À travers l’Ong CPS Afrique (Les Communicateurs pour la paix et la stabilité en Afrique), des acteurs de la société civile ivoirienne et africaine réagissent à la question de l’exploitation du bois de Lingué, au dessus du 8eme parallèle en Côte d’Ivoire. Monsieur Koukougnon, représentant ce collectif d’ONG, apporte en effet des réponses à des questions suite à des écrits sur le ministre Alain Richard Donwahi.
Que se passe-t-il au niveau de la gestion des forêts ivoiriennes ? Y’a t’il une opération délibérément frauduleuse, délictueuse et même criminelle de la part de certains agents de l’État en service aux Eaux et forêts, en complicité avec des acteurs et opérateurs du secteur ? Face donc à cette problématique, Monsieur Koukougnon était face à la presse pour répondre à des questions des journalistes. Ci-dessous de larges extraits des échanges.
Question : Le ministre des Eaux et forêts a-t-il été entendu par le pôle économique et financier sur l’affaire du pillage du bois de Lingué ?
Réponse de Monsieur Koukougnon :
Selon nos sources sur la question, le ministre des Eaux et forêts, Alain Richard Donwahi, n’a pas été entendu au stade actuel des investigations.
Toutefois, nous pensons que si le gouvernement estime qu’il doit être entendu et autorise à cet effet une audition à la demande de la justice, le ministre Donwahi ne compte pas se dérober. Le ministre Alain Richard Donwahi a une carrière exemplaire. Il a été toujours au-dessus de tout soupçon. Ce n’est pas à son âge, et à la position actuelle qu’il occupe actuellement, qu’il va gâter son nom. Nous pensons qu’il y’a une nécessaire distinction à faire entre les notions de responsabilité politique, de responsabilité administrative et morale, et surtout celle de la responsabilité pénale qui est individuelle. La responsabilité pénale est individuelle, et elle est imputable seulement à celui qui a commis un fait délictuel ou criminel. Sur cet aspect, nous sommes encore très loin de cela, s’agissant du ministre. Très loin même. Nous pensons qu’il n’est pas possible ni acceptable d’imputer au ministre des Eaux et forêts des agissements de tiers, et surtout les déclarations de suspects qui pensent pouvoir être protégés ou qui pensent pouvoir échapper à la justice en mettant en cause d’autres responsables. Il y’a lieu d’être prudent dans cette affaire. C’est pour cela que nous saluons le sens de la responsabilité du gouvernement, notamment le Président de la République, ainsi que le Premier ministre.
Le Chef de Cabinet du ministre a-t-il été interpellé et entendu dans le cadre de cette affaire?
Merci de votre question. À notre connaissance, Monsieur le chef de cabinet du ministre n’a pas été interpellé ni entendu dans l’affaire au stade actuel de l’enquête.
Le chef de cabinet doit-il sa liberté actuelle à son statut d’ancien Préfet ?
Selon les informations disponibles, cette situation n’a rien à voir avec son statut d’ancien préfet. D’ailleurs, c’est maintenant que nous apprenons qu’il s’agit d’un ancien préfet. À vous entendre, le chef de cabinet ne doit pas être libre. Vous êtes dans une présomption de culpabilité absolue ! Mais est-ce que l’affaire a été jugée. Il est chef de cabinet, il a une garantie de représentation. Pourquoi voulez-vous qu’il soit arrêté, alors qu’il n’a pas été jugé, et qu’aucun juge n’a prononcé de décision ? S’il est libre, cela n’a rien à voir avec un quelconque statut, c’est au nom de la présomption d’innocence.
Une procédure pour une levée de cette immunité est-elle en cours auprès de la Cour de cassation ?
Nous n’avons reçu aucune information sur la question. En tout état de cause, aucune immunité ne saurait prospérer dans l’affaire en question. Le ministre Alain Richard Donwahi n’a rien à cacher, il n’a personne à protéger. Le gouvernement n’a rien à cacher. L’État est un ensemble avec tous ses démembrements. Si l’État voulait cacher des choses, les enquêtes préliminaires de la gendarmerie ne seraient pas allées à leur terme. Le ministre et le gouvernement n’ont pas à protéger quiconque, ni à faire entraves aux enquêtes en cours.
5 – Quels sont les rapports du ministre avec le nommé Lakiss ? Est-il l’un de ses proches ?
