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Le gouvernement de Côte d’Ivoire a lancé par le truchement du ministère du Plan et du Développement le 5eme Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH), depuis le lundi 8 novembre 2021. Il s’est fixé pour objectif de réaliser l’opération du lundi 8 au dimanche 28 novembre, soit un délai de trois semaines. Trois semaines pour savoir, combien de personnes vivent sur le territoire ivoirien et dans combien d’habitation. Et cela, en vue de permettre à l’Etat de disposer des moindres informations relatives aux besoins, secteur par secteur de la vie des habitants du pays. Ce qui, du reste, permettra au gouvernement d’exécuter plus efficacement, le Plan national de développement (Pnd) en cours, et de mieux préparer le Pnd 2026-2030.
Mais, l’opération pourra-t-elle tenir dans le délai imparti par le gouvernement ? La question a tout son sens. D’autant plus qu’entre les prévisions du gouvernement et la réalité du terrain, il y a un fossé. à combler dans les plus brefs délais, pour une réussite de l’opération.
Raisons politiques
Onze jours après le démarrage du RGHP, il se trouve, selon trois agents avec qui nous avons échangé le vendredi 19 novembre à proximité des lycées modernes 1 et 2 d’Abobo, que des recenseurs n’avaient toujours pas encore reçu leur ordre de mission. Or, il se trouve que l’agent, avant de recenser un ménage, doit présenter non seulement son badge, mais aussi, son sac estampillé du logo de l’Institut national de la statistique (INS), et également son ordre de mission. Certaines personnes peuvent prétexter de cette situation pour refouler les agents recenseurs. Par conséquent, il faudrait que les ordres de mission soient remis aux agents au moment où ils doivent commencer le travail…
Manque de communication
La réalité sur le terrain donne aussi à constater qu’il ne suffit pas toujours d’avoir toutes les pièces afférentes à sa mission, pour être à l’abri des difficultés. La plupart des agents rencontrés, affirment s’être heurtés de manière récurrente, au refus de plusieurs personnes de se faire recenser, pour des motifs politiques, dans nombre de cas. Selon nos trois interlocuteurs et bien d’autres agents, des personnes ont clairement signifié qu’elles ne se sentent pas concernées par l’opération. Pour ces dernières, ce recensement ne concerne que les tenants du pouvoir et leurs partisans. Par conséquent, elles ne jugent pas nécessaire de se faire recenser. « Certaines personnes au sein des ménages pensent que le recensement est une affaire de politique ou d’un parti politique. Aussi nous refoulent-elles, en nous demandant d’aller voir nos mandants, pour qu’ils recensent leurs partisans », révèle en substance Fétigué, l’un des agents de la zone d’Agbekoi, un quartier de la commune d’Abobo. Il avoue que plusieurs habitants du quartier ont renvoyé les agents recenseurs. Pour surmonter l’obstacle ainsi dressé, la hiérarchie de Fétigué a pris attache avec la chefferie d’Agbekoi. Celle-ci à son tour a fait appel aux guides religieux, aux chefs de communautés, ainsi qu’à des leaders d’opinion du village. Ces entités ont concomitamment mené des actions de sensibilisation auprès des populations. C’est à la suite de ces actions que, le recensement, affirme Fetigué, a repris comme souhaité. Il en déduit que, c’est certainement le manque de communication qui explique les réticences constatées dans certains ménages.
Au regard de ce fait, un autre agent recenseur propose que l’accent soit mis sur la communication. Celle-ci permettra de mieux expliquer les tenants et aboutissants du projet. Car, selon le constat qu’il a fait dans sa zone d’intervention, qui se trouve dans la périphérie du carrefour Chibrou, à Abobo, il y a des personnes qui sont totalement réfractaires à l’opération, par ce qu’entretenant de simples préjugés à propos ou ignorant tout, des raisons réelles de l’opération. Des fidèles de certaines mosquées lui ont opposé un refus voilé. « On m’a indiqué dans les moindres détails les noms et l’emplacement de certaines mosquées du coin. Sur place, les fidèles m’ont dit qu’il ne s’agit pas de leurs mosquées. Ils ont refusé de me recevoir pour le recensement », indique Aka. Il dit avoir été aussi surpris quand une personne lui a laissé entendre que, l’objectif inavoué du recensement est de tracer toutes les personnes qui se feront recenser.
