Pour la énième fois, le ministère des Eaux et Forêts change de titulaire. On aurait dit que chaque remaniement du gouvernement, emporte l’occupant de ce poste ministériel, pour diverses raisons, bien souven justifiées. Le changement de gouvernement qui vient de s’opérer n’y a pas échappé. En réalité, il ne saurait en être autrement.
Autant dire que l’on s’y attendait cette fois, beaucoup plus que pour les précédentes. Tant, la politique de gestion de la forêt ivoirienne se portait mal, comme ça n’avait jamais été le cas par le passé.
Elle était plutôt truffée d’affairisme savamment mené, avec à la clé de gros intérêts financiers, loin d’assurer une quelconque protection du patrimoine forestier national. Bien au contraire.
L’application du nouveau code forestier, à travers ses dispositions innovantes, dont celle favorisant l’usage de l’agroforesterie, n’aura été que le fer de lance à toute une mascarade de gestion, de pratiques et d’initiatives, hautement préjudiciables à la protection des 234 forêts classées, disséminées à travers le pays.
Et, dont plusieurs étaient menacées de déclassements partiels. Lesquels les auraient plutôt laissées à la merci de certaines multinationales, portées sur une pratique agroforestière qui finirait par appauvrir, les petits producteurs de cacao.
Et partant, transformer de vastes superficies de certaines forêts classées, en de grandes exploitations agro industrielles, de cacao, d’hévéa, de palmier à huile notamment. Les procédures de déclassement forestier en vigueur dans le pays, ont pour ce faire été allègrement foulées au pied. Tout comme celles, relatives à la confection des plans d’aménagement forestier.
La forêt classée de Gouin Débé dans le département de Guiglo, en aura été une grande victime, avec le déclassement de 23.000 ha au mépris de tous les textes légaux, régissant cette opération. Une forêt, dont la Banque mondiale a fini par retirer son soutien financier à la Côte d’Ivoire, relativement au projet de sa réhabilitation, aux contours flous.
Et loin de pouvoir profiter à termes, aux milliers de petits producteurs de cacao, pour lesquels se déclassement était pourtant sensé être fait. Ces 23000 ha sont plutôt l’objet d’un véritable business, devant profiter à quelques privilégiés et entreprises étrangères.
Autre fait qui a révolté plus d’un environnementaliste de la place : c’est la cession de permis d’exploiter à des sociétés, dans la forêt classée du Haut Dodo. Une initiative faisant en réalité partie des attributions de la Société de développement de la forêt ( Sodefor).
Qui en a surtout les compétences techniques requises. Indispensables pour le choix de l’exploitant, celui des zones à exploiter, ainsi que la maitrise des procédés de suivi et de contrôle des opérations d’exploitation.
Assurant par ce fait même, une traçabilité certaine des essences sorties de la forêt classée. D’importantes superficies de la forêt classée du Haut Dodo, ont ainsi déjà été victimes de coupes anarchiques de bois de valeur. D’infiltrations massives d’occupants clandestins et partant, de création de nouveaux vergers de cacao.
Toutes choses que la Sodefor n’a pu efficacement combattre, du fait de l’interposition de l’autorité ministérielle, qui en tirait d’énormes profits.
Ce sont donc là, autant de situations qui justifient tout l’intérêt que l’on porte, à l’avènement d’un nouveau ministre, à la tête du département des Eaux et Forêts.
Tout en espérant, que celui-ci viendra redonner à la noble action de protection et de conservation du couvert forestier national, toute la valeur qui est la sienne. La Côte d’Ivoire pleure chaque année, le rétrécissement de son couvert forestier.
Pourtant, ce ne sont point les expertises locales qui lui font défaut, pour inverser la tendance. Voilà bien un paradoxe que gagnerait à comprendre le nouveau responsable national des eaux et forêts du pays.
Parce que cachant plusieurs réalités hautement préjudiciables à l’application de toute politique forestière saine et véritablement rationnelle
Moussa Ben Touré
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