Nous avions tous cru, après l’effervescence des années 1990, que l’ère des coups d’Etats était révolue. Surtout dans notre région ouest-africaine, qui regardait un peu de haut l’Afrique centrale que nous considérions comme en retard sur le chemin de la démocratisation et de l’intégration.
Mais hélas ! Cela a commencé d’abord avec nous, Côte d’Ivoire, en 1999, juste quelques jours avant l’an 2000, puis cela a continué en Guinée avec Dadis Camara. Le Mali a pris par la suite le relais en renversant Amadou Toumani Touré dit ATT, à quelques mois de la fin de son mandat qu’il n’envisageait pas de renouveler. La Guinée Bissau a suivi, avec l’assassinat du président. Il faut dire que dans ce pays, une tradition s’est installée qui veut que les présidents finissent toujours assassinés ou renversés par un coup d’Etat.
Puis ce fut à nouveau le Mali qui dans la foulée doubla la mise, en faisant un coup d’Etat dans son propre coup d’Etat, ensuite à nouveau la Guinée, et maintenant le Burkina Faso. Pays qui, il y a quelques années, avait fait tomber le tout puissant Blaise Compaoré qui régnait sur le pays depuis vingt-sept ans.
Visiblement les sanctions prises par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) contre la Guinée et le Mali n’ont eu aucun effet dissuasif sur les militaires burkinabé. Il est aussi vrai que chaque pays a ses propres réalités et l’on savait la situation très tendue au Burkina Faso depuis la mort des 53 gendarmes à Inata.
L’on avait alors découvert que les gendarmes envoyés au front contre les djihadistes qui sèment la terreur dans le pays depuis quelques années manquaient même de nourriture, et étaient obligés d’aller chasser eux-mêmes pour pouvoir se nourrir. L’opinion était d’autant plus choquée que dans le même temps des rumeurs de corruption de plusieurs proches du pouvoir circulaient.
Il était aussi reproché au Président du Faso de ne pas faire preuve de compassion envers les soldats blessés et les proches de ceux qui sont morts au front, en leur rendant simplement visite, et la foule s’était étouffée de colère lorsqu’elle avait découvert que les tombes creusées pour les gendarmes morts à Inata étaient trop petites.
Le fossé s’est alors creusé progressivement entre le pouvoir et une partie de plus en plus importante de son armée et de la population. Les manifestations de l’opposition ont été par la suite interdites et les communications restreintes. Il y a deux semaines, un officier du nom de Emmanuel Zoungrana avait été arrêté parce que soupçonné d’être en train de préparer un putsch. Lorsque le coup d’Etat est finalement intervenu le lundi dernier, de nombreux observateurs de la scène politique burkinabé se sont montrés peu surpris.
Que va-t-il se passer maintenant ? Faut-il craindre l’effet de contagion ? Sans doute que certains en rêvent dans des pays voisins du Burkina Faso en fumant un cigare, et surtout, en comptant sur un certain petit gros pour le faire. Mais, nous l’avons dit, chaque pays a ses réalités. Le Mali et le Burkina Faso étaient gangrénés par le terrorisme et les populations reprochaient à leurs gouvernements de ne pas faire ce qu’il fallait pour en venir à bout. Et surtout, les populations reprochaient aux entourages des chefs d’Etat de profiter de la situation pour s’en mettre plein les poches. Concernant le Mali, l’on n’a pas vu beaucoup de progrès dans la lutte contre le terrorisme depuis que les militaires ont arraché le pouvoir au défunt président IBK, mais plutôt une lutte pour occuper les postes les plus « juteux » et rester le plus longtemps au pouvoir.
Espérons que les militaires burkinabé qui viennent de prendre à leur tour le pouvoir dans leur pays sauront résister à ses délices pour se consacrer à ce qui a motivé leur coup d’Etat. L’histoire, et surtout leur peuple les regardent. Le reste de l’Afrique aussi. Pour le moment ils sont applaudis par la rue qui fonde beaucoup d’espoir en eux. Qu’ils sachent que la même rue acclamait le président Roch Marc Christian Kaboré il y a peu. Il avait même été réélu président de la république dans la liesse populaire. Qu’ils aient en tête la chanson de notre « phoulosophe » Alpha Blondy, « Vive le président ! A bas le président ! Vive le général ! A bas le Général ! ».
Quant à la CEDEAO, fidèle à ses principes, elle n’a pas manqué de condamner le coup d’Etat et elle prendra certainement des sanctions contre le Burkina Faso, ce qui accentuera le fossé entre l’organisation et une partie de l’opinion africaine. Que la France de son côté fasse un effort pour ne pas se mêler trop ouvertement de cette transition qui va s’ouvrir au Burkina Faso par des propos tapageurs qui risquent de lui mettre définitivement à dos une autre partie de l’opinion publique africaine. Ce qui crée le malaise entre la France et une partie de la jeunesse africaine, est ce sentiment que tout ce qui se passe dans nos pays ces temps-ci est téléguidé par la France.
Pour le reste, la population burkinabé aura le temps de déchanter toute seule. Si elle avait de la mémoire, elle saurait déjà que nos révolutions se terminent toujours par des gueules de bois.
Par Venance Konan
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