(Xinhua) — A l’heure où le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’intensifie et que les pays occidentaux optent pour de lourdes sanctions [historiquement inédite] contre Moscou, les prix des denrées alimentaires montent en flèche sur le marché international.
Si le conflit Russie-Ukraine ne cesse pas, une crise en matière d’approvisionnement alimentaire dans plusieurs régions du monde approche, avertissent beaucoup d’analystes qui soulignent que les pays africains seront parmi les plus gravement affectés.
LA REGION DE LA MER NOIRE, « GRENIER DU MONDE »
En tant que plus grand producteur et exportateur de blé au monde, la Russie fournit avec l’Ukraine environ 29% des exportations mondiales de blé, 19% des exportations mondiales de maïs et 80% des exportations mondiales d’huile de tournesol.
Pour les analystes, la région de la mer Noire est le « grenier du monde » et la perturbation des chaînes d’approvisionnement causée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine dans la région est de nature à déclencher de fortes fluctuations des prix des produits alimentaires mondiaux, tout en resserrant l’approvisionnement des marchés.
Signes avant-coureurs de ces menaces sur l’économie mondiale : en début mars, les prix du blé ont augmenté de plus de 40%, ceux du maïs d’environ 30% et ceux du soja de plus de 25%.
Cette flambée des prix provient notamment de la décision prise le 9 mars par le gouvernement ukrainien d’interdire les exportations de blé, d’avoine et d’autres cultures de base, en vue de protéger le marché national.
Dans le même temps, l’escalade des sanctions imposées à la Russie par les pays occidentaux fait peur à de nombreux acheteurs de produits russes, là où les banques hésitent à financer le commerce des produits russes.
Ces situations, estiment les analystes, sont de nature à réduire l’approvisionnement alimentaire mondial, ce qui par ricochet aura de graves répercussions sur les moyens de subsistance des habitants de nombreux pays d’Europe, d’Afrique et d’Asie.
RISQUES DE FAMINE « IMMINENTE » ET DE SOUS-NUTRITION
Ainsi, le Programme alimentaire mondial (PAM) alerte contre des risques de famine aggravée dans le monde. Une famine jugée « imminente », en raison de l’interruption de la production et des exportations de céréales russes et ukrainiennes.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 8 à 13 millions de personnes pourraient souffrir de sous-nutrition dans le monde en cas d’arrêt des exportations alimentaires de l’Ukraine et de la Russie.
« La guerre entre la Russie et l’Ukraine va se sentir dans plusieurs pays africains, réputés être de grands consommateurs de céréales importées depuis Moscou ou Kiev », soutient Karima Bounemra Ben Soltane, directrice de l’Institut africain de développement économique et de planification (IDEP), qui fait partie du système onusien.
Cette crise, ajoute-elle, « va avoir des conséquences sur les importations d’un certain nombre de pays africains tels que l’Egypte, le Soudan, l’Ethiopie, le Nigeria qui sont de grands consommateurs de céréales ».
En vérité, le continent africain tout entier est directement concerné par cette préoccupante situation. Et pour cause, de nombreux pays d’Afrique importent chaque année des tonnes de blé d’Europe : soit du blé tendre, utilisé essentiellement pour fabriquer du pain, soit du blé dur, base de la composition des pâtes, notamment.
MOSCOU ET KIEV, GRANDS FOURNISSEURS DE BLE A L’AFRIQUE
Selon l’économiste malien Modibo Mao Makalou, 80% des 4 milliards de dollars d’échanges commerciaux entre l’Afrique et la Russie concernent les importations de blé là où 50% des échanges commerciaux pour un montant de 4,5 milliards de dollars entre l’Afrique et l’Ukraine portent aussi sur des importations de blé.
Au Sénégal, pays qui importe la moitié de son blé de Russie, les inquiétudes autour du prix du pain naissent au sein de la population. Depuis plusieurs années, le gouvernement a plafonné le prix de la baguette, qui est actuellement de 175 francs CFA (0,29 dollar), mais d’après le président de la Fédération des boulangers du Sénégal, Amadou Gaye, il pourrait atteindre 500 francs CFA (0,84 dollar) si la crise ukrainienne venait à perdurer.
« Le Sénégal a une économie plutôt extravertie, qui dépend énormément des importations en ce qui concerne une variété de produits », note Idrissa Yaya Diandy, économiste et professeur à la faculté des sciences économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Tout comme le Sénégal, le Mali, d’après le Programme alimentaire mondial (PAM), importe 70% de ses denrées alimentaires. En 2019, indique-t-on de même source, les exportations de produits alimentaires du pays atteignaient à peine 25 millions de dollars contre des importations d’un montant de 344 millions de dollars.
DES SOLUTIONS ENDOGENES POUR UNE SOUVERAINETE ALIMENTAIRE
Pour Modibo Mao Makalou, qui a aussi été conseiller à la présidence du Mali, si son pays est d’une certaine manière « une puissance céréalière », il lui faut tout de même ‘’diversifier sa filière agricole, y compris développer la culture du blé à Diré, dans la région de Tombouctou ».
Au final, que ce soit le Sénégal, le Mali ou tout autre pays africain, il faut nécessairement avoir ‘’un minimum de souveraineté alimentaire, en tout cas dans les secteurs clés de nos économies », préconise Idrissa Yaya Diandy.
Pour lui, les pays en développement, notamment ceux d’Afrique, doivent se lancer dans une dynamique de transformation structurelle de leurs économies en vue d’avoir ‘’une certaine autonomie dans des secteurs qui sont à leur portée, notamment la santé, l’éducation, l’alimentation et la technologie ».
Karima Bounemra Ben Soltane ne dit pas autre chose quand elle avance que ‘’la crise russo-ukrainienne et son impact sur le continent » devraient pousser les Africains à renforcer leur ‘’résilience » en prenant en mains leur propre avenir via des ‘’solutions endogènes ».
La solution à long terme consiste ni plus ni moins à aller ‘’vers une transformation structurelle de nos économies et aussi de nos habitudes alimentaires parce qu’on ne peut plus continuer à importer ce que nous consommons », martèle M. Diandy. Fin
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