C’est avec intérêt et curiosité que le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » a observé l’abondante activité diplomatique, qu’il salue d’ailleurs, du Président français Emmanuel Macron avant ce qu’il est admis d’appeler la crise ukrainienne et pendant son aggravation avec l’annexion déplorable de l’Ukraine par les troupes russes. Du rôle de la France dans la résolution de cette crise qui n’a malheureusement pas répondu aux attentes escomptées et des propos tenus, pendant cette crise, par des dirigeants français actuels comme passés à l’endroit des différents acteurs, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » note une grande différence avec l’attitude adoptée par la France vis-à-vis des dirigeants africains dans les convulsions politiques qui l’opposent à l’Afrique et dont la plus récente est la crise au Mali.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » se dit heureux de la reconnaissance, par des officiels français, en l’occurrence le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et le président de la République française Emmanuel Macron, du caractère anachronique des zones d’influence et de la reconstitution des anciennes féodalités ainsi que du caractère intangible du « droit opposable erga omnes » (droit s’imposant à tous) des Etats à disposer d’eux-mêmes, à être égaux en droits et à recourir à toutes les options bilatérales et multilatérales pour assurer la sécurité de leurs frontières et de leurs citoyens. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait saluer cette position officielle forte de la France dont la juridicité est reconnue par la Charte des Nations unies, par la déclaration sur les relations amicales de 1970 et par la Cour internationale de justice.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait, cependant, s’étonner que la France condamne des postures impérialistes qu’elle-même ne manque pas d’adopter vis-à-vis de ses anciennes colonies lors des rapports tendus avec les dirigeants africains qui voudraient affranchir leur pays de sa tutelle. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » s’étonne aussi que certains anciens hommes d’Etat français appellent à la discussion, au dialogue et à la diplomatie là où l’africain s’attendait logiquement à ce qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, au nom du devoir de protéger et en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, soit adoptée pour autoriser à prendre toutes mesures nécessaires pour protéger les populations et zones civiles menacées par les bombardements et autres affrontements et contraindre la Fédération de Russie à respecter le droit international.
L’étonnement du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » est d’autant plus grand qu’une personnalité politique française et non des moindres, qui a fait voter contre la Côte d’Ivoire la résolution 1975 en 2011 et qui était à l’avant-garde de la lutte contre le libyen Mouammar Kadhafi avec la résolution 1973, appelle aujourd’hui au dialogue, à la discussion et à la diplomatie. Cette personnalité politique propose également la mise en place d‘institutions qui permettront le multilatéralisme du 21e siècle ; celles existantes étant jugées obsolètes selon elle.
Le monde africain qui suit avec beaucoup d’intérêt ce qui se passe en Ukraine et qui a vécu la guerre en Irak, en Libye et en Syrie et la résolution de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire en 2011 comprend que, pour être ménagé, pour être appelé à la table de négociation, pour bénéficier d’un minimum d’égard et de considération et éviter une résolution contraignante de l’ONU sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il faut être doté de l’arme nucléaire. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », cette attitude envoie un très mauvais message aux nations non encore dotées de l’arme nucléaire. Et pourtant, ce que les peuples africains, depuis des années, ne font que demander et qui justifie le désamour actuel entre la France politique et les populations africaines qualifié abusivement et à tort de sentiment anti-français, c’est qu’on les écoute et que tout soit renégocié. Il n’y a point de sentiment anti-français en Afrique parce que les populations africaines partagent avec le peuple français un ensemble de valeurs humaines et civilisationnelles francophones.
Les peuples africains constatent, cependant, que le système monétaire du franc CFA qui existe depuis 1945 et les accords de défense et de coopération dont les clauses secrètes offrent des avantages exorbitants à la France et privent les pays africains de leur souveraineté ne sont pas adaptés au monde du 21e siècle, surtout que les pays africains font face à des défis sécuritaires, sociaux et de développement majeurs et quasi insurmontables face au poids de la dette et à une démographie galopante et qui recommandent une relecture des instruments de coopération économique, monétaire et militaire qui ne soit pas à la seule initiative de la France et dans laquelle les africains ne seraient que des faire-valoir juste bons pour ratifier ce qui leur sera soumis par le suzerain.
Les problèmes que pose l’Ukraine dans sa coopération avec la Fédération de Russie sont, dans le principe, pareils que ceux que les nations africaines posent vis-à-vis de la France et qui, depuis des années, sont à la base de certaines convulsions, de certaines manœuvres de déstabilisation bien connues et documentées. Les africains demandent à être entendus comme la communauté internationale entend en chœur les cris de l’Ukraine et se tient à ses côtés vis-à-vis des manœuvres hégémoniques de la Fédération de Russie. La crise ukrainienne a ouvert les yeux à tous et plus rien ne sera plus comme avant dans les relations entre la France et ses anciennes colonies parce que le temps des empires qui ne veulent pas mourir est déclaré dépassé ; les africains n’étant plus disposés à accepter cette politique de deux poids deux mesures.
Il est temps, grand temps, que les dirigeants français fassent des paroles-ci de l’ancien président Jacques Chirac un instrument de réflexion stratégique prospective pour créer avec les africains la nouvelle communauté du 21e siècle, celle du 20e siècle n’étant plus adaptée : « nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières. (…) Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons. (…) On oublie seulement une chose. C’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique, pas uniquement mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens, je ne dis pas de générosité, de bon sens, de justice, pour rendre aux africains, je dirais, ce qu’on leur a pris, d’autant que c’est nécessaire si on veut éviter les pires convulsions ou difficultés, avec les conséquences politiques que ça comporte dans un proche avenir ».
Fait à Abidjan, le 26 février 2022.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».
Le Président
Pr. Séraphin Prao
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