Président de l’Association pour la défense de la démocratie et des libertés (ADDL), un mouvement proche du RHDP, Adama Diomandé croque l’actualité politique nationale et se prononce sur la nomination du nouveau vice-président, Tiémoko Meyliet Koné et la reconduction du Premier ministre Patrick Achi, non sans dire un mot sur la posture de Laurent Gbagbo.
Vous êtes le président d’un mouvement proche du RHDP. Quelle lecture faîtes-vous des dernières sorties de l’ancien président Laurent Gbagbo qui s’est, entre autres, attaqué au bilan du président Alassane Ouattara en disant que les dispensaires étaient baptisés CHU?
L’ancien président Laurent Gbagbo démontre chaque jour depuis son retour, qu’il est un revanchard. Parce que ses critiques ne sont pas objectives. Personne ne lui a dit que les centres de santé construits étaient considérés comme des CHU. C’est très grave qu’un ancien chef de l’Etat fasse preuve de tant de légèreté. Il roule sur du bitume pour aller dans son village à Mama et voit d’autres réalisations de son successeur, mais cela ne lui inspire rien. Il préfère plutôt amuser la galérie, parce que finalement, c’est ce sentiment qu’on a lorsqu’on l’écoute. Il veut faire plaisir à ses partisans connus pour leur extrémisme et leur manque de discernement, de sorte qu’ils sont dans une logique d’opposition systématique. C’est bien dommage. Je voudrais quand même rappeler que son élection fut la pire chose qui soit arrivée à ce pays. D’ailleurs, il n’a pas manqué de reconnaitre lui-même que son élection a été calamiteuse. Lorsqu’on a été élu dans de telles conditions, on fait tout pour rapprocher ses compatriotes. Mais, au contraire, lui, il a accentué la catégorisation des Ivoiriens en reprenant à son compte le concept de l’ivoirité qui a divisé ce pays. Et il a gouverné comme ça. Lorsque certains lui ont envoyé des signaux pour attirer son attention sur les risques de déflagration qui guettait son pouvoir, il a dit qu’il voyait le dos du nageur. Conséquence, son pouvoir a été attaqué. Il y a tellement d’éléments qui démontrent que ce monsieur n’était pas apte à diriger la Côte d’Ivoire. Ce fut une erreur monumentale qu’il soit arrivé à ce niveau, je le répète. Pour preuve, un autre à sa place, après tout ce qu’il a vécu, serait devenu sage. Mais, il se promène et parle de choses et d’autres qui n’ont aucun rapport avec la vie des Ivoiriens. C’est clair que c’est un revanchard, et notre pays n’a pas besoin de ça.
Le député indépendant et maire de Tiassalé, Assalé Tiémoko a déposé des propositions de lois à l »Assemblée nationale, notamment, celle portant limitation à 75 ans, de l’âge des candidats à l’élection présidentielle. Quel commentaire suscite en vous cette proposition de loi ? A-t-elle des chances d’être adoptée par le Parlement ?
Je crois, pour ma part, que la question de l’âge des candidats n’est pas le vrai problème. Le vrai problème, c’est la volonté de certains hommes politiques à concevoir la vie politique au-delà de leurs intérêts et de leur personne. Cela dit, je ne vois pas d’inconvénient à cette proposition de loi pour ce qui concerne le RHDP, puisque le président du parti l’a dit, il a une demi-douzaine de cadres sous la main pour sa succession. Et la nomination du vice-président Tiémoko Meyliet Koné en est une preuve probante. Quant à savoir si elle sera adoptée par le Parlement, la question reste posée. Cependant, il faut rappeler que lors de la 5ème phase du dialogue politique, tous les partis, pouvoir comme opposition, n’ont pas vu d’inconvénient à ce que le verrou de l’âge soit levé. En clair, la non limitation de l’âge des candidats semble ne gênée personne dans les partis politiques.
