C’est quelqu’un qui est tenu pour docte sans avoir étudié, savant s’être fatigué ; il prend la
pose et à une barbe qui impose sans s’être brulé les sourcils à la bougie de l’étude ; il remue
l’air et en fait des tonnes pour des livres qu’ils n’ a pas faits, ni dépoussiérés, il est très
éveillé sans avoir veillé, il a des jours ensoleillés de gloire. Bref, c’est un oracle du vulgaire
et que tout le monde s’entend à réputer savant, sans le savoir, ni l’entendre.
Balazar Gracian – El Criticon
Toujours pour sylvain N’guessan, intellectuel nuancé.
Rebelote dans la nuit du dimanche (27-03-2022), pugilat verbale, inélégance langagière,
arrogance, rire infatué, intolérance à l’altérité idéelle, cécité intellectuelle… tels sont les
attitudes, qui ont meublées le plateau de la célèbre émission politique ivoirienne.
Indiscutablement, cette émission de bonne facture, ne peut être réduite à ces remarques
succinctes que nous faisons à propos de la posture de certains analystes phares qui l’animent.
Dans un article précédent, nous les nommions intellectuels télécrates, et qualifions leur faire,
de tyrannie médiatique et intellectuelle.
À propos de l’interminable crise malienne, récidivant, un de ces intellectuels réprimanda violemment
un journaliste sur le plateau. Presque transe démocratico-fétichiste, il qualifie de honteux (sic) l’analyse de son codébateur et l’accable d’une diatribe affligeante. Les téléspectateurs, pourront par eux – mêmes se faire une idée sur cet autre épisode.
Une question demeure pour nous pendante, quant à l’attitude de notre certificateur de vérité ,
hautement allergique aux coups d’état , au point d’agresser verbalement un autre analyste. Pourquoi, n’a t – il pas daigné refuser de collaborer avec le président Macron, cet autre grand certificateur de putsch
Tchadien. Comprenez donc : au Mali c’est honteux, au Tchad, pas tellement.
Notre télécrate, ne s’est pas satisfait d’une si risible inélégance. Instituteur et ordonnateur des vérités,
du juste – dire et bon – dire sur toutes les crises que traverse le monde, il récidive ra une ultime fois à propos du conflit Russo – Ukrainien.
Un journalise – codébateur de notre intellectuel – affirma qu’un accord existait entre les Russes et
l’otan (Usa) , promettant la non – extension de cette organisation aux pays anciennement communistes.
Apostrophé, il est automatiquement repris. Notre intellectuel en rit, piqua colère, puis d’un ton injonctif,
réclama incessamment le nom de ce dit accord.
La visée rhétorique d’une telle exigence est simple, l’insistance de la demande la corrobore. Il
s’ agissait de dire aux téléspectateurs, que le contradicteur ment ais , qu’un tel accord n’a jam ais existé.
De surcroît, il serait impossible de le nommer.
Venons- en à ce fameux accord ! Est – il vrai qu’il a existé ? Absolument ! Il est d’ailleurs facile de le
démontrer, et nous le ferons. Son existence justifie – t – elle l’opération de la Russie en Ukraine ? Libre à
chacun d’y répondre, les convenances e t choix intellectuels sont souverains, et il ne nous appartient pas
d’ en être juge .
Avant d’expliquer ce qui nous fonde à penser, que cet accord exista bel et bien ; faisons quelques
remarques sur cette crise.
Ne pas être binaire.
Sur cette crise Russo – Ukrainienne, le terrorisme intellectuel, le refus des nuances, le rejet de la
complexité ou de la dialectique – mot cher à Dr Sylvain Nguessan- ont atteint un niveau d’hubris
extraordinaire.
Dr Eddie Guipié, brillant analyste Ivoirien le faisait remarquer sur ses réseaux, son propos nuancé
sur cette crise, lui a valu un torrent de commentaires injurieux et racistes. Constat conséquentiel, il faut
répéter le discours officiel, sinon… vous serez qualifiés d’infâmes Poutiniens.
