Par les Démocrates de Côte-d’Ivoire
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » se réjouit de ce que le dialogue politique initié par le gouvernement depuis le 16 décembre 2021 avec certains partis et mouvements politiques et de la société civile ait abouti, le 4 mars 2022, à la signature d’un rapport final recensant l’ensemble des points ayant fait l’objet de consensus entre les différents acteurs. Même si les recommandations figurant dans ce rapport final du dialogue politique ont, dans le principe, force obligatoire pour les parties signataires, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » déplore le format du rapport retenu par les participants, lequel en fait juste un instrument de travail pour le gouvernement et le Président de la République et leur donne le pouvoir discrétionnaire de décider de l’opportunité de suivre ou non ces recommandations. La qualification, d’ailleurs, de « document de travail » retenue par ce rapport final en son avant-dernier paragraphe est assez révélatrice.
Les rapports ne valent qu’à titre de simples renseignements ou d’éclairages pour aider à la prise de décisions. Un mémorandum d’accord ou d’entente politique aurait été une meilleure option. Les dispositions des accords constituent des obligations juridiquement contraignantes auxquelles toutes les parties signataires sont tenues de se conformer. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » invite donc toute la classe politique à faire attention, à l’avenir, aux formulations retenues et/ou validées par le pouvoir RHDP dans certains textes. Ceux-ci contiennent, le plus souvent, des formulations en trou d’air qui laissent la porte ouverte à différentes interprétations ou à des interprétations extensibles qui lui sont favorables d’une manière ou d’une autre. Qu’on se rappelle le débat suscité en 2016 et en 2020 par la Constitution de 2016, laquelle a été rédigée avec l’esprit opportuniste du politique et non avec l’esprit normatif du juriste. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » fonde ses inquiétudes sur ce que le pouvoir RHDP a toujours réservé aux recommandations des rencontres du même genre avec l’opposition depuis le mois d’avril 2012.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » note également que le renforcement de la paix et de la cohésion nationale évoqué comme but du dialogue politique qui vient de s’achever ne peut être atteint si certaines problématiques restent entières, notamment la situation de l’ancien président de l’Assemblée nationale Soro Guillaume et du ministre Charles Blé Goudé. C’est avec raison, d’ailleurs, que les participants au dialogue politique ont fait figurer leur cas dans le chapitre des mesures d’apaisement de l’environnement politique, sans pour autant le faire figurer dans les recommandations finales ; ce qui montre, malheureusement, que ce sujet n’a pas été jugé pertinent pour les participants et pour le chapitre dans lequel il a été initialement rangé. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », la situation de l’ancien président de l’Assemblée nationale Soro Guillaume et du ministre Charles Blé Goudé ne doit pas être passée au compte de pertes et profits. Elle fait partie intégrante de la problématique de la réconciliation nationale.
Le ministre Charles Blé Goudé et le Président Laurent Gbagbo ont été, tous deux, jugés par la Cour pénale internationale le même jour, au cours du même procès. Ils ont été totalement et définitivement acquittés des charges retenues contre eux. L’un, le Président Laurent Gbagbo, a pu rentrer librement en Côte d’Ivoire le 17 juin 2021. L’autre, le ministre Charles Blé Goudé, reste bloqué à la Haye dans une nouvelle prison qui ne dit pas son nom, le gouvernement de Côte d’Ivoire lui refusant, jusque-là, le simple passeport ordinaire auquel tout citoyen ivoirien a droit, à moins que le ministre Charles Blé Goudé ait été déchu de sa nationalité ivoirienne sans que les ivoiriens en aient été informés. Mais, heureusement, cela n’est pas le cas à la connaissance du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ». C’est pourquoi le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » demande au gouvernement de laisser rentrer le ministre Charles Blé Goudé en lui délivrant son passeport. Rien, même pas des calculs politiciens, ne justifie qu’il soit maintenu loin de son pays. Il n’a plus rien à faire à la Haye où sa culpabilité n’a pas pu être établie dans les faits qui lui ont été imputés. Pour remettre le ministre Charles Blé Goudé à la Cour pénale internationale, le gouvernement de Côte d’Ivoire n’a pas trainer les pieds. Pourquoi le fait-il maintenant lorsqu’il s’agit de l’autoriser à rentrer chez lui, dans son pays ? Cela fera bientôt un an que le ministre Charles Blé Goudé attend son passeport, un simple passeport.
