Par Koffi Koffi
19 septembre 2002 – 19 septembre 2021. Il y a 19 ans, jour pour jour que la Côte d’Ivoire était frappée de plein fouet par une rébellion armée. Ce jour-là, plusieurs villes du pays ont été frappées simultanément par ces visages inconnus jusqu’à une certaine heure. Korhogo (Nord), Bouaké (Centre), Abidjan (Est) ont été choisies pour cibles. Au 19e anniversaire de cet inoubliable « 19 septembre », qui a définitivement marqué histoire du pays, nous avons approché certaines populations de Bouaké et interrogé des sachants de cette histoire.
Curieusement, rares sont ceux qui ont voulu décliner leur vraie identité. C’est le cas de l’ex combattant T. F. Selon lui, il a fait partie de la compagnie Anaconda de feu Ouattara Issiaka alias Wattao. Et l’homme nous raconte sa part de vérité. « Sachez que nous n’étions pas venus pour une rébellion. C’est parce que les choses ont mal tourné que nous nous sommes mués en rébellion. Il n’était plus question pour nous de repartir en exil. Nous étions sincèrement fatigués de l’exil », a expliqué notre interlocuteur qui soutient aujourd’hui que « rien ne vaut la paix ».
Qui étaient les rebelles ?
Tout comme notre interlocuteur, celui qui se faisait appeler Soldat maudit nous conte son histoire. « Moi, je n’étais pas en exil avec les frères. Mais quand ils sont arrivés, j’ai tout de suite reconnu plusieurs d’entre eux et je n’ai plus hésité à intégrer le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). À suivre Soldat maudit, ceux qui ont opéré cette attaque militaire le 19 septembre 2002, étaient tous Ivoiriens et des noms biens connus au sein de l’armée ivoirienne. « La plupart étaient des soldats des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) devenues aujourd’hui Force armée de Côte d’Ivoire (FACI). Des noms comme Chérif Ousmane, Koné Zakaria, Touré Hervé dit Vetcho, Koné Messamba, Tuo Fozié, Koné Gaoussou etc. Ils étaient tous des soldats ivoiriens qui avaient déserté l’armée pour trouver refuge dans un pays voisin. Contrairement à ce que dit la rumeur, il n’y avait pas d’étrangers dans nos rangs, à ma connaissance », a clarifié notre interlocuteur.
Dénommée MPCI, la rébellion ivoirienne sera par la suite composée de trois entités : MPCI, MPIGO et MJP. Après le contrôle du Centre, du Nord et de l’Ouest sous leur autorité (60% du territoire), les trois mouvements deviennent par la suite « les Forces nouvelles ». Et les Forces nouvelles étaient composées de deux entités : la branche militaire, dirigée par le général Soumaïla Bakayoko et la branche politique, dirigée par Guillaume Soro. A la vérité, Guillaume Soro contrôlait les deux branches de la rébellion.
Guéguerre entre rebelles
Cette parenthèse, c’est le vieux S. K. qui nous l’explique. Trouvé à son domicile ce dimanche 19 septembre 2021, au quartier Maroc, le septuagénaire a du mal à se tenir sur ses jambes. « Il a été victime d’un AVC (accident vasculaire cérébral) » nous prévient son « aide de camp ». Le vieil homme explique sa part de vérité avec extase. Il soutient que son combat était identitaire. Mais tout de suite, il prône la paix. « J’ai compris beaucoup de choses aujourd’hui. Mon fils, rien ne vaut la paix. Je prie tous les jours pour la Côte d’Ivoire pour qu’il y ait la paix. Sans paix, rien n’est possible », souligne-t-il.
Parlant de la guéguerre entre rebelles, il fait savoir que ce combat mortel était engagé entre Guillaume Soro qui contrôlait déjà les troupes de la rébellion et feu Ibrahima Coulibaly dit IB qui se trouvait toujours en exil. À en croire le vieil homme, peu importe qui avait raison et qui avait tort mais ce que l’on peut retenir, c’est qu’il y eu beaucoup de morts du côté des pro IB. « Plus jamais ça en Côte d’Ivoire », s’exclame-t-il. Poursuivant notre randonnée, nous avons la chance de rencontrer un cadre de l’ex-rébellion. L’homme répond aux initiales de K. M. Il nous confie qu’en réalité, la guerre entre rebelles et forces loyalistes n’a pas duré plus de trois mois et que tout le reste du temps a été consacré aux dialogues et à la négociation de pays en pays.
Du sucre sur le dos du peuple
Plusieurs ex-rebelles interrogés ont soutenu que les deux parties se sont sucrées sur le dos du peuple. « Les deux camps ont passé leur temps à voler la Côte d’Ivoire », soutient Diarra Fousseny, un ex-rebelle. Et Diarra de lever les deux mains en l’air comme pour supplier Dieu : « Plus jamais ça dans mon pays !». De négociation en négociation, des élections furent organisées. Malheureusement, il y eut une autre crise, celle de cette triste crise post électorale. « Écoutez, Monsieur, pourquoi revenir encore sur cette triste histoire de notre pays ? Je pense qu’il faut aller de l’avant. Oublions le passé et construisons ensemble le futur de notre pays, c’est ça le plus important. Évitez de ressasser les vieux démons », conseille un autre interlocuteur.
Une Côte d’Ivoire qui gagne
Un ex-responsable du défunte PNRRC (Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire), une structure créée le 18 juin 2007, pour le bonheur des ex combattants, plaide : Une fois au pouvoir, le président Alassane Ouattara a mis sur pieds un vaste programme de réinsertion et de réintégration sociale de tous les ex-combattants de tous les bords, sans aucune distinction. Tous ont bénéficié d’un filet social et d’une formation selon leur profil. Par ailleurs, ceux qui remplissaient les conditions et qui souhaitaient intégrer l’armée ivoirienne, la police, la gendarmerie ou les forces paramilitaires (eaux et forêts, douane, gardes pénitentiaires), ont également été réinsérés. « Notre histoire est et restera notre histoire. Pansons les plaies, prions pour nos morts et allons de l’avant. C’est la Côte d’Ivoire qui gagne. Nous avons tous péché. Plus jamais ça dans notre pays. Main dans la main, construisons la Côte d’Ivoire moderne et modèle pour nos enfants et pour la postérité » a conclu Koffi Y., officier militaire, joint par téléphone.
Lebanco.net
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