Mamadou Aliou Diallo
Fin octobre, à la suite des sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) contre le Mali, puis la Guinée, où sont intervenus des putschs militaires, nous nous interrogions sur la naissance éventuelle d’un nouvel axe du « nationalisme africain d’autodétermination » impulsé par les deux pays voisins. Avec les sanctions infligées par l’organisation régionale à la suite du sommet extraordinaire du 9 janvier 2022 à Accra (Ghana), notamment les lourdes sanctions jugées « disproportionnées » infligées contre Bamako, et la réaction « nationaliste » et « ferme » des autorités maliennes soutenues par la Guinée, nos interrogations semblent de plus en plus se confirmer.
On assiste à un réveil et c’est une nouvelle page de l’histoire qui va s’écrire en Afrique de l’Ouest.
Le Colonel Mamady Doumbouya réaffirme son soutien panafricain au Colonel Assimi Goita et au Peuple malien . Les frontières entre la Guinée et le Mali resteront ouvertes . pic.twitter.com/U6WVmdMsRm
— Fenelon MASSALA (@rfemassala) January 10, 2022
La Guinée qui se trouve dans la même situation, membre de la Cédéao, n’entend pas lâcher son voisin. Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya l’a fait savoir sans détour ce lundi 10 janvier. « Les frontières terrestres, aériennes et maritimes de la Guinée resteront ouvertes au Mali », ont en substance annoncé ce jour les autorités guinéennes. Le pays n’ayant pas été associé aux décisions prises à Accra.
La Cédéao a-t-elle omis ce détail ? La Guinée, malgré son statut de pays membre de l’organisation sous-régionale, et étant suspendue de ses instances, n’a logiquement pas été associée aux décisions finales du sommet extraordinaire du 9 janvier sur le Mali et par conséquent, ne se sent nullement engagée par les sanctions prises par contre son voisin. Mais qu’on se le tienne pour fait, le Mali et la Guinée sont dirigés respectivement par les colonels Goïta et Doumbouya. Deux dirigeants qui sont dans une logique de fermeté intransigeante par rapport aux conditions de la transition dans leurs pays respectifs, soutenus en cela par leurs peuples.
Par ailleurs, beaucoup d’observateurs s’interrogent encore sur cette avalanche de sanctions qui s’est déferlée sur le Mali et l’opportunité de mettre en branle toutes ces batteries de mesures politiques et économiques contraignantes qui concourent plus à asphyxier l’économie malienne et par ricochet, à provoquer une nouvelle crise sociopolitique et économique, qu’à accompagner diplomatiquement le pays pour une transition pacifique réussie. Le Mali est-il entrain de payer son rapprochement militaire avec la Russie avec en toile de fond les accusations de collaboration avec les « instructeurs » russes de Wagner ? La question mérite tout son pesant d’or.
L’on assiste peut-être au début du déclin du leadership de la Cédéao, les chefs d’État ayant résolument pris le risque de conforter l’opinion publique africaine sur son sentiment anti-Cédéao, renforcé par ses prises de décisions qui l’ont fait plus passer pour une Cédéao des chefs d’État qui agit pour les intérêts des puissances occidentales, « impérialistes », que celle des peuples africains qu’elle est censée défendre. Quelle que soit l’issue de ce bras de fer Mali-Guinée vs Cédéao, elle fera tâche d’huile et représentera un antécédent jugé dangereux pour la crédibilité et l’avenir des organisations sous-régionales et régionales en Afrique.
La Guinée et le Mali qui incarnent irrémédiablement ce nouvel ordre africain, à travers l’impulsion d’un nationalisme d’autodétermination des peuples africains, tiendront-ils jusqu’au bout le rapport de force ?
Le port de Conakry n’en demandait pas tant. Une perte énorme pour le PAA. L’art de se tirer une balle dans le pied, en beauté…