28ème sommet Afrique-France: Macron enfonce un coin dans la gouvernance des Africains

Le président français E. Macron exporte son dégagisme sur notre continent. En invitant un panel de jeunes sans réelle légitimité, pour discuter des problématiques de notre continent, il réussit un véritable exploit. Le spectacle était au rendez-vous.

Où sont donc passés nos chefs d’Etats africains ? Ont-ils été associés à la réflexion en amont de ce sommet « Afrique-France » ?
Dans tous les cas, ce sommet, en adoptant ce format heurte en nombreux points, autant dans la forme que dans le fonds :
• L’échange direct entre les jeunes et le président français me paraît déplacé et irrespectueux,
• La sélection des onze jeunes « pépites » se fonde sur quels critères ?
• La mise à l’écart de nos dirigeants pour engager un dialogue direct avec notre jeunesse.
Sur le fond, pour peu que nous devions nous y intéresser, il serait de bon aloi que nous nous interrogions sur les sujets et problèmes débattus. Pour notre part, les solutions à nos problèmes doivent être d’abord endogènes.

Le clou de cette rencontre qu’on peut aisément résumer à la mise à disposition, d’une Aide Française au Développement (AFD), d’un fonds de 30 millions d’Euros pour la démocratie. Que renferme cette « couillonnade », cette duperie, concoctée dans une casserole, une « une marmite » mal récurée ? Par-dessus tout, nous ne pouvons exclure cette énieme arrogance de l’ancienne puissance coloniale. Macron la perpétue avec une finesse qu’on lui reconnait depuis qu’il est apparu au grand jour dans la politique française.

Il nous paraît évident que la France (y compris tous les autres pays qui organisent ce type d’événement) est dans un redimensionnement de sa géostratégie qui visiblement bat de l’aile, de l’Afrique à l’Australie en passant par les USA.
Avouons le, à sa décharge, la France est bien dans son rôle en défendant ses intérêts. Et c’est de bonne guerre ! C’est bien à nous de ne pas tomber dans cette mascarade, surtout pas notre jeunesse qui s’expose à un piège habilement tendu. Il convient de souligner les interventions percutantes de deux panélistes en particulier que sont la jeune Burkinabè (Eldaa Koama) et le guinéen (Aliou Bah) qui ont su avoir une rhétorique des plus franches et très largement appréciée.
Nous pouvons regretter que notre compatriote ivoirien se soit projeté dans un futur à échéance de 2030 pour ne pas aborder les problèmes du moment qui résolus impulseront cet avenir sur lequel il a choisi de se focaliser. A noter qu’en 2030/2035, ni Ouattara ni Macron ne seront certainement plus à la tête de leur pays respectif. Le formalisme et le lyrisme qui ont teinté et soutenu les propos d’Arthur Banga corrobore en arrière plan la frilosité qui nous caractérise au regard de tous nos voisins du continent. Ayons le recul nécessaire, à l’issue de ce sommet, pour comprendre que notre représentant a davantage joué ce role de faire-valoir pour E. Macron qui a entrepris de courtiser la diaspora.

Pour bien cerner les préoccupations de nos « onze pépites », il faudra axer notre réflexion sur la promotion des ONG qui constituent l’appendice des Aides Publiques au Développement (APD) et des mécènes qui ne contribuent en rien si non que de façon très marginale à notre développement. Notre continent n’est-il pas suffisamment doté de ressources pour impulser son propre développement ?
Nous nous réjouirons de la représentante du Burkina qui a fustigé sans complaisance l’aide au développement pour préférer « un investissement solidaire ». En effet l’APD et l’AFD ont démontré qu’elles ne constituent en rien les instruments idoines pour nous sortir du sous-développement.

Nous exprimerons ici nos craintes en ce qui concerne la vision étriquée de cette jeunesse qui se dit légitime. De quelle légitimité parlons-nous ? Est-ce à dire que les plus de 50 ans, 60 ans n’ont plus voix au chapitre dans les questions concernant notre nation et notre continent de façon plus large ?

Le « dégagisme » de Macron ne doit pas s’exporter sur notre continent ! C’est en cela que nous disons que l’entreprise du président français d’enfoncer un coin dans notre gouvernance doit être étouffée. Dans notre culture africaine, les anciens ont ce statut de gardien du temple qui ne doit être annihilé. L’Afrique ne peut et ne doit se départir de ses valeurs intergénérationnelles qui font lien et sens dans notre société. Nous nous refusons de penser que la promotion de nos valeurs soit un frein au développement de notre continent. Le Rwanda démontre assez bien le contraire en s’étant débarrassé des scories du schéma de développement tel que voulu, pour nous, par les occidentaux. A contrario, nous pouvons croire que nos retards de développement sont le fait des prédateurs économiques qui affichent sans vergogne une position dominante ?

Aujourd’hui, nous observons encore cette volonté de la France de définir de nouveaux engagements envers notre continent. Montpellier est-il réellement le lieu pour échanger sur :
• L’entrepreneuriat et l’innovation,
• La culture,
• La recherche et l’enseignement supérieur,
• L’engagement citoyen,
• La liberté d’expression et le sport.
Il nous paraît bien plus qu’évident que ce soient nos institutions africaines (CEDEAO, UA…) qui se doivent de s’emparer de ces thématiques et avoir comme invités nos partenaires occidentaux.

A l’issue de ce 28ième Sommet, que devons nous retenir ? Si ce n’est la volonté affirmée de Macron de faire un clin d’œil électoral à la diaspora qui dans sa définition extensive rassemble sept millions de français intimement et familialement liés à l’Afrique.
Sur une dimension plus économique, nous ne saurons terminer sans aborder la question monétaire (ECO et CFA). Nous aurions aimé entendre la France annoncer son engagement à se retirer immédiatement et définitivement, dans toutes ses formes, de notre monnaie. La restitution partielle de nos devises à la BCEAO doit être saluée. Mais nous sommes en droit d’être plus exigent encore, en visant notre entière accession à notre souveraineté monétaire.

Nous voudrons ici nous faire l’écho des différentes générations composant notre société. Nous ne souhaitons pas le dégagisme que veut exporter E. Macron sur le continent africain. Nous ne voulons pas des 30 millions d’Euros, ce pseudo soutien financier pour la démocratie de la société civile africaine. Nos jeunes ne peuvent vendre leur conscience et leur intégrité.

Lacisse Abdou
Professeur d’économie
Académie de Lyon
Consultant

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