Depuis plus d’un mois, les médias font état de ce que le gouvernement malien serait sur le point de conclure un accord avec la société militaire privée russe Wagner (déjà présente en Centrafrique), pour son déploiement au Mali. La France, L’Union européenne, les Etats Unis, ont promis de cesser toute coopération, toute assistance militaire à l’Etat malien si cet accord venait à être conclu. Pourtant la France prévoit le retrait d’une partie de ses troupes du Mali avec la fin de l’opération « Barkhane ». Des troupes européennes devront prendre le relais avec l’opération » takuba « . Mais pour les maliens, les contours de cette force et son mandat sont encore flous. Ils craignent un vide lorsque les Français vont retirer la majorité de leur contingent ( 3000 hommes sur un effectif de 5200 ). D’où leur volonté de recourir aux services de la firme privé russe Wagner, dont la présence en Centrafrique semble avoir produit des résultats significatifs.
Dans ce pays, de Décembre 2020 à Mars 2021, la capitale Bangui était encerclée par une coalition de groupes rebelles qui menaçaient de renverser le régime du Président Archange Touadéra. 2 000 mercenaires russes du groupe Wagner ont alors débarqué. Grâce à leur soutien ( ainsi qu’aux troupes rwandaises sur place), les forces armées centrafricaines ont pu desserrer l’étau autour de la capitale, puis peu à peu ont repoussé les rebelles jusqu’à la frontière tchadienne au Nord, libérant au passage les villes se situant le long de l’axe reliant Bangui au Cameroun, un axe par lequel transite la quasi totalité du commerce avec l’extérieur, la Centrafrique étant un pays enclavé.
Aujourd’hui le régime du Président Touadéra n’est plus sous la menace des groupes rebelles, même si ces derniers tiennent toujours plus de la moitié du territoire. Le pays étant financièrement démuni, les Russes sont réglés par des concessions sur les mines d’or et de diamant, ainsi ils tiennent la Centrafrique à la fois militairement et économiquement. Ce sont eux qui assurent la garde rapprochée du Président. Les Français sont devenus indésirables. Il faut souligner que le pays abrite aussi un contingent des Nations Unies, la MINUSCA forte de 14 000 militaires et 3 000 policiers soit 17 000 hommes environ, pour un budget d’environ 1 milliard de dollars. Mais c’est une force » inerte » , incapable de mener des offensives pour déloger les rebelles de leurs positions.
Ainsi fort de ce constat, les Maliens désirent aussi avoir recours à la firme privée Wagner lorsque la France va retirer le gros de son contingent. Comme en Centrafrique, les Russes vont aussi se faire payer en mines d’or. Mais on parle aussi d’un montant de « 10 milliards de FCFA mensuels » que le pays versera à la firme privée Wagner.
Dans l’urgence, on peut comprendre la démarche des Maliens. Mais faut-il s’attendre à des résultats aussi significatifs qu’ en Centrafrique ? Dans le pays de Faustin Archange Touadéra, les Russes affrontent un ennemi bien visible. La guerre n’est pas vraiment asymétrique dans le sens où nous avons affaire à des groupes rebelles qui affrontent l’armée centrafricaine sur un front bien défini, avec des armes à peu près identiques. Dans un tel cas de figure, la puissance de feu des occidentaux fait facilement la différence.
Par contre lorsqu’il s’agit d’affronter un ennemi qui procède par embuscades, les choses deviennent compliquées. Il n’ y a pas de front en tant que tel. L’ennemi est invisible, il se fond dans la nature. Il n’est pas sûr que dans un tel contexte, le groupe Wagner obtienne les mêmes résultats qu’en Centrafrique. D’ailleurs dans ce pays, les groupes rebelles commencent à adopter les mêmes options que les djihadistes d’Afrique de L’Ouest, avec des embuscades, la pose d’engins explosifs sur les axes reliant les villes …etc…..Les pertes russes commencent à être significatives, amenant ces derniers à exercer des représailles sur les civils étiquetés proches de l’ennemi, notamment les « peuls ».
C’est dire que la présence russe peut ne pas avoir l’effet escompté au Mali. Pourtant ce pays semble de plus en plus miser sur l’expertise Russe, pour preuve la réception le 30 Septembre dernier de quatre hélicoptères Mi-171 en grande pompe. A cet effet les autorités maliennes ont qualifié les Russes de partenaires » fiables et sérieux « . Mais les Occidentaux ont prévenu, la présence des Russes entraînera leur départ du Mali, et la fin de toute coopération. Les frappes de l’armée française sur les bases djihadistes, et la surveillance de la zone par des drônes américains basés au Niger, ont grandement contribué à réduire les capacités des djihadistes. L’apport des Occidentaux n’est donc pas à négliger, notamment le soutien aérien. En centrafrique, plus de la moitié du pays échappe au contrôle de Bangui. Et ce ne sont pas 2 000 mercenaires qui pourront pacifier un pays de cette taille. C’est dire que la présence des Russes est peut être une option pragmatique dans l’urgence, mais n’est pas une solution viable à long terme. Douglas mountain oceanpremier4@gmail.com
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