Monsieur le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique,
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » vient par la présente vous saisir d’un certain nombre de préoccupations en lien avec le département ministériel dont vous avez la charge. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait, d’abord, attirer votre attention sur les dysfonctionnements dans l’application du LMD, surtout sur le cadre institutionnel dans lequel les docteurs sont formés en Côte d’Ivoire. Alors que, dans des pays comme le Bénin et le Burkina Faso, l’adaptation avec les nouveaux paradigmes de formation est effective depuis longtemps et que la volonté politiqua a accompagné la volonté académique de respecter les nouvelles dispositions, l’on constate, en Côte d’Ivoire, que la volonté politique marque le pas : l’implémentation du LMD n’étant toujours pas totalement effective. En effet, à ce jour, les universités publiques fonctionnent sans laboratoires, sans équipes de recherche et sans écoles doctorales. Dans ces conditions, c’est à l’ancienne que les docteurs sont formés.
La mise en place des écoles doctorales, des laboratoires et des équipes de recherche pourrait permettre un meilleur encadrement des thèses de doctorat. Elle pourrait aussi permettre que les enseignements, à travers les équipes de recherche, soient engagés dans des programmes nationaux ou transnationaux de recherche et d’échanges sur la base de projets adaptés aux besoins endogènes (de développement) de la société ivoirienne.
La réforme du LMD a fait l’objet d’une décision académique du CAMES et politique de l’UEMOA. On comprend mal que la Côte d’Ivoire tarde à entrer pleinement dans ce marché unique de l’enseignement supérieur. De mauvaises langues mettent le peu d’enclin à ouvrir les écoles doctorales et à engager le train de mesures qui les accompagne sur le compte de la problématique de la gestion de la manne financière des scolarités et, surtout, de la peur du coût financier de cette réforme importante pour l’enseignement universitaire puisque cette réforme entraîne l’augmentation des dépenses et donc des budgets des universités. Pourtant, des référentiels existent dans la sous-région avec des initiatives abouties dont la Côte d’Ivoire pourrait bien s’inspirer. Dans la pratique, les écoles doctorales gèrent leurs inscriptions et ont leur propre comptabilité bien différente de celle que gèrent les présidences d’université. L’existence des écoles doctorales entraîne aussi une réévaluation du coût des inscriptions en master et en doctorat auquel il ne serait pas aisé de se soustraire. Le Bénin et le Burkina Faso qui ne détiennent pas 40% du PIB de la zone UEMOA se sont adaptés aux nouvelles exigences académiques et le monde universitaire ne se porte pas mal dans ces pays. La Côte d’Ivoire ne saurait donc innover en la matière. Il serait important de chercher à assurer une meilleure compétitivité du système ivoirien d’enseignement supérieur et de recherche dans une économie du savoir mondialisée.
Une autre curiosité des universités publiques en Côte d’Ivoire concerne l’inexistence de mécanismes de filtrage des étudiants pour les études en cycles supérieures. Dans les filières où ils existent, ils servent à privilégier les connaissances des uns et des autres au détriment du mérite. L’on se retrouve ainsi avec des masters pléthoriques comme des licences qui ne tiennent pas compte des exigences du marché de l’offre doctorale, lesquelles ont entraîné l’instauration du concours de recrutement des assistants d’université. Si la Côte d’Ivoire veut mettre fin au phénomène de plus en plus inquiétant des docteurs chômeurs formés en dehors du cadre institutionnel moderne, elle devrait avoir le courage d’engager les réformes exigées, malgré les coûts induits.
Quand, malgré ce fonctionnement à l’ancienne avec des bibliothèques universitaires ne le sont que de nom, les doctorants parviennent à décrocher leur doctorat, leur recrutement devient une véritable gageure. Les jurys de recrutement chargés d’évaluer les différents candidats dans chaque université sont constitués selon les rapports privilégiés que les uns et les autres ont avec les autorités universitaires. Leur constitution obéit à des critères que seuls les initiés savent. Les propositions de membres émanant des UFR ou des présidences de nos universités n’obéissent pas très souvent à des critères d’objectivité. Au lieu de privilégier la constitution par copinage ou appartenance politique, il serait judicieux d’opter pour une composition à partir de critères connus de tous et suivant les propositions des départements existants. Ailleurs, ne sont membres des commissions de recrutement que des professeurs de rang magistral à la probité avérée et affirmée et dont la notoriété académique ne fait l’ombre d’aucun doute.
Monsieur le Ministre, quels résultats sans équivoque peut-on raisonnablement attendre de ces commissions de recrutement constituées sur des bases faisant une large place aux amitiés personnelles ou à la proximité politique. L’on accusera le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » de se livrer à un procès d’intention mais il vous est loisible de vous informer sur les critères à partir desquels ces commissions ont été mises en place dans les universités.
Monsieur le Ministre, des sages de nos villages ont l’habitude de dire que lorsque l’on plante du maïs, ça ne pousse pas du manioc. Si la commission qui doit sélectionner les meilleurs candidats possibles est elle-même constituée sur des bases complaisantes ou amicales prétendument académiques, imaginez ce qui peut en sortir quand survient la logique des intérêts personnels. Par ailleurs, les récriminations sont nombreuses contre ces recrutements qui ne tiendraient pas compte des spécialités où les besoins sont les plus pressants. Si un audit des listes des candidats déclarés admis ces dernières années était fait en tenant compte des notes obtenus par tous les candidats, certainement que bien de curiosités pourraient être découvertes.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait aussi signaler à votre attention un autre mal de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire : le chevauchement des années universitaires. La rentrée académique 2021-2022 est fixée au 18 octobre 2021 alors que bien d’UFR et de départements dans les universités publiques n’ont pas achevé le second semestre de l’année en cours. Il arrive même parfois de voir la masse horaire des enseignements être sacrifiée sur l’autel de la volonté de terminer l’année en un temps record. Dans ces conditions, la formation dispensée ne peut être qu’au rabais. Il est donc logique qu’aucune université ivoirienne ne figure dans le classement des 200 meilleurs établissements d’enseignement supérieur d’Afrique, là où l’Université Cheikh Anta Diop et l’Université Gaston Berger, toutes deux du Sénégal, l’Université de Lomé (Togo) et l’Université d’Abomey-Calavi du Benin parviennent à figurer dans ce classement. Comment ces universités font-elles pour être des établissements de référence et que les universités publiques de Côte d’Ivoire n’en soient pas capables ? Si l’on n’y prendre garde, avec l’impasse académique ivoirienne (mauvaise implémentation du LMD et années universitaires escamotées), la loi darwinienne de la sélection naturelle pourrait être préjudiciable au système ivoirin d’enseignement supérieur et de recherche. L’esprit de Bologne s’accommode très peu avec les à-peu-près.
Monsieur le Ministre, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » se tient prêt à approfondir avec vous tous les sujets évoqués ici si vous le souhaitez.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre profonde considération.
Abidjan, le 19 septembre 2021.
« Les Démocrates de Côte d’Ivoire »
Le Président
Prof. Séraphin Prao
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