La situation du ministre Charles Blé Goudé fait écho à celle de l’ancien président de l’Assemblée nationale Soro Guillaume. Il est vrai que le président Soro Guillaume reste condamné à la prison à vie pour « complot et tentative d’atteinte contre l’autorité de l’Etat ». Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » rappelle, cependant, que le Président Laurent Gbagbo, alors Secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) et député de l’opposition, a été condamné le 6 mars 1992 à deux ans de prison ferme pour « voies de fait » en vertu de l’ordonnance n°92-80 du 17 février 1992, des charges qui, re-contextualisées selon les réalités politiques des années 2000, auraient été assimilables à un « complot contre l’Etat ». Mais, le Président Félix Houphouët-Boigny, dans sa magnimité d’homme de paix et de père de la nation, a amnistié et libéré Laurent Gbagbo et tous ses compagnons emprisonnés, sans aucune arrière-pensée, sans tenter d’anéantir leur carrière politique en faveur de son parti ou d’un successeur putatif. Le Président Laurent Gbagbo, s’étant retrouvé lui-même dans une situation encore plus dangereuse et inconfortable que celle vécue par le Président Félix Houphouët-Boigny, a fait preuve des mêmes dispositions d’esprit et de cœur que ce dernier.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » demande au Président Alassane Ouattara de s’inspirer de l’exemple du Président Félix Houphouët-Boigny recevant le mercredi 14 septembre 1988 Laurent Gbagbo dont il a facilité le retour d’exil le mardi 13 septembre 1988 et qu’il a amnistié après les événements malheureux du 18 février 1992. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » demande aussi avec insistance au ministre de la réconciliation et de la cohésion nationale de porter sur ses épaules cette charge de ses frères Blé Goudé et Soro Guillaume et de lui trouver une issue heureuse auprès du Président de la République.
L’ancien président de l’Assemblée nationale Soro Guillaume et le ministre Charles Blé Goudé restent des acteurs majeurs du paysage politique ivoirien. Dans l’analyse structurelle de la matrice politique ivoirienne, ils font partie, avec bien d’autres, des variables tendancielles dans le questionnement du futur politique en Côte d’Ivoire. La réconciliation nationale ne peut donc se faire sans eux. La réconciliation nationale avec eux comme acteurs du processus n’est pas une option. Elle est une nécessité de notre développement à intégrer dans toutes les projections macro-économiques. Il faut donc éviter les méthodes à la hussarde face à cette donnée essentielle de la réconciliation, prélude à un cadre institutionnel stable.
En effet, il est impossible d’avoir un climat politique apaisé si des acteurs politiques majeurs du pays sont contraints à l’exil. Sans stabilité, il ne peut y avoir d’investissement et gains de productivité. Les incertitudes de l’environnement politique et institutionnel ont pour but de freiner toute croissance économique. Comme variable économique, l’intégration de l’instabilité institutionnelle dans les stratégies politiques de conquête du pouvoir est un facteur récessif : elle rend les prévisions à long terme incertaines et freine les investissements. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le Président Alassane Ouattara devrait s’estimer heureux d’avoir une opposition citoyenne, civilisée et républicaine qui croit toujours, malgré ce qu’elle subit, aux vertus de la démocratie et qui ne l’empêche pas de dérouler sa politique en faveur des populations ni de bénéficier des faveurs de la communauté internationale et des soutiens des institutions financières internationales.
Car, il est bien connu, en Afrique, et les exemples sont légions, que certains opposants s’assurent le soutien de coalitions politico-médiatiques internationales aux ramifications économiques pour exacerber les contradictions internes à leur pays et saboter la gouvernance du tenant du pouvoir, l’empêchant ainsi d’exercer pleinement le pouvoir, dans le but de se positionner eux-mêmes, après, comme la meilleure alternative qui soit avec les soutiens qu’il faut pour développer le pays face à l’incapacité de celui qu’ils combattent et qu’ils ont paralysé exprès. Ce paradigme, fort heureusement, n’a point été adopté par les opposants au régime du Président Alassane Ouattara et, cela est tout à leur honneur.
C’est pourquoi le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » demande au pouvoir RHDP de continuer à entretenir et à renforcer les voies de la délibération et du consensus politiques et de se garder des manœuvres et de l’ingénierie institutionnelle absolutistes. Il faut donc que le président Soro Guillaume et le ministre Charles Blé Goudé rentrent et que les prisonniers militaires et civils de la crise post-électorale de 2010 et de la crise politique de 2020 sortent pour qu’ensemble l’on puisse animer le débat politique et que l’on construise le processus de réconciliation nationale. La paix a une seule clé de voûte : la réconciliation nationale qui s’entretient non pas avec des discours mais avec des actes.
Fait à Abidjan, le 28 mars 2022.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».
Le Président
Pr. Séraphin Prao
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