Ce discours du narratif dominant est dangereusement orwellien et eurocentré. Si porter par des
masses, il est excusable, il est surtout fort regrettable, lorsqu’il est entretenu par des intellectuels, qui quoi
qu’on en dise, aide nt à former l’opinion. Quel est ce récitatif ?
Poutine est le diable ! Ses médias font de la propagande. Fou, ses démangeaisons impérialistes
insatiables, l’ont poussé à envahir l’Ukraine, massacrer les populations civiles et dévaster toute un pays .
Son armée désormais enlisée face à la brave et immaculée résistance ukrainienne, il se rédigerait vers
d’autr es zones, battrait en retraite et reverrait ses objectifs à la baisse. Son pays serait de surcroît très isolé, et touché de plein fouet par les sanctions…
En face de Poutine, il y aurait la vertueuse et mariale Otan, fermant de nations ou pays tout aussi
vertueux et humanistes. Eux défendraient de façon Kantienne la pauvre Ukraine contre l’ours russe. Le
discours porté par les médias de ces pays et leurs responsables politiques concurrenceraient en vérité avec
les livres saints. D’ailleurs, ces medias informent objectivement et sans propagande. Bref Dieu c’est l’Otan
(Usa) et le diable c’est Poutine.
Etonnement, aucun recul, aucune méfiance , juste un manichéisme de terreur, assené et
assommant pour tous et à tous . Le monde n’ existe que depuis le 24 février (début de la guerre) . Les
vertueux de l’OTAN, n’ont jamais menti et manipulé pour travestir des guerres impériale s en guerre
humanitaires .
Les incidents du golf de Tonkin ( 2 et 4 Aout 1964), l’affaire dite du charnier de Timisoara (19 -Décembre 1989), l’affaire des couveuses du Koweït (14- Octobre 1990), le massacre de Raçak (15,
janvier 1999), la fiole de Colin Powell (05, février 2003), la distribution de viagra par Kadhafi à ses soldats
(28 avril 2011) …Ces festivals de mensonges entre mille autres, ouverts et couverts par les médias,
soutenus par l’Otan,, ses alliés et politiciens ne devraient – ils pas nous alarmer, nous rendre moins binaires ?
Qui donc garantit à nos analystes que ceux qui hier encore mentaient sans scrupules, disent la
vérité aujourd’hui ? Quand bien même ils la diraient, ces passés si présents chez les victimes de ces
mensonges, ne pourraient- ils pas les amener à être moins d écisifs et péremptoires ?
À écouter nos doctes authentificateurs de vérités, les vertueux américains et leurs affidés, l’Otan
y compris, n’ont pas perpétrés depuis la fin de seconde guerre mondiale près de 80 actions militairesimpériale s – dans le monde, dont 56 en Amérique Latine. Ce pays n’a pas poussé l’ignominie jusqu’à imaginer l’opération Northwoods ( 1962 ) – heureusement avorté – . Que dire des réseaux Gladio et Stay behind de l’Otan , des Contras en A mérique Latine, et de l’affaire Iran Contras ? Est-il besoin
de rappeler l’opération Ajax (1953), l’opération contre Allende (Septembre 1973) invasion
du Panama (89/90) ?
Face à des entités, personnes physiques ou morales, ayant un cv peint de tant
d’hémoglobine innocente, l’intellectuel, sans être un ignoble Poutiniste, se doit d’être
nuancé. Il se doit de prévenir ses auditeurs sur le fait que la propagande est quasiment
gémellaire à la guerre. Le camp russe, tout comme celui de l’occident en est capable. En la
matière, l’occident est d’ailleurs de loin imbattable.
