La Côte-d’Ivoire a-t-elle fait un « faux calcul » en permettant l’installation de Wave ?

Beaucoup considèrent la venue de Wave comme une bénédiction pour l’économie ivoirienne. Pourtant quand on prend en compte des aspects autre que les prix, on peut en douter.

Après l’euphorie, la question de l’impact réel de Wave sur l’économie ivoirienne doit être mise sur la table. La baisse du coût des transactions qui a été constatée est à priori bénéfique aux populations. Malheureusement les choses ne s’arrêtent pas à ce niveau. Il y a d’importantes conséquences au niveau du secteur du mobile money, qui visiblement n’ont pas été anticipées par les autorités. Lorsqu’on les met dans la balance, on est amené à se demander si le gouvernement ivoirien a vraiment été inspiré en permettant à Wave de prendre pied dans l’économie.

Tout d’abord le taux de 1 % adopté par tous les opérateurs, fait du mobile money une activité non rentable pour les petites échoppes qui avaient fleuri dans les communes populaires (Koumassi, Yopougon, Abobo……) Ce taux ne crée pas une marge suffisante pour le maintien des emplois. Il y a une précarisation de ces emplois, ils ne sont plus viables, ils ne permettent plus aux jeunes de réellement se prendre en charge. Plus de 22 000 personnes sont affectées rien que dans le district d’Abidjan. Aujourd’hui ce sont les structures qui font les transferts nationaux et internationaux, qui ont pu se maintenir, et là encore en réduisant le salaire des jeunes, ou en se séparant d’une partie du personnel. Bref aujourd’hui, une échoppe de mobile money ne nourrit plus son homme.

Au niveau des divisions mobile money des trois opérateurs qui étaient sur le marché avant l’arrivée de Wave, l’ambiance est aussi morose, la problématique restant la même. La perte de parts de marché (au profit du nouveau venu) se superpose à une baisse du prix pratiqué. Conséquence, une chute drastique des recettes qui pose le problème du maintien des emplois dans ces divisions. Wave a cassé la dynamique de croissance des trois opérateurs présents avant elle. Ne perdons pas de vue que ce sont des entreprises qui effectuent d’importants investissements chaque année.

En règle générale, la baisse du prix d’un produit se traduit par une hausse de sa consommation. Mais les transferts d’argent n’obéissent pas à ce schéma du fait du trop grand écart entre le montant transféré et les coûts. Un individu qui par exemple envoie chaque mois 50 000 francs à ses parents, sur lesquels il payait auparavant 1 500 francs de frais, n’a à priori aucune raison d’augmenter cette somme parce que les frais sont désormais passés à 500 francs. Ainsi la baisse des coûts ne va pas induire une hausse du volume de ces transferts, contrairement à ce que certains économistes avaient prédit. Même si les frais devenaient nuls, le volume des transferts ne s’envolerait pas.

Conséquence, le chiffre d’affaires global du secteur du mobile money, en d’autres termes la contribution du mobile money au PIB va accuser un recul du fait de la baisse des coûts des transactions, non compensée par une hausse de leur volume. Conjuguée à la précarisation des emplois dans le secteur, on peut le dire, Wave tire l’économie ivoirienne vers le bas. Aujourd’hui derrière un dynamisme apparent, le secteur du mobile money est totalement sinistré. Wave est une plate-forme, elle n’a pas d’infrastructures à entretenir contrairement aux trois autres opérateurs. Normal qu’elle propose des prix bas et oblige les autres à suivre.

Mais ce faisant elle leur fait courir un risque. Un prix bas peut satisfaire la population, mais menacer toute la filière d’un produit. Derrière les prix, il y a les emplois, il y a les profits dégagés par le secteur et sa croissance, il y a les taxes. Il ne faut pas perdre tous ces enjeux de vue. En 2007, une boulangerie du côté de Koumassi, grâce à un processus de fabrication du pain entièrement automatisé, vendait les baguettes à 100 francs au lieu de 150 francs. Les syndicats de la corporation ont alerté les autorités en mettant dans la balance les dizaines de milliers d’emplois qui étaient menacés si toutes les boulangeries adoptaient ce tarif. Finalement les autorités ont contraint cette boulangerie à vendre la baguette à 150. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque.

Dans la bataille pour l’emploi et la croissance, il faut ne faut pas perdre de vue que ce sont les entreprises qui créent les emplois et la richesse. On se focalise très souvent sur le consommateur qu’on veut absolument protéger. Des prix bas participent à la baisse du coût de la vie, mais peuvent constituer une menace pour les entreprises. Nous exhortons nos autorités à s’en souvenir. Il se dit que Wave est en discussion pour un agrément dans la téléphonie mobile. Il est à espérer que cette fois les autorités ivoiriennes feront preuve de discernement.

Douglas Mountain Le Cercle des Réflexions Libérales / oceanpremier4@gmail.com

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