Nous n’avons pas pu avoir de réponses précises sur cette question en dehors d’un sentiment général, valable pour tout le monde. En effet, je peux simplement vous dire que les ministres ici ou ailleurs rencontrent et connaissent du monde, ils rencontrent beaucoup de personnes. S’agissant de sa relation précise avec Monsieur Lakiss, je pense qu’il y’a lieu de ne pas divulguer pour le moment sur la place publique, une information qui peut être utile dans le déroulement de l’enquête. Il n’y a pas lieu de tout déballer maintenant, pour montrer que le ministre est au dessus de tout soupçon. Au-delà de l’opinion publique, de la bataille de l’opinion publique, c’est à la justice et au gouvernement, au chef de l’État, au Premier ministre, de trancher chacun à son niveau : judiciaire, politique et administratif. Certaines informations doivent être réservées à ces instances, en refusant de céder aux pressions médiatiques et à des opérations qui ressemblent à un dénigrement de la part de certaines personnes. Nous saluons les enquêtes des journalistes, ainsi que la bonne foi présumée des journalistes. Cependant nous en appelions à la vigilance, dans la mise en cause des citoyens. Nous rappelons à cet effet, les propos récents tenus par Monsieur le Procureur de la République, à une conférence sur la présomption d’innocence, et sur la nécessité pour l’opinion publique, ainsi que les professionnels de la communication, de ne pas accuser en l’absence de preuves inattaquables.
6 – Existe-t-il une autorisation de ramassage de bois de Lingué signée du Chef de Cabinet ?
Merci de votre question. Nous pensons au sein de notre collectif , que c’est l’enquête qui doit établir cela avec une certitude absolue, en s’assurant qu’il ne s’agit pas de documents faux et contrefaits. Le témoignage de la personne sera assurément sollicité par la justice, le moment venu pour s’en assurer. Je pourrais vous dire d’emblée qu’il n’en est rien, mais je propose qu’on laisse la justice faire son travail sans pression.
7- Existe-t-il une autorisation d’exploitation valide pour une zone située au-dessus du 8e parallèle ?
Quand vous posez ces questions, cela signifie que vous n’êtes pas certains de la réalité. Nous proposons donc qu’il faut établir cela au cours de l’enquête. Il ne faut pas se précipiter pour donner des réponses, pour accuser et mettre en cause, sans être sûr de l’effectivité et de l’authenticité des documents qui circulent. Vous savez tout reste possible. Il ne faut rien exclure, sans s’être assuré d’une exactitude indiscutable de tous les faits allégués et des accusations sur la question.
8- Lors de son audition, le Daaf a déclaré n’avoir pas reçu les produits des amendes ni de la Police Forestière, ni de la Bssi. Qu’est-il advenu des produits de ces amendes ?
Messieurs les journalistes, il faut savoir exactement ce que le Daaf a dit et dans quel contexte, il l’a dit. Est-ce cela seulement qu’il faut retenir dans ce que le Daaf a dit dans son audition, selon vous ? Nous avons besoin d’en savoir davantage. Les éléments de l’audition sont destinés à la justice, et non à la divulgation. Il y’a le secret de l’instruction. Nous ne sommes pas des avocats. Même un avocat, ne peut pas donner tous les éléments précis à vos interrogations, en dehors d’une mise en cause par le Procureur de la République, ou par la justice.
9- Est-il possible d’obtenir les statistiques des actions menées et des amendes de la Police forestière et de la Bssi ?
Nous aurons l’occasion d’en reparler. Le ministère a réalisé un excellent travail sous le contrôle du gouvernement. Le bilan du ministre Alain Richard Donwahi et du gouvernement, est éloquent sur la question.
10- Est-il exact que des mains-levées étaient régulièrement fournies pour les camions transportant du bois de Lingué contre une somme de 30 millions Fcfa tous les 4 mois ?
Je peux dire que c’est inexact jusqu’à la production de preuves indubitables. Nous devons être prudents dans les accusations, dans les affirmations, et je vous remercie pour ces questions, qui donnent l’occasion de la preuve de la bonne ou mauvaise gouvernance.
11- Est-il exact que ces mains-levées étaient issues directement du Cabinet du Ministre ?
J’aime bien ces questions. Elles ne sont pas des accusations. Elles méritent de la prudence et de la retenue par rapport à tout ce qui se dit. Une enquête judiciaire, ce n’est pas des conclusions hâtives, des spéculations. Une enquête judiciaire, c’est des aveux ou bien des preuves indiscutables. Vos questions sont des questions des sachants qui ont bien regardé, et qui veulent comprendre au-delà des enquêtes préliminaires un certain nombre de choses. Pour vous chers journalistes qui avez bien regardé de près le dossier, cela montre bien que ce n’est pas aussi évident que ça d’accuser.
12- Est-il exact que des Chinois interpellés ont détaillé tous les coûts payés à différents échelons pour garantir un transport apaisé du bois de Lingué ?