Le mardi 19 avril, le président Alassane Ouattara a reconduit le Premier ministre Patrick Achi tout en nommant un nouveau Vice-président de la République. Vous attendiez vous à ces nominations ?
Pour dire la vérité, personne ne s’y attendait. Cependant, pour ce qui me concerne, je puis dire que j’avais le tiercé gagnant mais pas dans l’ordre. Je veux dire que pour moi, le Premier ministre serait nommé vice-président et l’ex-gouverneur de la BCEAO atterrirait à la Primature. Mais ce fut le contraire. Ce n’est pas plus mal. Puisque les deux sont de grands bosseurs et ont déjà fait la preuve de leur sérieux.
Que pensez-vous de la reconduction du Premier ministre, est-elle justifiée, selon vous ?
Elle est amplement justifiée. Il a démontré qu’il est un grand technocrate. Le Premier ministre Patrick Achi est une personne sans histoire qui fait l’unanimité au sein de la classe politique sur ses compétences et son dynamisme.
Avec la nomination d’un Vice-président, est-il juste de dire que le président Alassane Ouattara prépare sa succession ?
Je serais d’accord si c’était le cas. Il a déjà fait ce qu’il avait à faire. Il a tracé les sillons, il ne serait donc pas mauvais qu’il passe la main comme il en manifeste l’intention sinon la volonté depuis au moins 2018. Cela est d’autant plus souhaitable que le vice-président Tiémoko Meyliet Koné est un homme qui inspire confiance.
Justement, que savez-vous de l’ancien gouverneur de la BCEAO, un homme pas très connu du grand public ?
Je pense que c’est un homme de grande qualité. L’Afrique le connait, le monde de la finance, surtout. Sa détermination à défendre le franc CFA est connue de tous. C’est quelqu’un qui ne fait pas de bruit, mais qui avance. Je l’ai connu depuis Paris. Je pense que d’ici quelques jours, nous le verrons au travail et chacun pourra le juger sur pièce et non sur des on dit ou des préjugés. Il a prêté serment devant la nation et je ne doute pas que sa loyauté sera intacte vis-à-vis du président de la République. Tout ce que celui-ci lui dira de faire, il le fera sans problème. Et cela me rassure.
Le mardi 19 avril dernier, on a vu au congrès que les députés et les présidents des partis de l’opposition étaient présents dans la salle. Que vous a inspiré ce moment de communion républicaine ?
J’ai apprécié. Lorsque je voyais le député Michel Gbagbo du PPA-CI, Guikahué et les autres députés du PDCI-RDA, j’étais content. Cela prouve que la démocratie marche en Côte d’Ivoire, même si on a des critiques à faire. Il faut donc avoir l’honnêteté de reconnaitre, quand on est opposant et qu’on est sur les chaînes étrangères, que la démocratie ivoirienne marche, mais que nous nous battons pour la parfaire et l’améliorer. Etre opposant, ce n’est pas tout rejeter. Je reviens à Laurent Gbagbo pour dire que lorsqu’il va à l’Ouest et qu’il roule sur du bitume grâce à Alassane Ouattara, il devrait reconnaitre cela. Voilà pourquoi je dis qu’il est déconnecté. Même s’il ne veut pas dire merci à Alassane Ouattara, il peut au moins se réjouir de ce qui est fait pour son pays.
En 2023, on aura les élections locales qui vont enregistrer la participation de tous les partis politiques,y compris celui de l’ancien président Laurent Gbagbo. Croyez-vous que le Rhdp réussira à conserver son hégémonie sur la scène politique ?
