Par Africa Intelligence
Candidats rivaux pour la présidence de la Fédération ivoirienne de football, l’ancien attaquant de Chelsea Didier Drogba et l’ex-bras droit d’Hamed Bakayoko, Idriss Diallo, ont été associés au capital de la mine d’or d’Ity.
Ils ont revendu leurs parts en 2019 à Endeavour… sans s’acquitter du prix des titres auprès de leur premier propriétaire, le groupe parapublic ivoirien Sodemi. Qui demande des comptes à Drogba, signataire des accords.
C’est un vieux conflit qui ressurgit au plus mauvais moment pour le footballeur ivoirien Didier Drogba, engagé dans la course à la tête de la Fédération ivoirienne de football (FIF), qui désignera son nouveau président le 23 avril. L’ancien attaquant de Chelsea a été récemment sollicité par la Société de développement minier de Côte d’Ivoire (Sodemi), un établissement parapublic qui lui réclame 1,9 milliard de francs CFA (2,9 millions d’euros). Nommé l’été dernier, le nouveau directeur général de la Sodemi, Koné Moussa Seydou, mène actuellement une revue en profondeur des comptes de l’entreprise.
Sollicité par Africa Intelligence, Didier Drogba n’a pas donné suite à nos demandes d’informations.
Les 1,9 milliard de francs CFA réclamés à Drogba sont le reliquat du prix d’achat, via une société contrôlée par le footballeur et l’homme d’affaires Idriss Diallo, de 10 % de la Société des mines d’Ity (SMI), mine d’or aujourd’hui opérée et contrôlée à 85 % par le groupe Endeavour Mining. Une transaction à la fois financière et politique : l’entrée, en 2013, de Drogba et Diallo au capital d’Ity a été parrainée de bout en bout par l’ex-premier ministre ivoirien Hamed Bakayoko, dont Diallo était l’intime et l’associé dans plusieurs secteurs d’activité. Elle a été négociée, en 2013, entre Bakayoko et celui qui allait, deux ans plus tard, devenir le patron d’Endeavour, Sébastien de Montessus, au cours d’un dîner au restaurant La Croisette, dans le quartier du Plateau d’Abidjan.
Un montage entre Abidjan et Dubaï
L’entrée de Drogba et Diallo au capital d’Ity s’est faite en deux temps. En 2014, les deux hommes ont fondé une société commune, Keyman Investment, à partir de leurs holdings respectives : DYD international Holding pour Drogba et Emerging Finance SARL pour Diallo. Keyman a ensuite acquis 5 % de la Société des mines d’Ity auprès de la Sodemi avant, en mars 2017, de porter ses parts à 10 %. Prix total de la transaction : 3 milliards de francs CFA (4,5 millions d’euros).
Si les deux hommes ont investi ensemble, c’est cependant Drogba seul qui a procédé à la signature officielle des actes de vente avec la Sodemi, raison pour laquelle la société parapublique n’a sollicité que le seul footballeur pour s’acquitter du reliquat du prix de vente.
Le prix d’achat a été en partie avancé non par les acquéreurs eux-mêmes, mais par une structure basée à Dubaï, Energy Standard DMCC, fondée et administrée par la société de gestion de fortune Helin International. Au même moment, Helin comptait parmi ses clients privés Idriss Diallo, mais également Sébastien de Montessus (AI du 23/02/21).
Deux ans après avoir acquis 10 % d’Ity, en 2019, Drogba et Diallo ont revendu toutes leurs parts à Endeavour pour environ 15 millions de dollars, soit une culbute de près de 10 millions par rapport au prix d’achat, et ce en moins de six ans. Problème : les deux hommes ne se sont pas acquittés de la totalité du prix de leurs participations auprès de la Sodemi, premier propriétaire des titres. Du vivant d’Hamed Bakayoko, le groupe parapublic n’a pas protesté. Mais à la suite du décès, en mars 2021, de l’ancien premier ministre, qui fut associé à chaque étape de la transaction, l’entreprise nationale, qui a hérité en août 2021 d’une nouvelle direction, a commencé à réclamer son dû.
A ce jour sans succès.
Les efforts de la Sodemi sont compliqués par le fait que, depuis la revente des 10 % qu’ils détenaient dans Ity à Endeavour, Drogba et Diallo sont en froid. Pire : les deux hommes sont même désormais concurrents pour le poste de président de la Fédération ivoirienne de football.
Une opération stratégique
La Sodemi est néanmoins déterminée à obtenir réparation, car elle sait que l’entrée et sortie de Drogba et Diallo sur Ity a joué un rôle déterminant dans une opération d’une tout autre envergure : la fusion, en 2015, du groupe minier La Mancha, du magnat Naguib Sawiris, et de la société canadienne Endeavour, qui ont formé ensemble Endeavour Mining.
Avant la fusion, La Mancha, dont la mine d’Ity était l’un des actifs clés, ne contrôlait que 45 % de ce site, faisant du groupe un actionnaire minoritaire aux côtés de l’Etat ivoirien, qui disposait de 55 %.
L’arrivée de Drogba et Diallo a permis de diminuer progressivement la part de la Côte d’Ivoire et de valoriser, en conséquence, celle de La Mancha. Le groupe de Naguib Sawiris était alors dirigé par Sébastien de Montessus qui, à l’issue de la fusion, est devenu PDG d’Endeavour, poste qu’il occupe toujours aujourd’hui.
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