La chute du régime du Premier ministre Abiy serait imminente selon plusieurs renseignements. Armée démoralisée, isolement politique et diplomatique, grosses défaites militaires successives, la prise de la capitale Addis-Abeba ne serait plus qu’une question de semaines, sinon de jours selon des sources militaires. Plusieurs voix appellent désormais à retirer le Prix Nobel de la Paix octroyé au chef de guerre éthiopien en 2019. Lauréat du Prix Houphouët-Boigny de l’UNESCO pour la recherche de la Paix, Ahmed Abyi a depuis de longs mois mis ses habits de chef de guerre contre ceux de faiseur de Paix. Pour rappel le premier ministre éthiopien n’a jamais pris possession du Prix FHB Unesco 2019. (Sylvie Kouamé)
Washington sur le qui-vive
Les États-Unis ont ordonné le départ de leur personnel non essentiel de leur ambassade en Éthiopie, où les combats ont redoublé ces derniers jours entre forces gouvernementales et rebelles tigréens, qui menacent de marcher sur la capitale.
Annoncée le 6 novembre, cette décision a été prise « en raison du conflit armé, de troubles civils et de possibles pénuries », a fait savoir le département d’État américain dans un communiqué. Les jours précédents, plusieurs pays, dont l’Arabie Saoudite, la Norvège, la Suède ou encore le Danemark, ont demandé à leurs ressortissants de quitter l’Éthiopie.
Le gouvernement fédéral éthiopien, dirigé par Abiy Ahmed, est en guerre depuis un an contre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Après avoir repris la région du Tigré en juin dernier, le TPLF a progressé ces derniers mois notamment dans la région voisine de l’Amhara, où il a revendiqué la prise de deux villes stratégiques, Dessie et Kombolcha.
Le 3 novembre, le TPLF a en outre affirmé avoir atteint Kemissie, à 325 kilomètres au nord d’Addis-Abeba, où il a rejoint des combattants de l’Armée de libération oromo (OLA), groupe armé avec lequel il est allié depuis le mois d’août. Les deux organisations n’ont pas exclu de marcher ensemble sur la capitale, même si le gouvernement dément toute avancée rebelle majeure ou menace sur Addis-Abeba.
Front uni contre Abiy
Prix Nobel de la paix en 2019, Abidy Ahmed a déclaré le 6 novembre que les Éthiopiens devaient être prêts à « des sacrifices » pour « sauver » le pays. « Il y a des sacrifices à faire, mais ces sacrifices sauveront l’Éthiopie », a-t-il écrit sur Twitter, en assurant : « Nous avons plus d’alliés que ceux qui se sont tournés contre nous. »
Ces déclarations interviennent au lendemain de la création d’une alliance, bâtie autour du TPLF, entre neuf organisations rebelles issues de diverses régions et ethnies d’Éthiopie. Ce « front uni » a pour but de « renverser le régime » d’Abiy Ahmed, a déclaré Berhane Gebre-Christos, représentant du TPLF, lors de la signature de cette alliance, à Washington.
La porte-parole du Premier ministre, Billene Seyoum, a néanmoins fustigé un « discours alarmiste » sur une progression rebelle, alimenté par une « désinformation » du TPLF destinée à créer « un faux sentiment d’insécurité ».
Les deux camps restent sourds aux appels internationaux à un cessez-le-feu et à des négociations, relayés par l’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman, qui s’est rendu dans la capitale éthiopienne après avoir dénoncé « une expansion de la guerre autant prévisible qu’inacceptable ».
Le président des États-Unis Joe Biden a annoncé son intention de retirer l’Éthiopie de la liste des pays bénéficiaires de l’Agoa, loi commerciale offrant un accès privilégié au marché américain. Le Conseil de sécurité de l’ONU a pour sa part appelé « à mettre fin aux hostilités et à négocier un cessez-le-feu durable », dans une déclaration commune rare depuis le début des combats il y a un an.
Appels à la haine
Le 4 novembre 2020, Abiy Ahmed a envoyé l’armée au Tigré pour destituer les autorités régionales issues du TPLF, qui défiait son autorité depuis des mois et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires. Il a proclamé la victoire le 28 novembre suivant. Mais en juin, les combattants du TPLF ont repris l’essentiel du Tigré et poursuivi leur offensive dans les régions voisines de l’Afar et de l’Amhara.
Les combats, qui ont fait des milliers morts et des centaines de milliers de déplacés, ont plongé le nord du pays dans une grave crise humanitaire. Selon l’ONU, au moins 400 000 personnes sont au bord de la famine au Tigré, où aucune aide n’a pu parvenir depuis le 18 octobre.
Ce conflit a également exacerbé les rivalités ethniques, notamment sur les réseaux sociaux où essaiment les discours guerriers et les appels à la haine. Twitter a annoncé, le 6 novembre, avoir « temporairement désactivé » en Éthiopie sa rubrique « Tendances », qui regroupe les tweets les plus viraux sur un sujet, en raison de « la menace imminente d’atteintes physiques ».
Deux jours avant, c’est Meta, la société-mère de Facebook, qui avait indiqué avoir supprimé un message d’Abiy Ahmed appelant à « enterrer » le TPLF.
Par Jeune Afrique avec AFP
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