Le nouveau système Ouattara « visible » après les décès de Amadou Gon et Hamed Bakayoko

Par Jeune-Afrique

Morceaux choisis

En nommant un vice-président, le chef de l’État a mis la dernière main à la recomposition de son équipe bouleversée par la mort des Premier ministre Amadou Gon Coulibaly et d’Hamed Bakayoko en 2021.

Avec ses grandes allées rarement embouteillées, ses larges trottoirs et ses luxueuses villas, le quartier de Beverly Hills, dans la commune de Cocody, à Abidjan, regroupe quelques-unes des plus grosses fortunes du pays. Hommes d’affaires, directeurs généraux, hommes et femmes politiques de premier plan y ont élu domicile : la ministre
des Affaires étrangères, Kandia Kamara, ou l’actuel chef du gouvernement, Patrick Achi. Tiémoko Meyliet Koné, le tout nouveau vice-président, est son voisin.

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FMI et BCEAO

Pour Tiémoko Meyliet Koné, c’est non seulement un sacré baptême du feu quelques jours seulement après avoir quitté le siège dakarois de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont il était le gouverneur depuis 2011.

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À 72 ans, Tiémoko Meyliet Koné sait que sa nomination ne doit pas être vue comme un possible tremplin vers une candidature à la présidentielle de 2025. « Le chef de l’État ne voulait pas nommer de personnalité politique à ce poste pour éviter toute interprétation, comme ce fut le cas avec Duncan », explique l’un de ses vieux amis. Cette absence d’ambition politique semble pousser ADO à lui confier un certain nombre de dossiers importants. Le président veut qu’il se familiarise rapidement avec leur contenu. C’est pour cette raison qu’il a tenu à choisir le directeur de cabinet du vice-président, Emmanuel Ahoutou Koffi, qui a assuré cette fonction auprès de ses trois derniers Premiers ministres.
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Cercle rapproché

Le chef de l’État est un homme qui prend rarement des décisions dans la précipitation. « Il a le temps pour lui. Et le temps lui a jusque-là donné raison », assure l’un de ses visiteurs du soir. ADO prend également un malin plaisir à surprendre. À dire une chose et à faire son contraire. Mi-mars, il avait confié en privé vouloir attendre
juillet pour remanier son gouvernement. De plus, il concédait à certains ses réticences à nommer un nouveau vice-président, poste resté vacant depuis la démission de Daniel Kablan Duncan, en juillet 2020. « En laissant filtrer ces informations, il voulait tester les réactions. En réalité, il avait déjà défini son calendrier : réaménager
le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), puis le gouvernement, et nommer un vice-président dans la foulée », assure l’un de ses proches.

En procédant de la sorte, Alassane Ouattara achève de remodeler un système bouleversé par la mort d’Amadou Gon Coulibaly, en juillet 2020, et de Hamed Bakayoko, en mars 2021. Avant cela, ADO avait perdu le soutien de Duncan et celui de Marcel Amon Tanoh, son ancien directeur de cabinet, qui a depuis fait amende honorable et été nommé au Conseil de l’entente. En juin 2021, il avait nommé Claude Sahi chef de cabinet, fonction assumée jadis par le ministre Sidi Tiémoko Touré et inoccupée depuis plusieurs mois.

Ancien proche d’Ibrahim Coulibaly, Sahi est un bon connaisseur de l’administration. Il fut l’un des piliers du ministère de l’Intérieur, où il était le directeur des affaires politiques. Hamed Bakayoko l’avait recruté en 2014.

L’arrivée de Tiémoko Meyliet Koné redéfinit légèrement le rapport des forces entre les membres de son cercle rapproché. C’est tout particulièrement le cas de son Premier ministre. Relégué d’un rang dans l’ordre protocolaire, Patrick Achi doit-il s’inquiéter de l’arrivée d’une nouvelle personnalité de poids dans l’entourage du chef de l’État ? Depuis sa nomination, il est soumis à une forte pression et a parfois montré certaines difficultés à imposer son autorité sur un
gouvernement pléthorique.

Selon nos informations, ses relations se seraient compliquées avec Abdourahmane Cissé, secrétaire général de la Présidence depuis fin mars 2021 et autre élément essentiel du nouveau système Ouattara. Courroie de transmission entre la Présidence et le gouvernement, il est au cœur de l’appareil exécutif. Il s’entretient quotidiennement avec le chef de l’État.

En privé, Achi s’est plaint de voir Cissé s’immiscer régulièrement dans ses dossiers. Il juge trop ambitieux celui que certains, dans les couloirs de la présidence, surnomment même « Macron », en référence à son jeune âge et à ses potentielles envies présidentielles.

« Même s’il aura une certaine autorité, Koné ne va pas faire d’ombre à Achi. Ils ne sont pas concurrents. Le vice-président va assister le Premier ministre dans certains dossiers et lui permettre de se concentrer sur d’autres sujets. Le président veut le mettre dans les meilleures conditions », souligne un intime d’Alassane Ouattara qui rappelle qu’Achi et Koné se connaissent et s’apprécient. Ils ont déjà travaillé ensemble, notamment lors de la préparation de la réforme du franc CFA, annoncée en décembre 2020 à Abidjan par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron.

Bien que Tiémoko Meyliet Koné ne soit pas un pur politicien, son entrée en scène pourrait aussi avoir une incidence sur la géopolitique électorale. Depuis le décès d’AGC et de Hamed Bakayoko, aucun cadre du nord de la Côte d’Ivoire n’a réellement émergé pour le moment. Originaire de Ferkessédougou par son père et de Tarifé, où il possède un ranch, une résidence secondaire et un complexe hôtelier, par sa mère, l’ancien gouverneur de la BCEAO est un éminent représentant du septentrion. Sa zone d’influence est mitoyenne de celle d’un autre proche du chef de l’État, Fidèle Sarassoro. Lui aussi est cité comme l’un des potentiels successeurs d’ADO, dont il est le discret directeur de cabinet depuis cinq ans. C’est d’ailleurs à la demande de ce dernier qu’il s’était présenté aux dernières élections législatives dans son fief de Sinématiali (Nord), où il a été élu facilement. Une manière pour le président de faire
apparaître une nouvelle figure en pays sénoufo. Sarassoro, qui cumule déjà sa fonction à la présidence avec celle de secrétaire du Conseil national de sécurité (CNS), avait également vu ses compétences élargies.

L’émergence d’une autre personnalité du Nord pourrait-elle contrarier sa montée en puissance ? « Sarassoro est jeune. Il a le temps, contrairement à Koné. Et puis le boss n’a pas joué sa dernière carte. Alassane Ouattara va sûrement tester son nouveau système pendant un ou deux ans. Il n’est pas exclu qu’il effectue par la suite un autre remaniement plus important que le dernier et nomme un autre vice président avant 2025 », précise-t-on dans l’entourage du chef de l’État. Encore une fois, ADO reste le maître des horloges du temps politique de son pays.

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