Heureusement que loin de ceux dont nous nous plaignons, des intellectuels et non des
moindres, nous alertent sur ces questions, nous permettant ainsi d’adopter une posture
prudente à propos des guerres modernes. Une littérature foisonnante existe sur ces questions,
entre autres: La fabrication du consentement d’Edward Hermann et Noam Chomsky (1988),
principes élémentaires de la propagande guerre d’Anne Morelli (2001), Propaganda de
Edward Bernays (1928), l’Etat voyou de William Blum (2002), Les confessions d’un
assassin financier de John Perkins (2004), les armes secrètes de l’OTAN de Daniel Ganser
(2004), Libye, Otan et médiamensonges de Michel Collon (2011).
Soyons clairs, il ne s’agit pas à travers cet appel à la nuance, de soutenir Poutine-ceux
qui le font en ont le droit-, mais de rappeler, qu’on gagnerait à se méfier d’un manichéisme
de mauvais aloi, dans l’analyse des guerres.
Ce détour étant fait, revenons au sujet principal de notre propos : l’accord supposé
ou réel entre les Russes et l’OTAN.
Les preuves d’un accord
Le journaliste qui a évoqué l’existence dudit accord, a été sommé sur un ton
condescendant et impératif, de nommer l’accord. Le procédé est rusé, et un peu sophiste.
Pas d’écrit, pas d’accord ! Accord, alors écrit. Écrit, donc nommé. Pas de nom, donc pas
d’accord. Pas d’accord, alors l’interlocuteur ment. Menteur, alors disqualifié.
Rappelons-le avant tout chose, un accord peut-être verbale. Le droit nous l’enseigne. Et
si la trace et/ou preuve scripturaire est indiscutablement aujourd’hui, la plus efficiente
manière de matérialiser des accords-surtout de fin de guerre-, cet état des choses, ne doit pas
nous faire balayer d’un revers de main la validité d’un accord oral.
D’ailleurs, loin de la sphère politique, un artiste (Yanick Noah), nous gratifie dans une
de ses chansons, d’une excellente phrase à ce sujet :
Là-bas quand ils te disent/pas besoin de signer en bas.
Faisant ainsi l’éloge d’un monde, le sien peut-être, mais surtout l’ancien ; il faisait
remarquer la confiance qu’on pouvait avoir aux promesses faites, et accord verbaux conclus.
Est-ce à dire au regard de tout ceci, que l’accord dont il est question ne fut que verbal ?
Loin s’en faut.
Rolland Dumas
1
, ministre français des affaires étrangères (1984-1986/1986-1993) qu’on
ne peut accuser de Poutinisme, présent lors des discussions entre alliés et Russes, certifie
l’existence d’un accord à ce propos. Que nous dit Rolland Dumas ?
L’ancien ministre des affaires étrangères, fait remarquer qu’à la fin de la guerre froide
et lors du démantèlement de l’URSS, une nouveauté inhabituelle fut constatée : absence
d’un traité de paix marquant la fin de la guerre. Pour pallier cette ‘’erreur’’, l’idée
d’organiser plusieurs rencontres et discussions dans les capitales occidentales fut arrêtée.
Ainsi plusieurs rencontres se tinrent à Londres, à Paris, puis à Moscou (La dernière
selon Dumas). Elles portèrent sur plusieurs points, tels ceux des armements, la réunification
de l’Allemagne… Entre autres officiels, étaient présents à ce cycle de rencontres : Rolland
Dumas lui-même, Edouard Chevardnadze, et Hans-Dietrich respectivement ministre des
affaires étrangères russes et celui de l’Allemagne.
Dumas continue en affirmant, qu’après les discussions sur les armements, Edouard
Chevardnadze et Gorbatchev exigèrent deux engagements de la part des alliés. La première
avait trait à l’entretien des monuments communistes dans les ex pays de l’URSS et la
1
Voir son entretien avec Olivier Berruyer sur le site Elucid.
seconde portait sur la promesse de la non-extension de l’OTAN dans les pays anciennement
communistes. Sur ces deux points, les promesses furent données et accords conclus.
Quelle naïveté poussa les responsables soviétiques de l’époque à ne pas exiger que ces
promesses soient gravées dans le marbre d’un accord dûment ratifié ? Nous ne pouvons pas
répondre à cette question. Pourquoi les alliés à leur tour ne l’ont pas matérialisé ? Chacun
pourra y répondre à sa guise.
