Les hauts fonctionnaires des affaires étrangères vont entrer dans un pot commun d’administrateurs de l’Etat, qui auront vocation à évoluer d’un ministère à un autre tout au long de leur carrière. Une mesure qui a suscité la colère des diplomates.
Le Monde avec AFP
C’est l’un des volets de la réforme de la haute fonction publique engagée par le gouvernement, voulue par Emmanuel Macron et programmée pour 2022. Un décret paru, lundi 18 avril, au Journal officiel acte la suppression du corps diplomatique, qui a donné des générations d’ambassadeurs à la France. Une mesure annoncée à la fin de l’année 2021, qui avait mis en effervescence le ministère des affaires étrangères, haut lieu d’ordinaire si feutré de la diplomatie française.
A six jours du second tour de l’élection présidentielle, cette suppression a été critiquée par l’opposition. Sur Twitter, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, notamment, ont dénoncé l’officialisation de cette mesure. « A quelques jours de la fin de son mandat, Emmanuel Macron a publié le décret supprimant notre corps diplomatique. Il veut remplacer des serviteurs de l’Etat impartiaux par du copinage », a notamment déploré la candidate du Rassemblement national, qui promet, si elle est élue, de rétablir « un statut de diplomate fondé sur le mérite et l’intérêt national ».
Pour Jean-Luc Mélenchon, « la France voit détruire au bout de plusieurs siècles son réseau diplomatique. Le deuxième du monde. Les copains de promo vont pouvoir être nommés. Immense tristesse. » Le député LR Eric Ciotti souligne lui aussi « la fin d’une époque. Macron abat en ce jour, un nouveau pilier de notre Etat régalien ».
Au ministère des affaires étrangères, la fronde a commencé à monter courant octobre, quand le sujet s’est précisé. La mesure concerne en effet deux corps au cœur des rouages de la diplomatie française : celui des conseillers des affaires étrangères et celui des ministres plénipotentiaires, « mis en extinction » à partir de 2023. Ces hauts fonctionnaires auront alors vocation à rejoindre un nouveau « corps des administrateurs de l’Etat », où seront rassemblés les cadres jusqu’ici formés par l’Ecole nationale d’administration (ENA), elle-même remplacée par l’Institut national de la fonction publique depuis janvier 2022.
Les hauts fonctionnaires des affaires étrangères vont donc entrer dans un pot commun d’administrateurs de l’Etat, qui auront vocation à évoluer d’un ministère à un autre tout au long de leur carrière. Dans ce futur vivier de personnels, les diplomates côtoieront des préfets, des sous-préfets ou des inspecteurs généraux des finances.
800 hauts fonctionnaires concernés
Au total, quelque 800 hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères sont concernés, sur 1 800 cadres de catégorie A. Ces personnels sont, à ce jour, soit issus de l’ENA, soit, le plus souvent, recrutés par le biais du très sélectif concours d’Orient. Ils pourront rester dans leur ancien corps « en extinction », mais seront incités à basculer dans le nouvel ensemble interministériel, sans grande visibilité, craignent-ils dans les deux cas, sur la suite de leur carrière. Une évolution qui passe mal auprès des intéressés.
« La réforme cause une blessure profonde chez les agents du ministère et de fortes inquiétudes », commentait, en décembre, Olivier Da Silva, un permanent de la CFDT du Quai d’Orsay, très engagé contre le projet. « On ne s’improvise pas diplomate. C’est vraiment un apprentissage qui s’acquiert sur le terrain, au gré des affectations », s’insurgeait, pour sa part, un ambassadeur en poste à l’étranger, interrogé par l’Agence France-Presse.
Aux yeux de ses artisans, la réforme vise pourtant à dynamiser les carrières en puisant dans un plus large vivier de candidats et en passant « d’une logique de statut à celle d’emploi ». « Les fonctionnaires, pas plus que les salariés du secteur privé, ne sont interchangeables », avait répliqué un collectif de diplomates réuni sous le nom de Théophile Delcassé, le ministre des affaires étrangères qui a imposé le concours d’entrée dans la carrière diplomatique, jusque-là un privilège de la noblesse, au début du XXe siècle.
Le Monde avec AFP
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