’est dupe. Tout le monde a bien vu que le grand patron qu’est Laurent Gbagbo n’est pas au mieux de sa forme et que son parti manque cruellement de ligne directrice. Lors de son lancement Gbagbo avait bien réussi à faire rire le public mais cela ne constitue pas un programme d’un parti qui cherche à reconquérir le pouvoir. Et lorsque ce parti s’allie au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dont on peut difficilement dire que ses dirigeants sont de première jeunesse, les militants lucides du PPA-CI ont vite compris qu’ils se sont engagés dans une impasse.
Venance Konan
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