Si donc cet accord ne fut que verbal, qu’est-ce qui pourrait motiver à croire ceux qui
l’évoquent, plutôt que ceux qui le nient, ou attestent de sa non écriture pour en douter ?
La suite des propos de Dumas, aiguillonne sur ce qui nous parait être la vérité. En effet,
l’ex ministre des affaires étrangères français affirmera par la suite, que quand bien même
cet accord ne fut pas inscrit dans un traité, chacune des délégations présentes lors des
discussions le marquait dans ses comptes rendus. Les archives de l’époque s’avèrent du coup
être d’une grande utilité pour départir les uns et les autres. Elles sont sans ambiguïtés
aucunes.
Dans sa parution du 18-février 2022, le journal allemand Der spiegel, présentant les
archives britanniques de l’époque, démontra non seulement clairement l’existence en des
termes clairs, mais l’écriture des promesses faites. Selon ces archives exhumées par le
professeur américain Joshua Shifrinson (Université de Boston), les déclarations suivantes
seraient gravées dans les comptes rendus de ces archives :
« Nous avons clairement indiqué lors des pourparlers des 2+4 que nous n’étendrons
pas l’OTAN au-delà de l’Elbe »
Puis à Jürgen Hrobog représentant de la république fédérale d’Allemagne d’ajouter :
« Par conséquent, nous ne pouvons pas proposer à la Pologne et aux autres pays
d’adhérer à l’OTAN ».
Toujours selon ces archives, Raymond Seltz représentant alors les USA était d’accord :
« Nous avons clairement fait savoir à l’union soviétique, que nous n’avions pas
l’intention de profiter du retrait de leurs troupes de l’Europe de l’est, par la non expansion
de l’OTAN de façon formelle ou informelle ».
Ces déclarations se passent de commentaires, et sont édifiantes. Pour les couronner,
joignons à ce texte, une image de ces archives évoquées plus haut. Elle a été présentée par
Slobodan Despot, journaliste et essayiste suisse d’origine serbe (Voir image en fin de texte).
Au regard de tout ce qui précède, il est donc indiscutable, que les alliés ont de façon
franche promis à la Russie de ne pas étendre l’OTAN dans les ex pays soviétiques. Pis,
nous pourrons agrémenter ce texte par une dizaine de déclarations d’universitaires,
journalistes, anciens agents des services secrets, hommes politiques et intellectuels
américains allant John Mearsheimer à Noam Chomsjy, en passant par l’actuel président
2
Les deux Allemagne plus l’URSS, la France, la grande Bretagne et les USA.
3
Voir à ce propos les articles consacrés à la question par le site solidaire.org (22-02-2022) et celui du journal l’humanité (24-02-2022) américain (en 1997), ou encore feu Zbigniew brzezinski auteur du fameux Le grand échiquier : l’Amérique et le reste du monde(1997).
Les lecteurs qui en ont la volonté, pourront facilement les trouver. Toutes aussi claires
les unes que les autres, ces déclarations pourront leur permettre de comprendre la question
des ex pays soviétiques. Elles les aideront à comprendre que, l’Ukraine en particulier, est et
demeure une question stratégique et géostratégique pour les l’OTAN et les USA, de même
qu’une sorte de ligne rouge à ne pas franchir pour les Russes. Faute de quoi, la Russie aurait
une réaction « vigoureuse et hostile (Biden en 1997) ». Le sort de ce pays, a donc de tout
temps été une épineuse question pour la Russie.
Que faut-il retenir de tout ça ? Soutien à Poutine ? Non assurément. Il s’agit d’une
simple restitution de fait historique. Elle permettra nous l’espérons aux lecteurs, de savoir,
que loin d’un nominalisme fourbe, avec lequel fut lapidé le journaliste ayant évoqué ce
sujet ; des engagements fermes avait été pris vis-à-vis de l’URSS.
Savané Ali
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