Généralement les auteurs des coups d’Etats affirment, la main sur le cœur, qu’ils ont pris le pouvoir pour redresser le pays qui, sans leur acte dénué de toute recherche d’intérêt personnel, aurait sombré corps et âme par la faute de ses dirigeants corrompus, dictateurs, assassins des libertés, etc.
Non, au grand jamais, un auteur de coup d’Etat n’avouera avoir pris le pouvoir juste pour l’avoir, parce qu’il n’aurait pas pu l’avoir autrement, et surtout pour avoir beaucoup d’argent, beaucoup de belles voitures et maisons, beaucoup de belles femmes et beaucoup de téléphones portables.
Dans le bon vieux temps, les auteurs de coup d’Etat n’avaient pas à discuter avec qui que ce soit de la durée de leur temps au pouvoir.
On prenait le pouvoir, et on y restait jusqu’à ce qu’un autre coup d’Etat vous en chasse, et c’était tout. C’est ce qui s’était passé dans l’ancien Dahomey, aujourd’hui Bénin, où un certain Kouandété avait pour spécialité de faire des coups d’Etats et de les vendre aux plus offrants, ainsi qu’au Nigeria voisin, ou au Ghana.
Au Bénin, c’est Mathieu Kérékou qui arrêtera le cycle des coups d’Etats en se maintenant au pouvoir de 1972 à 1990.
Il s’éclipsera à la suite de la conférence nationale qui l’avait dépouillé de ses pouvoirs, avant de revenir très démocratiquement à la présidence pour deux nouveaux mandats.
Au Liberia, Samuel Doe prit le pouvoir après avoir tué celui qui le détenait et il le garda durant dix ans, jusqu’à ce que lui-même soit occis par un certain Prince Johnson qui voulait lui aussi le pouvoir.
En Guinée-Conakry, Moussa Dadis Camara a sagement attendu que le président Lansana Conté passe l’arme à gauche avant de faire son coup d’Etat.
C’est plus prudent, un coup d’Etat contre un mort. Au Togo, Gnassingbé Eyadema garda le pouvoir pendant une quarantaine d’années avant de mourir de sa belle mort en s’offrant même le luxe de le céder à son fils Faure qui se fit élire démocratiquement dans la foulée, après avoir été adoubé par l’armée.
Au Congo Kinshasa, Mobutu resta presqu’aussi longtemps qu’Eyadema au pouvoir, mais devant son entêtement à vouloir le garder à tout prix malgré les vents contraires et surtout malgré les injonctions des Etats Unis, il dut fuir son pays et mourir en exil au Maroc.
De temps à autre il surgissait sur la scène des coups d’Etats des hurluberlus qui après leur coup, organisaient des élections assez rapidement et s’éclipsaient.
Ce fut le cas de Jerry Rawlings au Ghana, qui, après son premier coup d’Etat en juin 1979, a organisé en septembre de la même année des élections libres qu’a gagné un certain Hilla Limann. Mais deux années plus tard, voyant que rien n’avait changé, Rawlings a repris le pouvoir et ne l’a lâché que vingt ans plus tard, après s’être converti à la démocratie.
Au Mali, Amadou Toumani Touré dit ATT avait renversé en mars 1991 le président Moussa Traoré, lui-même arrivé au pouvoir après avoir renversé son prédécesseur Modibo Kéïta.
Un an plus tard, ATT organise des élections auxquelles lui-même ne participe pas, et cède le pouvoir à Alpha Oumar Konaré. C’est après les deux mandats de Konaré qu’il s’est présenté devant les électeurs et a été élu président.
A quelques mois de la fin de son second mandat, alors qu’il n’avait manifesté aucune intention de rempiler pour un troisième, il est renversé par des militaires très pressé d’avoir beaucoup de femmes et de téléphones portables.
En Côte d’Ivoire, Robert Guéï, qui avait renversé le président Henri Konan Bédié avait fait une courte transition de dix mois, mais, s’étant pris pour la réincarnation de Félix Houphouët-Boigny, le premier président du pays, il s’est présenté à la présidentielle et a été copieusement battu.
Au Burkina Faso, une transition avec un civil au poste de président de la République et un militaire à celui de Premier ministre avait été organisée après la chute de Blaise Compaoré pour une courte durée d’environ un an.
Mais le Premier ministre de transition a dû s’exiler au Canada à la fin de cette transition parce qu’il aurait été un peu trop gourmand et trop ambitieux lorsqu’il était au pouvoir.
Qu’en est-il de nos putschistes d’aujourd’hui ? Les quatre derniers sont ceux du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso et du Tchad. Bien entendu ils jurent eux aussi qu’ils sont arrivés au pouvoir à cause des turpitudes des pouvoirs qu’ils ont fait tomber, à part celui du Tchad qui, lui, a juste pris la succession de son père mort au combat.
Bien sûr, ils n’ont aucune envie de confisquer ce pouvoir qu’ils méprisent.
Mais ils veulent juste du temps pour, disent-ils, mettre de l’ordre, et pourquoi pas, peut-être s’offrir quelques villas et garnir quelques comptes en banque bien planqués dans des paradis.
Ce qu’ils demandent ? Oh, trois fois rien. Juste quelque chose qui ressemble à un mandat présidentiel. Le temps de nettoyer la maison. La grande question est de savoir au nom de quelle légitimité ils estiment être les seuls en devoir de mettre de l’ordre dans le pays.
Qui les a envoyés ? Parce qu’ils ont les armes et parce que le pouvoir est doux, comme on dit ici au pays. Malheureusement nous ne sommes plus au bon vieux temps où personne ne posait de questions aux auteurs de coups d’Etat. Tout le monde veut maintenant des pouvoirs démocratiquement élus. Satanée démocratie !
Venance Konan
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