Joint au téléphone, un agent recenseur affecté dans la localité de Hiré, une ville située dans le département de Divo, dit avoir été aussi confronté à des problèmes, toujours pour des raisons politiques, qui en vérité n’ont pas lieu d’être. L’un des motifs avancés pour bouder le RGPH, est que les tenants du pouvoir n’auraient pas mené d’actions pour la réhabilitation des voies de la localité. Selon eux, les routes seraient dans un piteux état. Ils reprochent également aux gouvernants de n’avoir rien fait pour leur trouver des emplois au sein de la mine qui exploite de l’or dans la localité.
Horaires des travaux champêtres
Il y a aussi le fait que dans cette ville, la plupart des habitants sont des planteurs. Ils sortent tôt le matin pour les travaux champêtres, et ne rentrent que le soir à partir de 18 heures. Les agents sont alors obligés de faire le pied de grue, pour les interroger soit à 6 heures du matin, soit à partir de 18 heures à leur retour des champs.
Quoique confronté à toutes ces difficultés, notre informateur à Hiré n’envie pas ceux qui exercent dans les villages reculés, car les moyens de locomotion et l’électricité leur font défaut. Ce qui par ailleurs, pourrait aussi ralentir l’opération, est le temps mis pour l’enrôlement des ménages. Le temps mis pour le recueil des informations, est aussi un facteur déterminant pour le respect du délai que le gouvernement s’est fixé. En effet, il a été demandé aux agents recenseurs de poser en seulement trente minutes, la soixantaine de questions qu’ils ont à poser aux ménages. «Ce qui du reste, n’est pas réalisable quand l’agent a affaire à des personnes qui ne sont pas assez instruites » estiment nos informateurs. Par contre si la personne interrogée est instruite, alors les choses vont vite, fait remarquer Fetigué. Dans ce cas, la soixantaine de questions peut être bouclée entre 10 à 15 minutes. Chaque agent est tenu de recenser en moyenne 62 personnes par jour. Toujours pour le respect du temps initialement imparti pour la durée de ce recensement, Aka précise qu’il est demandé aux agents qui sont déployés dans les zones qui ne sont pas assez sécurisées, de recueillir les informations dans un cahier. Afin de les enregistrer par la suite dans leur tablette.
Les assurances de Nialé Kaba
La ministre du Plan et du Développement, Nialé Kaba, reconnaît qu’il y a des difficultés. Elle a fait part de la défection d’agents dans certaines régions, dont le remplacement a retardé la stabilisation de la liste des agents recenseurs et le paiement de leurs primes de transport, ainsi que leur mise en route. Il lui est également revenu des réticences de certains ménages et de communautés étrangères. De même Nialé Kaba signale des difficultés d’accès à certaines zones en raison de la saison pluvieuse et des moyens de déplacements limités, le refus de recevoir des agents.
Les préoccupations auxquelles les agents sont confrontés seront réglées dans les plus brefs délais, rassure la ministre : « Nous continuons de sensibiliser les ménages réticents auprès des représentations diplomatiques, des chefs religieux et autres leaders communautaires, le corps préfectoral à les amener à adhérer au projet. La quasi-totalité des primes de transport et de mise en route des agents recenseurs est payée. Les problèmes d’accessibilité sont en voie de résolution avec la mise à la disposition des recenseurs, des motos pour leurs déplacements ». Une enveloppe de 23,9 milliards de francs CFA, faut-il le souligner, a été dégagée pour le RGPH.
Junior Jeremy
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