Litige foncier d’Adoukro: Le maire Beugré contre-attaque « Je m’oppose à la spoliation des terres, pas aux investissements »

Le 3 septembre 2021, un affrontement entre gendarmes et populations de Jacqueville a été évité de justesse grâce à une intervention prompte de la primature. Ce jour-là, sur réquisition du procureur général, un déguerpissement était envisagé à la demande du promoteur du projet immobilier « Adoukro ville nouvelle », Edouard Oda.

Ce dernier avait ouvertement accusé le maire de Jacqueville d’être opposé au développement de Jacqueville et de vouloir lui mettre les bâtons dans les roues. Environ 2400 ha de terres situées sur le littoral en bordure de la lagune Ebrié font l’objet d’un litige entre, d’une part le village de Sassako et d’autre part le promoteur immobilier Edouard Oda.

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Le vendredi 10 septembre lors d’une conférence de presse à Sassako, en réplique aux propos tenus par M. Oda, Joachim Beugré, le député Léon Lobo et les chefs de terre de Jacqueville ont démonté toutes les thèses et idées reçues jusque-là véhiculées par le promoteur d’Adoukro ville nouvelle.

Cartes et documents administratifs à l’appui, le maire s’est voulu offensif. Il a d’abord fait la genèse du conflit qui tient sa source dans l’histoire de ce peuple côtier. Adoukro, l’espace querellé, explique-t-il, fut jusqu’à une époque récente, le débarcadère du village de Sassako adossé à la mer mais possédant des terres à Adoukro au bord de la lagune. Ce débarcadère servait de point de ralliement au chef-lieu de sous-préfecture qui était Dabou. C’est aussi en cet endroit que les villageois de Sassako cultivaient la noix de coco, principale culture de rente. Plus tard, au fil des activités agricoles et de la pêche, les propriétaires des terres y ont installé des pêcheurs béninois ainsi que d’autres personnes en quête de terre cultivable. Une famille de Jacqueville, actuel chef-lieu de département, s’y installe également avec la bénédiction du chef de terre de Sassako. Elle y fonde une plantation. Et c’est dans cette famille que M. Oda, non originaire de la région prend une épouse, laquelle hérite plus tard des terres et plantations de son défunt père.

Selon le maire, les choses commencent à se gâter à partir de 2005 quand M. Oda voyant cette immense richesse entre en action pour s’approprier cette étendue de terre alors que sa belle famille n’avait que 25 ha en tout. Dans sa convoitise, explique le conférencier, M. Oda se fait recevoir par le ministre Bamba Cheick Daniel alors ministre de l’administration du territoire à qui il demande d’ériger Adoukro en village. Le ministre est convaincu et le 9 mars 2007, le campement reçoit son arrêté qui fait de lui un village alors qu’il ne dispose d’aucune infrastructure de base. Poursuivant sa manœuvre, Edouard Oda cherche dans la communauté Alladian et fait de Yessoh Emien Norbert, originaire de Jacqueville, le chef du nouveau village quand il s’attribue lui-même le titre de chef de terre. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire des villageois de Sassako qui organisent une expédition punitive. Cette expédition aura pour conséquence immédiate l’arrestation de plusieurs originaires de Sassako dont le chef de village qui meurt des suites de son emprisonnement.

Là où Edouard Oda fait valoir que son projet de ville nouvelle occupe plus de 2300 ha, le maire Beugré affirme qu’Adoukro, c’est en tout 709 ha dont 574 ha soit 81 % de la superficie sont propriété du village tuteur de Sassako.
« Comment se fait-il que le lotissement couvre 2440 ha ? », interroge-t-il à l’issue de sa démonstration.
« Je ne suis pas opposé au développement de ma commune mais je suis opposé à la spoliation des terres de mes populations », se défend-il. « Il faut que la vérité soit rétablie, il faut qu’on sache qui est propriétaire de quoi à Adoukro. Ce n’est pas un projet de l’état mais celui d’un individu. D’où vient-il qu’un individu sorti du néant parce qu’il a épousé une fille de Jacqueville se croit propriétaire terrien ? Ce dernier même a fait l’objet d’une condamnation du tribunal de Dabou en 2015 pour faux et usage de faux », réplique encore le conférencier document à l’appui. Entre autres documents, le résultat d’une enquête de commodo et incommodo conduite par l’ancien maire Avy Adroh avant 2013 et qui avait recueilli 75 oppositions au lotissement voulu par M. Oda. En dépit des oppositions, le lotissement avait été conduit à son terme et c’est celui-ci qui est à la base des tensions actuelles.

Soutenu par les chefs de terre, à leur tête le président du collectif des chefs de terre, Gnamien Akadjé, le premier magistrat de la localité a lancé un appel à la justice afin qu’elle soit juste pour préserver la paix dans la région. Il s’est dit déterminé à s’opposer à cette spoliation derrière laquelle se trouveraient des mains obscures et surtout de gros bonnets à qui Edouard Oda auraient attribué à la pelle des hectares de terre. « Il faut que la justice soit juste et protège ceux qui sont propriétaires de leur patrimoine. (…) J’ai été élu pour développer et non de m’opposer au développement mais la base est fausse », a interpellé Joachim Beugré.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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