A quand le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée ?
Bien malin qui saurait répondre à cette question. En effet, plus de six mois après la chute du président Alpha Condé renversé par le colonel Mamady Doumbouya et ses camarades, c’est toujours le mystère sur la durée de la transition. Ce, malgré l’ultimatum du 25 avril prochain donné par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) aux tombeurs d’Alpha Condé, pour décliner un calendrier clair et « raisonnable » de la durée de la transition sous peine de sanctions.
Toutefois, à quelques jours de cette échéance, les militaires au pouvoir à Conakry, ont levé un coin de voile sur leurs intentions en détaillant les étapes devant conduire à la restitution du pouvoir aux civils. Il s’agit, pour ainsi dire, de dix travaux…d’Hercule posés comme préalables et qui vont du « recensement de la population [à] l’installation du président élu pour mettre fin à la transition », en passant, entre autres, par « l’élaboration d’une nouvelle Constitution, son adoption par voie référendaire, l’organisation des élections locales, l’organisation des élections régionales, l’organisation des élections législatives, l’organisation de l’élection présidentielle ».
Il y a de quoi se convaincre que ce travail ne sera pas une sinécure
Quand on sait tout ce que tout cela implique comme contraintes en tous genres sous nos tropiques, pour chacun des points cités comme pré-requis devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel, il y a de quoi se convaincre que ce travail ne sera pas une sinécure. C’est pourquoi l’on est aussi enclin à se demander si ce n’est pas une façon, pour Doumbouya et compagnie, de renvoyer la fin de la transition aux calendes…guinéennes. La question est d’autant plus fondée que les différentes « étapes-clés » citées comme passage obligatoire pour le retour d’un pouvoir civil à Conakry, ne sont assorties d’aucun calendrier d’exécution.
Au-delà, sans remettre en cause la nécessité de poser les jalons d’un renouveau, l’on peut se demander s’il est du rôle d’une transition, de chercher à conduire de tels vastes chantiers.
Le risque n’est-il pas grand de se tromper d’objectifs et de priorités d’autant que la question du temps et des moyens matériels se pose ? En attendant, tout porte à croire que l’on assiste à une traque des opposants qui ne dit pas son nom, sous le couvert de la lutte contre la corruption. Ce ne sont pas Cellou Dalein Diallo ou encore Sidya Touré qui diront le contraire. Eux qui ont maille à partir avec la Justice de leur pays dans de sombres et vieux contentieux fonciers avec l’Etat, exhumés dans le récent dossier de « l’opération mains propres », et qui ne sont pas loin de tourner à la dépossession forcée, à en croire les avocats des deux emblématiques figures politiques.
Pour autant que Doumbouya n’ait pas un agenda caché, il a un devoir de vérité et de sincérité envers le peuple guinéen
Du reste, est-il vraiment étonnant que les tombeurs d’Alpha Condé donnent finalement l’impression de vouloir prendre tout leur temps quand tout, dans leur attitude et leur langage, laisse entrevoir qu’ils ne se sentent nullement impressionnés par les menaces de la CEDEAO ? En attendant la réaction de l’institution sous-régionale, l’on peut se demander si Doumbouya et ses camarades sont de bonne foi dans leur volonté de rétablir la légalité constitutionnelle dans les meilleurs délais en Guinée.
En effet, s’il est difficile de contester le bien-fondé de certaines des « étapes-clés » annoncées, comme par exemple le toilettage de la Constitution qu’Alpha Condé avait taillée à sa mesure, ou encore la révision du fichier électoral dont la fiabilité était sujette à caution, il est totalement incompréhensible que les autorités de la transition ne puissent pas, en revanche, les loger dans un calendrier clair, précis et « raisonnable » pour rassurer avant tout les Guinéens et la communauté internationale. Pour autant que Doumbouya n’ait pas un agenda caché, il a un devoir de vérité et de sincérité envers le peuple guinéen. De ce fait, il se doit de jouer franc jeu avec ses compatriotes.
Car, en renversant Alpha Condé qui avait fini par s’illustrer en véritable fossoyeur de la démocratie, il avait suscité l’espoir au sein de tout un peuple voire au delà. Cependant, s’il est à présent dans une logique de ruse et de confiscation du pouvoir, le prix à payer pourrait être lourd de conséquences pour la Guinée et son peuple qui se retrouvent plus que jamais dans le collimateur de la CEDEAO.
Et ce n’est pas tout, puisque pour la soixantaine de partis politiques et pas des moindres, qui a pris ses distances par rapport au cadre de concertation inclusif lancé en fin de semaine dernière par les autorités intérimaires, « le CNRD ne fait que faire une fuite en avant pour perdre davantage du temps… ». La couleur est annoncée.
« Le Pays »
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