Le RHDP est un parti organisé et tout le démontre. Lorsque le RDR était dans l’opposition, il a remporté de nombreux sièges. Ai-je besoin de vous rappeler que le président de la République qui est le président du RHDP est un homme prévoyant ? Il a décidé d’organiser le parti dans la perspective de ces joutes électorales. Il y a des personnes très au fait des réalités politiques de notre pays qui sont au Directoire et au Secrétariat exécutif. Je veux parler du ministre d’Etat, Gilbert Koné Kafana, des ministres Adama Bictogo, Mamadou Touré, Zoro Bi Ballo dont je suis proche et bien d’autres. Je pense que nous sommes suffisamment outillés pour conserver notre hégémonie. C’est vrai qu’il y a des plaintes en interne au niveau de certains militants qui estiment qu’ils ne sont pas récompensés à la hauteur de leurs sacrifices et d’autres griefs. C’est justement ce qui a amené le président du parti à exhorter les cadres à être proches de la base. Ce sont des torts qui doivent être réparés et alors, je ne doute pas que le RHDP partira à ces joutes avec toutes les chances de son côté.
Ne pensez-vous pas que le plus grand adversaire du RHDP, c’est le RHDP lui-même, puisque la cohésion semble ne pas y être de mise lorsqu’on voit certaines choses, notamment les querelles entre cadres du même parti ?
Les bisbilles et les inimitiés font partie du fonctionnement de toutes les structures et des partis politiques. C’est donc humain. L’essentiel étant que les uns et les autres sachent qu’ils appartiennent à un même ensemble qui ne doit pas pâtir de leurs querelles. C’est ce qu’on appelle l’intérêt général. Et je pense qu’au RHDP, tout le monde en est conscient. Même dans nos familles, il y a quelques mésententes, mais lorsqu’il s’agit de défendre cette famille, tous les membres font bloc autour du père. Je sais que vous faites allusion aux candidatures indépendantes qu’on a connues dans un passé récent. Mais d’une certaine façon, on peut comprendre ceux qui ont porté ces candidatures, puisque pour la plupart, ce sont des militants de la première heure qui ont consenti beaucoup de sacrifices pour le parti et lorsqu’il s’agit de désigner des candidats, ils sont parfois ignorés au profit de cadres souvent inconnus de la base. Il est vrai que les indépendants vont au scrutin en se disant qu’ils sont plus légitimes, mais après, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, ils reviennent à la maison. Ce ne sont donc pas des situations si alarmantes, tout compte fait. Cette fois-ci, nous devons tout faire pour garder la cohésion et la discipline, puisque 2025, c’est un moment important pour la vie de la nation et pour notre parti.
On parle de plus en plus de la succession de Ouattara, croyez-vous que c’est une bonne chose au moment où Bédié et Gbagbo n’entendent pas prendre leur retraite avant 2025 ?
Alassane Ouattara a tout donné à son pays. C’est un être humain et il peut être fatigué. Je pense donc que si en 2025, il dit qu’il se retire, je n’y verrais aucun inconvénient. Mais pour lui rendre hommage et honneur, nous devons tout faire, quelle que soit la personne qu’il va désigner pour sa succession, pour conserver le pouvoir. En revanche, si c’est avec le président lui-même, il n’y aura pas de problème. Si les présidents Bédié et Gbagbo veulent rebeloter, je pense que, dans leurs partis respectifs, si ces derniers fonctionnent normalement, on devrait leur dire stop ! Ce serait plus sage.
Quel message pouvez-vous lancer aux Ivoiriens, singulièrement, aux militants du parti présidentiel à ce stade la vie de la nation ?
Avant de lancer un message, je voudrais prendre l’exemple du Ghana. Ce pays compte des anciens présidents qui sont dans l’opposition, mais jamais vous ne les entendrez tourner en dérision le bilan de l’actuel président. Au Nigéria, c’est pareil. Chacun respecte les autorités en place. Les opposants ivoiriens devraient prendre l’exemple des Ghanéens. Et surtout, nous avons un problème, c’est que trois de nos voisins connaissent des situations d’exception puisqu’ils sont dirigés par des juntes militaires. J’invite donc les Ivoiriens à rester unis pour conjurer le mauvais sort et donner force à nos autorités. La Côte d’Ivoire est au-dessus de tout le monde. Je souhaiterais, pour finir, que mes compatriotes prennent conscience de l’évolution du pays sous Alassane Ouattara
Source : Le Rassemblement
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