Cour de justice de la Cedeao: Pourquoi l’Airbus A320 de Air Côte-d’Ivoire a été saisi à Bamako (Jeune-Afrique)

Lu pour vous dans Jeune Afrique

Suite à une décision de la Cour de justice de la Cedeao, un appareil exploité par la compagnie aérienne ivoirienne a
été saisi. Voici les détails de cette affaire judiciaire hors normes.

Selon nos informations, l’homme d’affaires congolo-malien Oumar
Diawara a obtenu, le 22 novembre, la saisie au Mali d’un Airbus A319
immatriculé TU- TSZ exploité par la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire.

L’opération fait suite à la décision, le 22 octobre, de la Cour de justice de la Cedeao de lui réattribuer environ 50 hectares de terrains confisqués en 2020 sur décision du tribunal de première instance d’Abidjan, ainsi que de
lui verser 1,3 milliard de francs CF A au titre de dommages et intérêts.

Situées sur les communes d’Angré, Assinie, Bingerville et Abatta, ces terres sont estimées à 15 milliards de F CFA. L’une des parcelles concernées doit accueillir un tronçon de la future autoroute Y4, qui contournera la capitale
économique. Toujours dans l’attente de l’ exécution du jugement, l’investisseur , également actif dans les secteurs du pétrole et du gaz en Afrique centrale, ainsi que du transport de produits raffinés et alimentaires dans l’hinterland ouest -africain, a décidé de saisir les avoirs de l’État ivoirien.

Marathon judiciaire

Le 19 novembre, au Mali, Oumar Diawara a obtenu devant la Cour suprême la formule exécutoire du jugement. Muni de l’arrêt de la Cedeao que Jeune Afrique a consulté, un huissier accompagné de la force publique s’est présenté le 22 novembre à l’aéroport. L’immobilisation de l’appareil du vol HF 710 en provenance d’Abidjan a été enregistrée par l’Aviation civile et l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), qui ne lui ont pas donné l’autorisation de redécoller.

Depuis quatre ans , l’homme d’ affaires est embarqué dans un véritable
marathon judiciaire en Côte d’Ivoire, durant lequel ses multiples demandes
de règlement amiable sont restées sans effet. S’estimant privé d’ un procès
équitable à Abidjan, il avait porté son dossier au niveau communautaire en
avril 2021. Dans leur arrêt, les magistrats de la Cedeao avaient reconnu
son préjudice, décrivant l’action de la juge ivoirienne Blanche Abanet
Essoh comme « clairment motivée par la partialité, les préjugés et la
mauvaise foi ».

L’affaire a débuté le 18 juillet 2017. L ’investisseur fait l’acquisition, au travers
de la société ivoirienne des dépôts douaniers (SIDD), dont il est l’unique
actionnaire, de l’entreprise immobilière Perl Invest. Celle-ci est mise en
vente par BNI Gestion, filiale de la Banque nationale d’investissement (BNI)
ivoirienne, à la demande du CREPMF , le gendarme des marchés financiers
de l’Uemoa, pour des raisons réglementaires.

Fin 2017 , Oumar Diawara constate que les actifs de Perl Invest – au départ
estimés à 100 hectares – ont été surévalués. Il met alors à jour un système
d’abus de bien social et de détournement qui aurait été orchestré par
Fatoumata Sakandé Cissé, ex -directrice générale de BNI gestion, que BNI
vient de licencier pour faute lourde. Toujours présumée innocente, elle a
néanmoins été renvoyée en juin devant le tribunal correctionnel.
L ’homme d’affaires porte plainte contre elle, mais il se retrouve également
accusé d’ escroquerie par Souleymane Cissé, le président du conseil
d’ administration de BNI, qui le soupçonne d’être impliqué dans les
détournements. Fin 2018, il est ainsi inculpé pour blanchiment et
complicité d’abus de biens sociaux, sans même être entendu. Les avoirs de
Perl Invest sont aussi gelés.

Volte-face

En mai 2019, Oumar Diawara saisit la Cour d’appel d’Abidjan. Informé du
litige, Adama Koné, alors ministre de l’Économie, tente une médiation
entre BNI gestion et le propriétaire de Perl Invest. Mais en septembre, à la
veille de la signature du protocole d’accord – alors même que les parties
semblent avoir trouvé un terrain d’entente, il est rétrogradé au poste de
ministre auprès du président de la république, chargé des affaires
économiques et financières. Son successeur, Adama Coulibaly, qui n’est
autre que son ancien directeur de cabinet, fait volte-face.

Constatant l’inaction de la Cour d’ appel, Oumar Diawara et son conseil
saisissent courant 2020 la Cour de cassation. Mais, la magistrate Blanche
Abanet Essoh, en charge de l’instruction, refuse de transmettre l’affaire au
procureur. Au mépris des procédures, elle poursuit son travail jusqu’en
septembre 2020. L ’avocate d’Oumar Diawara découvre alors un dossier
vierge de toute audition. Ni les témoins, ni les parties civile , ni Fatoumata
Sakandé Cissé, l’auteure présumée des infractions , ni son client n’ ont été
Interrogés. Elle constate aussi que les terrains de Perl Invest sont depuis
une ordonnance du 17 avril 2020 placés entre les mains de la justice.

La juge dessaisie

En octobre, les juges de la Cour de cassation décident finalement de
dessaisir la juge. Dans un courrier daté du 24 décembre 2020 et adressé à
Moussa Sefon, conseiller juridique du président de la République, Oumar
Diawara énumère ses ennuis judiciaires et se plaint de la pression exercée
par Sansan Kambilé, ministre de la Justice depuis 2016 , sur la Cour de
cassation pour annuler la décision de dessaisissement.
En février 2021, les craintes de l’accusé se révèlent fondées. La Cour de
cassation rend une décision qui autorise finalement la magistrate dessaisie
à poursuivre son travail, ce qui permet à BNI Gestion de récupérer les
terres. La décision pousse Oumar Diawara à se tourner vers la Cour de
justice de la Cedeao .

Contactée par J A, la direction d’Air Côte d’Ivoire a indiqué tout mettre en
œuvre pour libérer son appareil.

Si la saisie de l’appareil d’ Air Côte d’Ivoire à Bamako est levée sans qu’il
obtienne gain de cause, l’homme d’affaires a déjà prévu de mener d’autres
actions dans les espaces Cedeao, Uemoa, mais aussi en France. Oumar
Diawara n’en est pas à son coup d’essai. En 2004, en confit avec le Crédit
pour l’agriculture, l’industrie et le commerce à Brazzaville, il avait saisi en
France des avoirs congolais, avant d’obtenir un accord lui accordant 13
millions de dollars.

[…]

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