Depuis le 09 Mars, le gouvernement a décidé en Conseil des Ministres, qu’une autorisation préalable était désormais exigée avant l’exportation des produits vivriers de grande consommation. Une décision pertinente ?
Pour contrer la flambée des prix actuels, qui concerne aussi bien les produits issus de l’agro-industrie que les produits vivriers, l’État ivoirien exige désormais une autorisation préalable pour l’exportation des produits locaux. Bien sûr, l’objectif est de garantir l’approvisionnement de nos villes afin d’éviter toute pénurie de ces produits, ce qui ferait encore plus grimper les prix. Mais quand on regarde les choses d’un peu plus près, on se rend compte que la décision comporte certains risques pour l’économie ivoirienne.
Au fil du temps, notre production vivrière a fini par s’exporter. D’abord dans la sous-région, puis aujourd’hui en Afrique centrale, et même pour certaines en Europe, notamment certains » condiments « . Aujourd’hui les prix sont au plus haut pour quasiment toutes les denrées alimentaires. C’est parfaitement logique que les opérateurs nationaux privilégient les marchés à l’export où les prix sont plus rémunérateurs. C’est leur droit. Ainsi fonctionne l’économie libérale dans laquelle nous sommes. Leur interdire d’exporter revient à les priver d’une manne financière à laquelle ils ont droit.
Nos autorités n’ont de regard que pour les cultures d’exportation (café – cacao – palmier à huile – hévéa – coton – anacarde). Les cultures vivrières ne reçoivent pratiquement aucun investissement. Résultat, il y a un déficit structurel de l’offre, d’autant plus que le pays est un pôle majeur d’immigration du continent. Il y a donc du monde sur place qu’il faut nourrir. Cette situation ne s’est pas produite du jour au lendemain. Le déficit dans l’offre du vivrier occupe régulièrement les devants de la scène. L’Etat promet à chaque fois de réagir, mais il reste au stade des discours.
Aujourd’hui interdire l’exportation du vivrier n’est pas la solution, c’est même contre-productif, car plus les capacités financières d’un exportateur s’accroissent, plus grande est sa capacité à satisfaire la demande. En d’autres termes, les profits exceptionnels que vont dégager nos opérateurs sur les marchés à l’export pendant cette période de forte hausse des prix, vont avoir un impact sur les futures disponibilités des produits. Ils seront cultivés en plus grande quantité, ce qui permettra d’alimenter à la fois le marché local et la demande extérieure. Permettre aux coopératives ou aux planteurs de percevoir plus, c’est leur permettre de produire plus.
En interdisant notre production aux acheteurs non nationaux, il y a tout lieu de croire que la prochaine production ne va pas croître vigoureusement. Il y a aussi un risque pour nos producteurs de perdre la clientèle étrangère, laquelle peut se tourner vers d’autres pays. Le Bénin par exemple se positionne de plus en plus comme un sérieux concurrent sur la production vivrière. C’est un pays qui a presque le même climat que la CI, donc un sol qui permet les mêmes cultures. En plus il y a une volonté gouvernementale affichée de faire du secteur vivrier un secteur majeur de l »économie.
La force d’une économie s’est ses exportations. Le gouvernement ivoirien ne doit pas entraver les exportations des produits vivriers, même en cette période de fortes tensions sur les prix des denrées alimentaires. C’est précisément dans ces périodes de forte demande que les marchés à l’export se captent et se consolident plus facilement. La production ivoirienne en produits vivriers est suffisamment diversifiée, pour permettre aux ménages de toujours trouver ce dont ils ont besoin. Il faut laisser autant que possible les forces du marché modeler l’activité. C’est le seul moyen d’aller vers plus d’efficacité, plus de productivité, plus de maturité pour l’économie ivoirienne.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
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