Ah bon ! Des personnes aux mains de la justice qui disent des choses pour accuser, mais qui reconnaissent en même temps leur culpabilité, de ce fait en réalité. Ils devraient se contenter de reconnaître leur culpabilité et solliciter éventuellement la clémence de la justice – si ce que vous évoquez est exact – au lieu de citer des complices présumés contre lesquels ils ne peuvent pas disposer de preuves ou de document pouvant confondre. Comment corroborer et prouver les détails donnés sur les coûts payés ça et là ? Je ne sais pas si c’est exact qu’il y’a des détails, mais je souhaite connaître davantage cette opération qui consiste à donner de l’argent sans prendre des précautions minimales. Il faut enseigner les bonnes pratiques à un fraudeur, et aux opérateurs économiques pour mieux se protéger. Le corrompu présumé et le corrupteur présumé, sont coupables au même degré. La normalisation de notre société ne doit pas se faire avec de demi-mesures. Quand on fait des aveux, cela n’est pas utile d’en rajouter en accusant les tiers, sans documents à même de confondre les mis en cause.
13- Est-il exact que ces mêmes Chinois ont déclaré payer 500 000 FCFA par camion auprès d’un Directeur régional et/ou d’un chef de cantonnement ?
Vous demandez si c’est exact que des Chinois ont déclaré ceci. À ce stade je voulais conseiller d’éviter la stigmatisation. Vous avez un confrère qui a déjà parlé de Chinois. Nous pouvons parler de fraudeurs présumés, sans dire qu’ils sont des Chinois, ou des Libanais, ou des Ivoiriens. C’est important d’éviter ce genre de choses. Il peut être exact qu’ils aient déclaré cela. Mais est-ce exact qu’ils l’ont fait effectivement ? That’is the question ! Je vous renvoie toujours à l’enquête.
14- Le Cabinet du ministre avait-il connaissances de ces pratiques ?
Nous ne sommes pas les porte-parole du ministre. Nous sommes des citoyens et une ONG qui s’occupe des questions citoyennes et de gouvernance. À ce titre, nous pouvons dire que le cabinet a connaissance de ce que des gens essaient depuis toujours de contourner la réglementation. Le cabinet a essayé de prendre des mesures contre cela. Des unités de surveillance ont été renforcées. Le cabinet n’a pas connaissance d’autres choses que la conscience de faire le travail. Le ministère des Eaux et forêts fait son travail.
15- Est-il exact que, lors de son audition, le Directeur de Cabinet a été très choqué lorsque le document « autorisation de ramassage », signé du Chef de Cabinet, lui a été présenté ?
Nous ne sommes pas en mesure de confirmer cette information. Le directeur de cabinet est un homme rigoureux. Il est également rompu aux bons usages. Tous les témoignages le concernant dans ce sens tendent à dire que le directeur de cabinet est au dessus de tout soupçon. Comment dans ces conditions, avec un directeur de cabinet aussi pointilleux et rigoureux, le ministre Alain Richard Donwahi peut-il être au dessous de la norme en matière d’intégrité et d’éthique ?
16- Est-il dans les attributions du Chef de Cabinet de signer un tel document ?
J’ai déjà demandé d’authentifier les documents à charge ou à décharge, d’auditer ces documents pour vérifier leur traçabilité, leur enregistrement et bien d’autres choses. Je voudrais terminer en proposant un système pour enregistrer et authentifier les documents administratifs en général, les lettres des cabinets ministériels, et même les arrêtés des ministres. Il y’a souvent un désordre et des dérapages auxquels il faut profiter pour mettre fin, dans le cadre de cette affaire. Les messages par téléphone, les cahiers de note sur des remises d’argent et autres affirmations ne suffisent pas pour établir des preuves de complicité ou d’implication d’une autorité, d’un agent de l’État dans des transactions délictueuses. Ceux dont la culpabilité est établie sont sous contrôle judiciaire. Personne n’échappera à la justice. Toutefois à ce stade, il n’est pas juste de mettre en cause le ministre Alain Ridhard Donwahi dont la probité au cours de son parcours est connue des Ivoiriens. Ce cadre émérite a géré des dossiers importants, et des ressources importantes de la Côte d’Ivoire. Il s’est toujours montré à la hauteur et digne de confiance. Enfin, ce n’est pas la première fois qu’il est l’objet d’écrits faisant état de mal gouvernance. Alors qu’il était à la Défense, les mêmes affirmations avaient été faites. Il avait été même question d’audit le concernant, alors qu’il n’en était rien. Nous faisons confiance à l’homme. Mesdames et messieurs les journalistes, je voudrais sincèrement vous remercier pour avoir accepté cet échange avec nous sur la question. Merci également pour la pertinence de vos questions.
Source : Cellule communication CPS Afrique
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