En dépit des annonces faites presque chaque jour dans les médias, le prix des produits vivriers continuent de croître.
Le gouvernement ivoirien a-t-il réellement les moyens de contrer le phénomène ?
Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la hausse des prix concerne aussi bien les produits issus de l’agro-industrie, que les produits vivriers, alors que ces derniers ne subissent aucune transformation. De la récolte, ils prennent directement la route des marchés de nos villes. Ils ne supportent ainsi pas d’autres coûts que le transport. Or l’État a subventionne régulièrement le gasoil, afin de maintenir son prix stable.
Comment expliquer alors la hausse des prix des produits vivriers ?
Le prix des produits viviers se détermine selon le jeu de l’offre et de la demande, comme toutes les matières premières. Or La Côte d’ Ivoire, en plus d’avoir une population jeune et en forte croissance, est redevenue une destination favorite pour les populations africaines (Ouest et Centre) du fait de la stabilité et de la croissance retrouvées. L’immigration est forte dans le pays (ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose). Résultat, une demande vigoureuse concernant les produits viviers, face à une offre qui n’arrive pas à suivre au même rythme. Conséquence, le pays est en déficit structurel en ce qui concerne sa production vivrière. Cette situation pouvait constituer une opportunité pour ce secteur si des financements étaient disponibles pour accompagner sa croissance. Mais ce n’est pas le cas.
Qu’en est-il de ce fameux « programme de soutien à la production des cultures maraîchères de cycle court » sur lequel le gouvernement a beaucoup communiqué il y a quelques temps ? Les choses semblent être restées au stade de la communication. Dans une déclaration publiée sur le site connectionivoirienne.net le 21 Mars dernier (https://connectionivoirienne.net/2022/03/21/lutte-contre-la-vie-chere-le-gouvernement-engage-a-preserver-le-pouvoir-dachat-des-menages/ ), le Centre d’Information et de la Communication Gouvernementale ( CICG ) a énuméré les actions du gouvernement pour contrer la hausse des prix. On peut constater qu’aucune action spécifique ne concerne le vivrier. Aujourd’hui le pays paie le prix de ce désintéressement des politiques. Le gombo, le piment, les aubergines, le manioc, la banane etc … Sont hors de prix. Cela n’a rien à voir avec l’inflation due à la reprise post covid, aux effets collatéraux de la guerre en Ukraine, ou de l’embargo contre le Mali comme on tente souvent de le justifier.
Dans cette même déclaration du CICG, beaucoup de programmes de soutien à la production animale sont annoncés pour la période 2022-2024. Verront-ils réellement le jour où les choses vont-elles restées au stade de la communication ? Signalons au passage que dans le cadre des mesures visant à juguler les effets du covid-19, le gouvernement avait dégagé en 2020, en faveur de l’ensemble des coopératives agricoles, un montant de 17 milliards de FCFA. En Janvier 2022, les planteurs n’avaient encore rien reçu ! Ils ont menacé en début d’année de » bloquer les routes du pays » s’ils n’entraient pas en possession de cet argent. Ont-ils entre temps eu gain de cause ? Et surtout les fonds leur ont-ils été remis en totalité ? Le doute est permis.
C’est aussi le lieu de regretter la décision prise par les autorités en 1997 d’interdire les activités des sociétés d’agri-business. Bien sûr l’État était dans son rôle en ordonnant la cessation des activités de ces entreprises dès lors que les malversations financières avaient été constatées. Mais par la suite, il aurait fallu remettre les choses à plat, en créant un cadre juridique clair afin que de nouvelles entreprises puissent poursuivre ce modèle sur des bases assainies. C’est l’absence de règles claires qui a conduit aux dérives qui se sont produites.
Mais il était parfaitement possible de recadrer les choses en tenant compte de ce qui venait de se passer, et de faire de l’agri-business un instrument de croissance de la production vivrière. C’est un modèle qui fonctionne parfaitement en Afrique de l’Est. Ici même en Côte d’Ivoire, ce modèle a fonctionné dans les années 2000 avec l’hévéa, dont le pays est devenu le premier producteur africain. L’agri-business était une carte à jouer. Les autorités ivoiriennes ont réagi dans la précipitation en » jetant le bébé avec l’eau du bain « . Elles ont cassé sans chercher à reconstruire un modèle qui pouvait faire merveille.
Ce sont tous ces dysfonctionnements, ces erreurs de jugement qui nous rattrapent aujourd’hui. Les financements sont relativement absents du côté de la production vivrière, conséquence elle ne parvient pas à véritablement décoller, alors que toutes les études montrent que la Côte d’Ivoire a le potentiel de nourrir convenablement sa population ainsi que la sous-région.
Aujourd’hui disons-le tout net, bien que le gouvernement continue de batailler pour contenir la hausse des prix, il n’a cependant aucun levier (du moins à court terme) pour agir sur les produits vivriers.
Les prix de ceux-ci continueront de croître tant que l’offre sera déficitaire.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com
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