Aujourd’hui le Premier Ministre Patrick Jérôme Achi surfe sur une vague haute mais tranquille. Tout baigne. Plus le temps passe, plus l’homme peaufine son image d’ « héritier naturel » du Président. Le chemin paraît dégagé. Pourtant une question est bien présente dans les esprits. Le ministre de la défense, Téné Birahima Ouattara ( TBO ), va -t-il lui aussi viser la succession de son frère ?
Technocrate assumé, les compétences de Patrick Achi font l’unanimité. L’homme a pour lui une vaste expérience gouvernementale. Ministre des infrastructures économique (2001-2017), Secrétaire Général de la Présidence ( 2017-2021 ), Premier Ministre le 26 mars 2021. Sa récente tournée dans le Nord en Janvier dernier, avec un passage remarqué dans la ville de Kong, visait officiellement à toucher du doigt les problèmes des départements frontaliers du Mali et du Burkina. Certains y ont vu cependant une volonté de se présenter aux populations du Nord en tant que celui qui est désormais « le fils » du Président Ouattara. Patrick Achi projette l’image d’un » type bien « , assez sympathique.
Mais Patrick Achi traîne aussi de lourds handicaps. Tout d’abord c’est un transfuge, ainsi il est perçu comme un « corps étranger » dans l’entourage présidentiel. A la faveur de la réorganisation du parti présidentiel dévoilée le 28 Février, l’homme n’a hérité d’aucun poste. Officiellement afin qu’il puisse se consacre entièrement à l’action gouvernementale. Mais on peut y voir une manœuvre pour limiter ses pouvoirs, une façon de lui dire de ne pas regarder « trop loin devant lui ».
Patrick Achi a aussi un déficit d’autorité sur les troupes. Dans les tous premiers mois après sa nomination, Adama Bictogo tenait un « conseil des ministres-bis » sous couvert de réunion du parti. Des « instructions » étaient données aux ministres présents. Patrick Achi était incapable de mettre fin à ces réunions qui défiaient ouvertement son autorité. Elles n’ont pris fin que lorsque le Président a fait une sévère mise au point à ce sujet. En début d’année, la presse faisait état de ce que le Président Ouattara était mécontent du Premier Ministre du fait de la lenteur dans l’exécution des réformes. Il était reproché à Patrick Achi de ne pas accélérer la cadence.
Patrick Achi contrairement à Gon Coulibaly n’est pas titulaire du Ministère du Budget et du Portefeuille de l’Etat. Or c’est ce Ministère qui ordonne l’exécution du budget de l’Etat. Le jeune Ministre Moussa Sanogo prend ses instructions directement à la Présidence, ainsi Patrick Achi fait essentiellement de la coordination sans plus. Enfin à l’instar de tous les transfuges, Patrick Achi fait l’objet de méfiance à l’intérieur du parti présidentiel. On estime qu’il n’a pas totalement coupé les ponts avec ses « anciens camarades ». Ainsi le voir un jour briguer la succession du Président va certainement créer un malaise.
Dans l’ombre de son frère, Téné Birahima Ouattara ( TBO ) est immergé au cœur de l’appareil de défense et de sécurité depuis 2011 ! Sans occuper le devant de la scène, il a toujours concentré entre les mains de vastes attributions jusqu’en Mars 2022 où il devient Ministre de la Défense suite au décès d’Hamed Bakayoko. Aujourd’hui il règne sans partage sur l’ensemble des services de défense et de sécurité du pays. Il appartient à l’aile dure du parti présidentiel, dont il tient toujours les finances. Dans les faits, l’homme a tous les attributs du « Numéro 2 » du régime. S’il se décidait à briguer la succession de son frère, on ne voit pas quelle résistance pourrait lui opposer Patrick Achi. TBO parraine de plus en plus des manifestations qui n’ont aucun rapport avec les questions de défense. Veut-il préparer l’opinion ?
Dans une interview à Jeune Afrique en Septembre 2021, le Président Ouattara déclarait à son sujet : « pour l’instant il n’est intéressé que par les responsabilités que je lui confie. Mais en 2025, la démocratie interne va pleinement jouer pour la désignation du candidat du parti et on verra ». Ainsi le Président n’exclut pas la présence de son frère dans la course qui va s’engager pour lui succéder, ce qui rend probable le duel entre celui-ci et le Premier Ministre. Evidemment le Président aura son mot à dire dans ce duel. Pourtant le choix ne sera pas facile pour lui. Mettre en avant son frère va susciter un tollé dans l’opinion. Mettre en avant le Premier Ministre va susciter un malaise dans le parti et dans son électorat traditionnel. Après la nomination de Tiémoko Meylet à la vice-présidence, on peut se demander quel autre lapin le président fera sortir de son chapeau pour résoudre la question ? En tout état de cause, TBO garde une solide longueur d’avance sur son » concurrent « .
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
Evidemment tous les regards se tourneront vers le Président.
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