De temps à autre, son nom surgit dans le débat politique, et certains se prennent à rêver, surtout au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), où l’on est à la recherche de l’oiseau rare, ou plutôt de l’homme providentiel qui sauverait ce parti au cas où… Oui, il y a bien sûr Bédié, l’incontournable patron du vieux parti, son alpha et son oméga, son gourou, celui que certains voient comme le prochain prix Nobel de la paix. Mais les années passent, et personne n’est éternel. Alors, certains, au sein du PDCI, ou même d’ailleurs, songent au plan B qu’il pourrait constituer.
Lui, c’est Tidjane Thiam. Ils sont certainement nombreux les Ivoiriens de la jeune génération à ne pas le connaître. Présentons-le rapidement. En 1982, il fut le premier Ivoirien à entrer à l’École Polytechnique de Paris. C’est à ce moment que les Ivoiriens le découvrent. Il est le dernier fils d’Amadou Thiam, qui fut directeur de Radio Côte d’Ivoire en 1959, ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Maroc et deux fois ministre de l’Information, et d’une nièce du Président Félix Houphouët-Boigny. Ce dernier a déclaré une fois que les enfants d’Amadou Thiam sont ses vrais héritiers selon la tradition baoulé. On revoit Tidjane Thiam au pays en 1994 lorsqu’il devient, à 31 ans, alors qu’Henri Konan Bédié était président de la République, directeur général de la Direction et du contrôle des grands travaux (DCGTX) qui deviendra le Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD). En 1998, il est nommé ministre du Plan et du Développement dans le dernier gouvernement de Bédié. Puis en décembre 1999 survient le coup d’État. Et il quitte le pays.
On entend à nouveau parler de lui lorsqu’il devient en 2009 le premier Noir à diriger la compagnie d’assurance britannique Prudential, une des plus importantes au monde. Il quitte Prudential en 2015 pour prendre la tête du Crédit Suisse. Il en démissionne en février 2020. En novembre de la même année, il est nommé président du conseil d’administration du Rwanda Finance Limited, l’agence gouvernementale chargée du développement et de la promotion du Kigali International Financial Centre (KIFC).
Depuis le coup d’État de décembre 1999 et son départ du pays, apparemment il n’y est plus revenu. S’il l’a fait, cela a été si discret que très peu de personnes l’ont vu. Tout comme personne ne se souvient de l’avoir vu aux funérailles de son frère et de sa sœur. En 2020, à l’occasion de l’élection présidentielle, on l’a entendu se prononcer sur l’actualité politique ivoirienne, en posant à côté d’un drapeau ivoirien, sans que l’on ne comprenne véritablement ses intentions. A-t-il envie de jouer un rôle politique en Côte d’Ivoire ? A quel niveau ? Certains le verraient bien être candidat au poste de président de la République. D’autres le verraient plutôt en Premier ministre. Il y a quelques personnes qui le soutiennent de temps à autre sur les réseaux sociaux. Et depuis que la question de la limitation de l’âge à la candidature à la présidence de la République à 75 ans s’est à nouveau posée, et vu que si cette mesure était adoptée elle éliminerait les trois principaux animateurs de la vie politique ivoirienne que sont Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, le nom de Tidjane Thiam revient encore une fois dans le débat. Le problème est que l’intéressé lui-même n’a encore rien dit.
Personne ne sait si la politique ivoirienne l’intéresse vraiment et s’il vise véritablement les postes de président de la République ou de Premier ministre. Il y a quelque temps, une rumeur avait couru sur son éventuelle entrée dans un gouvernement, mais en France, pays dont il a aussi la nationalité. En tout état de cause, si Tidjane Thiam a vraiment des ambitions politiques en Côte d’Ivoire, il gagnerait à le faire savoir rapidement et à fréquenter un peu plus ce pays. Il est certes très intelligent, très brillant, il est l’héritier d’Houphouët-Boigny qui, pour un certain nombre d’Ivoiriens, est une sorte de dieu, il a de gros moyens et d’influentes relations, mais cela ne suffit pas à gagner le cœur d’une population. On le gagne en le fréquentant, en vivant avec lui, en lui parlant, en l’écoutant, en lui faisant comprendre simplement qu’on s’intéresse à lui. Pour le moment, Tidjane Thiam ne donne pas l’impression que ce pays l’intéresse toujours. Si cette impression est fausse, il a quatre autres années pour se rattraper.
Et la mésaventure de Lionel Zinsou au Bénin devrait le faire réfléchir, ainsi que ceux qui le poussent à se lancer en politique en Côte d’Ivoire sans y mettre les pieds. Lionel Zinsou qui n’avait jamais vécu au Bénin y fut parachuté comme Premier ministre un an avant l’élection présidentielle. Il fut candidat à l’élection présidentielle, mais il échoua, parce que la greffe n’avait pas eu le temps de prendre. Aux temps jadis, un administrateur Blanc pouvait venir de France administrer un pays où il n’avait jamais mis les pieds, mais les choses ont sacrément changé depuis lors. Aujourd’hui on vote ; et on vote pour les gens qui nous parlent, à qui on parle, et qui donnent le sentiment de s’intéresser à nous. Si Thiam n’a aucune ambition politique en Côte d’Ivoire, qu’il le fasse aussi savoir pour que ceux qui fantasment sur lui passent à autre chose.
Par Venance Konan
Le 01/11/21 à 20:50
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