Comment la Russie a évité le scénario de panique financière nonobstant les sanctions Ue/Otan

Le pays a échappé au défaut de paiement, le rouble dépasse son niveau d’avant l’invasion de l’Ukraine, et la Banque centrale a rabaissé son taux directeur. Preuve que la panique financière est bel et bien enrayée

Par Eric Albert (Londres, correspondance)

Partout ailleurs, ce serait considéré comme une catastrophe économique. Vendredi 29 avril, la gouverneure de la Banque centrale de Russie, Elvira Nabioullina, a annoncé qu’elle prévoyait une récession de 8 % à 10 % en 2022 pour son pays, avec une inflation culminant entre 18 % et 23 %.

Le ton de sa conférence de presse, la première depuis la guerre en Ukraine, était pourtant détendu. Mme Nabioullina est connue pour envoyer des signaux par la façon dont elle s’habille : une broche en forme de colombe pour annoncer une baisse des taux d’intérêt, une autre en forme de maison pour inciter chacun à rester chez soi, lors du confinement, une tenue entièrement noire, juste après l’imposition des sanctions occidentales… Cette fois-ci, elle est restée en noir, mais avec un col de chemisier coloré qui dépassait. « La situation se stabilise », s’est-elle félicitée.

Preuve que la panique financière est bel et bien enrayée, elle a annoncé la baisse du taux d’intérêt directeur russe de 17 % à 14 %. Fin février, l’institution avait doublé son niveau, jusqu’à 20 %, pour répondre aux sanctions financières imposées contre Moscou et parer au risque de pagaille monétaire. Mais, depuis, elle l’a déjà rabaissé deux fois. Le rouble, qui s’était effondré initialement, est désormais revenu au-dessus de son niveau d’avant la guerre. Par rapport à mi-février, il est en progression de 5 % face au dollar, et même de 15 % par rapport à l’euro (qui est en baisse face à la majorité des monnaies mondiales, ces dernières semaines).

« Des complications »
Dans le même temps, le gouvernement russe a décidé d’éviter le défaut de paiement, en honorant une échéance de remboursement qui traînait depuis plusieurs semaines. L’épreuve de force concernait un emprunt libellé en dollars, dont une échéance tombait le 4 avril. La Russie affirme avoir voulu payer avec les réserves en billets verts de sa Banque centrale, qui sont gelées depuis les sanctions. L’argent étant bloqué, le paiement n’a pas pu être effectué. Moscou a alors proposé de payer en roubles, mais les conditions de cet emprunt ne le permettaient pas, le contrat initial ne présentant pas de clause de conversion dans une autre devise. Une période de grâce de trente jours arrivait à échéance le 4 mai, et le défaut de paiement semblait se rapprocher.

L’Agence internationale de l’énergie estime que le pays vend chaque jour pour 400 millions de dollars de gaz à l’Europe, et 700 millions de dollars de produits pétroliers.

Finalement, Moscou a cédé, vendredi 29 avril, et a accepté de payer en dollars, avec de l’argent qui ne vient pas de ses réserves gelées. La Russie, qui avait été en défaut de paiement en 1918 et en 1998, semble repousser, pour l’instant, le risque d’une telle crise, aux conséquences douloureuses. « Le ministère des finances a les ressources nécessaires et un défaut est exclu, affirme Mme Nabioullina.

Mais il y a des complications en ce qui concerne le paiement. J’espère que tout va se régler. »

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