A 200 kilomètres au nord-est d’Abidjan, des villageois luttent contre les plantations illégales. Ils ont réclamé de l’aide lors de la COP15 sur la désertification, qui s’est terminée vendredi 20 mai.
Par Youenn Gourlay(Bébou, Côte d’Ivoire, envoyé spécial)
« Silence ! », s’exclame un habitant de Bébou, à près de 200 kilomètres au nord-est d’Abidjan. Machettes et lance-pierres en main, fusils sur l’épaule, une vingtaine de volontaires pénètrent dans la forêt classée de Bossématié, à quelques encablures du village. Les villageois sautent de leurs motos et découvrent, derrière la végétation dense, des petits champs de maïs et de bananes plantains. Plus loin, des centaines de cacaoyers poussent ici depuis près de trois ans. Des plantations illégales dans cette forêt censée être protégée par des agents de l’Etat ivoirien.
« On coupe tout ! », lance Pascal Assa Koffi, président de l’association Sauvons la forêt classée de Bossématié, créée en juillet 2021. A ses côtés, un villageois tire un coup de fusil dans les airs pour appeler des volontaires partis dans une autre direction. Ceux qui sont aussi planteurs de cacao et d’hévéa dans leur village coupent à la chaîne et avec détermination tous les plants qu’ils croisent sur leur passage. « On y met tout notre cœur, parce que nous, on nous a demandé de ne pas venir cultiver sur ces terres. Pendant ce temps, les clandestins s’enrichissent ici », assure Modeste Anet Bilé, secrétaire du bureau exécutif de l’association, une machette à la main.
Leurs plantations clandestines ont détruit 60 % de la forêt de Bossématié en une dizaine d’années
Depuis une dizaine d’années, des milliers d’exploitants clandestins infiltrent cette forêt, tuent les arbres et font pousser du cacao qu’ils vendent aux coopératives locales, ainsi que des cultures vivrières pour se nourrir. Selon l’ONG Mighty Earth, 40 % du cacao ivoirien serait issu des aires protégées. Pour lutter contre ce phénomène, les riverains des dix villages situés autour de la forêt classée se sont réunis en association et se sont armés. Les clandestins sont majoritairement originaires du Burkina Faso, selon François Ruf, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) en Côte d’Ivoire et spécialiste du cacao. Leurs plantations clandestines ont détruit 60 % de la forêt de Bossématié en une dizaine d’années, selon les observations du Cirad.
Ils brûlent un à un les grands arbres
Leur technique se répète sur des dizaines de parcelles. Les clandestins commencent par « faire le ménage », c’est-à-dire qu’ils défrichent l’espace, puis plantent les graines. Ensuite, comme les cacaoyers ont besoin de soleil, ils brûlent un à un les grands arbres – frakés, framirés, irokos, bétés… – à la base des troncs, ce qui provoque leur mort progressive puis leur chute. « Ça leur permet de ne pas être identifiés par les drones, car les arbres ne tomberont que quelques mois plus tard », développe Galo Kla Abelle, président de l’ONG Initiative pour le développement du cacao, un des premiers soutiens de ces villageois.
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