Serge Parfait Dioman
Expert International en Industries Pétrolières et Énergies.
La hausse de la facture énergétique actuelle est d’envergure internationale et perdure depuis des mois.
A la genèse, l’on démêle un foisonnement de causes dont l’implémentation brutale de certaines initiatives entreprises en perspective de la transition énergétique. Dans la ferveur de celle-ci en effet, la demande mondiale énergétique affiche partout une nette préférence pour les offres gazières.
Ce n’est apparemment pas sans conséquences à y voir de près.
Aujourd’hui en fait, les énergies renouvelables sont certes en progression mais ne sont pas suffisamment implantées à travers le monde. Leur puissance globale reste faible au regard des besoins énergétiques actuels de la planète. Elles ne sont pas encore en pleine capacité de prendre la relève pour combler, par elles toutes seules, les énormes besoins des terriens qui sont, à plus de 75%, encore très dépendants des ressources fossiles. Vu donc l’insuffisance d’alternatives énergétiques renouvelables assez consistantes pour compenser le manque à gagner énergétique, l’on recourt de plus en plus au gaz qui au demeurant dispose encore de réserves prouvées suffisamment abondantes.
Comparé au charbon et au pétrole, particulièrement victime du pétrole-bashing l’indexant à une matière anti-écologique, le gaz est, en raison de son faible impact carbone, réputé être un meilleur compromis à la demande transitionnelle énergétique. Il est pour ce faire donc pratiquement exonéré de certains malus et taxes écologiques qui en revanche continuent de peser lourdement sur les factures du fioul et du charbon. De moins en moins attractifs, ceux-ci ont commencé à être délaissés par des groupes de pays au rang desquels figurent de grands consommateurs de ressources fossiles dont certains sont en passe de les exclure de leurs patrimoines énergétiques et industriels.
Malencontreusement, cette ruée vers la ressource gazière bute sur des contraintes structurelles d’approvisionnement et contribue à entretenir l’envolée des prix du gaz sur les places de marché internationales. En solution, des pays ont entrepris de revenir vers le fioul et le charbon sauf qu’entre-temps, leurs cours ont bondi sur une tendance très haussière causée par ce besoin nouveau. En somme, qu’il s’agisse du gaz, du fioul ou du charbon, la demande mondiale s’emballe tandis que les mêmes contraintes d’approvisionnement sont persistantes. Elles limitent l’accessibilité à l’offre et tirent inexorablement les prix vers le haut.
Cette cherté de l’énergie a fini par engendrer une fracture énergétique ayant nettement coupé le monde en deux blocs.
D’une part donc, les groupes de pays qui peuvent supporter les enchères et payer pour être approvisionnés en priorité, quel que soit le prix du marché. Et d’autre part, la tranche plus vulnérable de ceux qui n’ont pas les moyens de suivre la rudesse des coûts de l’électricité, du carburant, du transport, etc. et qui voient leurs ménages et leurs industries en être impactés. Le coût élevé du fioul maritime et le durcissement des directives écologiques, etc. conduisent à une raréfaction de certaines flottes marchandes et une hausse des prix du fret maritime par conséquent. Aux cas extrêmes, des pénuries de denrées de consommation et autres matières premières importées sont relevées tandis que des emplois se trouvent être menacés.
Partis donc d’une bonne intention transitionnelle privilégiant le gaz, l’on se retrouve à bouleverser l’équilibre énergétique mondiale au travers de cette crise.
L’Afrique ne semble pas en subir les effets directs pour la simple et bonne raison qu’à la base, le continent est très peu « énergétivore ». Mais ce n’est qu’une illusion car les effets indirects sont bien perceptibles.
Nul ne se doit de croire en être épargné. Bien comprendre ce qu’il se passe donc permet de demeurer attentifs, en tirer des enseignements et envisager des plans d’actions appropriés.
En l’occurrence, l’imposition systématique de multiples taxes écologiques sur les intrants et produits pétroliers n’est pas tant efficace que ça vu qu’en fin de compte, toute hausse de prix est répercutée au consommateur final. En clair, ce n’est certainement pas par ce mécanisme que l’objectif de dissuasion fossile escompté sera efficacement atteint. Il importe plutôt de veiller à ce que les initiatives en faveur de la transition énergétique soient réalistes et surtout menées avec davantage de concertations entre les groupes de pays.
Chacun allant de sa propre compréhension de ce qu’est la cible bas-carbone, l’on n’aboutit qu’à des plans transitionnels énergétiques à risques et surtout diversement interprétés.
L’évitement de telles détresses appelle alors chaque pays à se donner les moyens pour arriver à une réelle autosuffisance énergétique. Cela passe par une nécessaire diversification des différentes ressources à utiliser dans une perspective de développement durable. A cet effet, l’Afrique a quant à elle encore besoin de ses ressources fossiles pour se développer sereinement et assurer sa couverture énergétique.
Il y a lieu donc d’agir avec parcimonie et garder en esprit que le remplacement d’une ressource énergétique par une autre, nécessite au préalable de s’assurer que la nouvelle ressource de substitution est largement accessible et au moins capable de fournir la puissance totale produite par celle que l’on abandonne. Ainsi, si le gaz doit être l’alternative idoine, il convient de s’assurer qu’il ne soit pas crisogène, idem pour la palette d’offres des énergies renouvelables.
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