Lettre ouverte de «Les Démocrates de Côte d’Ivoire» au Président Alassane Ouattara

Monsieur le Président, il nous revient avec insistance qu’une modification constitutionnelle pourrait être introduite dans le courant de l’année 2022 pour plafonner l’âge limite pour candidater à l’élection présidentielle. Dans le principe, cette initiative est louable. Malheureusement, dans les faits, elle cache des manœuvres politiciennes visant à écarter des candidats jugés potentiellement dangereux pour l’entreprise de confiscation du pouvoir par un camp. A cause des passions qu’elle pourrait susciter, il serait plus judicieux de faire trancher cette question par une constituante regroupant l’ensemble des forces vives de la nation. L’on sait ce qu’a donné à la nation, en termes de morts d’hommes et de destructions de biens, le fait de faire travailler des juristes et constitutionnalistes sous dictée.
Entre cette question de la limite d’âge pour se porter candidat à l’élection du président de la République et celle de la claire limitation et sans ambiguïté des mandats présidentiels, bien de nations ont opté pour le second point qui résout de lui-même le premier. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » souhaite que la Côte d’Ivoire fasse ainsi. Sur les antennes des chaines de télévisions et de radios locales et étrangères, la Côte d’Ivoire s’est assez ridiculisée en 2020 avec des concepts juridiquement creux de « premier mandat de la troisième République » pour évoquer le cas d’un président en exercice ayant déjà fait deux mandats et qui souhaite se donner les arguments de rempiler. L’on a vu que cette jurisprudence ivoirienne a mis à la peine ses défenseurs, relativement à la pratique constitutionnelle et à la culture démocratique.

Monsieur le Président, lorsque la Côte d’Ivoire aura limité clairement les mandats présidentiels, vous verrez que le débat sur la limite d’âge tombera de lui-même en désuétude. Sinon ce serait prendre l’ombre pour la proie et courir le risque d’être accusé de vouloir éliminer vos plus coriaces adversaires et déblayer le terrain pour un poulain putatif afin que votre parti conserve le pouvoir d’Etat si l’initiative de la modification constitutionnelle évoquée plus haut était soutenue.

Monsieur le Président, l’histoire de ce pays nous a montré que vous avez dénoncé cette façon de faire et l’avez combattue avec hargne quand l’article 35 de la constitution de 2000 y a été introduit dans le but de vous exclure de la compétition électorale. Pour la documentation, nous vous proposons ce que disent les constitutions de certains pays sur la limitation des mandats présidentiels là où nos éminents constitutionnalistes ont péché par excès d’optimisme :
Article 6 de la Constitution de la République française :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».
Article 42 de la Constitution de la République du Bénin :
« Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois.
En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ».
Vous voyez bien que ces formulations tranchent avec les ambiguïtés de la formulation ivoirienne qui laisse la place à toutes sortes d’interprétations.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre haute considération.
Abidjan, le 20 septembre 2021.
« Les Démocrates de Côte d’Ivoire »
Le Président
Prof. Séraphin Prao

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