Qu’est-ce qui est nouveau et qui fait tant débat ?
À peine implémentée, la réforme de l’école entreprise par la ministre Mariatou Koné fait couler encre et salive. Ici le journaliste Bamba Alex Souleymane passe au peigne fin ladite réforme dans un exercice comparatif pour démontrer, in fine que rien n’est nouveau.
Perso, ma compréhension, en est pour le moins simple. Ce débat est sans fin. Il restera sans fin. Pourquoi ? Parce que, depuis la nuit des temps, Dieu, qui est l’incarnation de la miséricorde, a créé, permis et donné à ses créatures, autant de pistes que de possibilités pour se réaliser. Mais, comment se réalise-t-on ? D’abord nous rendons grâce à nos parents qui ne sont pas allés à l’école de Napoléon détestée par des Français de cette époque-là… Nos parents, tenant compte de l’évolution de la société, entreprirent de nous scolariser des aînés aux cadets.
De génération en génération. À chaque période, l’école a subi des mutations. D’Houphouët à Ouattara en passant par Bédié, Guéi et Gbagbo. Les réformes ont-elles tenu compte des mutations sociales et morales dans notre société ? À un moment ou à un autre, ici ou là, une ou des réformes ont été faites. Cela tenait compte des changements de paradigmes au-delà ou en deçà des Pyrénées.
Les réformes étaient adaptées aux réalités du moment. Et, Dieu seul sait, si nous en avons connues. Qu’est-ce qui est nouveau et qui fait tant débat ? A-t-on tourné le dos à nos valeurs ? Est-ce pour épouser l’air du temps et donner dans la mode ? Opérer des changements sans tenir compte et de la psychologie et des réalités ethnosociologiques ? Du contexte actuel ? Ne pas puiser dans le passé ? Jeter par pertes et profits ce passé ? Non ! Je doute fort, que le Ministère actuel ; ne se trompe très lourdement de vision prospective. Par principe doctrinal, je ne m’oppose presque jamais et systématiquement à des théories ou des projets. Pour autant, je ne passe pas aussi facilement les équations complexes par pertes et profits. D’où mes interrogations. Parce qu’il est important d’élucider les notions d’école gratuite et d’école pour tous. Que signifient-elles en réalité ? A quelles significations nous renvoient-elles dans les faits ?
Parce que pour moi, loin des considérations philosophiques et pédagogiques, aller à l’école est un choix des parents de l’enfant à scolariser et, au-delà, le choix in petto, soit d’un déscolarisé soit de quelqu’un qui, librement décide d’aller à l’école pour apprendre à lire et à écrire sans obligation ni vocation à devenir Professeur agrégé, Docteur d’Etat etc. On pourrait en multiplier les exemples.
Autres exemples, celui de beaucoup d’enseignants d’hier et même de beaucoup d’autres aujourd’hui encore. Beaucoup d’anciens élèves n’avaient obtenu, ni le CEPE, ni le BEPC, ni le BAC. Et pourtant, escalier par escalier, palier par palier, ils ont réussi et nombre d’entre eux, sont devenus Ministres, Enseignants de Collège de Lycée voire d’Université. Évitons de discuter sur le sexe des anges Je ne comprends pas : on fait des réformes, alors même que les états généraux projetés n’ont même pas encore eu lieu. À quelle logique répond cette démarche ?
D’aucuns parlent de regard critique sur le système éducatif : « les Gouvernements successifs » n’y travaillaient-ils pas déjà ? Pourquoi toutes les initiatives de Kandia, emportaient-elles l’assentiment du Gouvernement ? La Ministre actuelle n’y siégeait-elle pas ? Pourquoi n’y réagissait-elle pas ? Des anti-exemples foisonnent : sur des réformes « mortes-nées », à l’instar du « casse-tête » du Probatoire ! Qu’est-ce que de telles entraves pouvaient- elles changer sur le cours du destin, soit d’un écolier, soit d’un collégien ou lycéen qui devait devenir docteur en médecine, ingénieur (à filières multiples), pharmacien, économiste, financier, juge, avocat, diplomate et expert en sécurité sociale, etc. ? Un concours, quel qu’il soit, ne saurait être un instrument de mesure pour jauger du niveau réel d’un impétrant ? D’où la vacuité des arguties sur la réforme rétrograde qui vise à demander à un Professeur agrégé, un Docteur ou un Ministre d’hier à aujourd’hui qu’il retournât passer l’examen du CEPE et, une fois admis, qu’il reprenne le BEPC, le BAC puis l’enseignement supérieur, effectuer un parcours remarquable dans l’administration ou le privé.
Cela laisse pantois, tout simplement. Le raisonnement tel que développé, interpelle la conscience et l’intelligence humaine. Il ne faut pas forcément, vouloir plaire en promettant sinon de refaire le monde, du moins d’offrir la lune. Tous ceux qui sont des mécaniciens, des électriciens, des tôliers, des maçons, des plombiers, des étanchéistes, des peintres, des ferrailleurs, ont-ils été assujettis à l’obtention du CEPE avant de se réaliser comme professionnels de ces métiers ? Beaucoup de jeunes de notre ère contemporaine, devenus spécialistes du numérique, maniant avec dextérité les ordinateurs, n’ont pas eu besoin de CEPE pour apparaître comme des maîtres de certains qui sont bardés de diplômes académiques.
À preuve, Bill Gates, lui-même, n’a pas eu besoin d’être docteur en informatique pour mettre au point un système d’exploitation tel que Windows de Microsoft. A preuve encore, certains élèves ont peiné au primaire mais, ont par la suite excellé pour devenir le maître du maître.
Tous les examens qui sont passés en France aujourd’hui n’ont jamais exigé dans leur conception que l’on justifiât qu’étant en Terminale, alors que l’on doit passer le BAC normalement après avoir passé le BEPC et avoir été major en Seconde, en Première, l’on ne vienne opposer au candidat l’argument puéril qu’il n’a pas obtenu le CEPE.
Quelle incurie ! Que d’exemples de personnalités et de cadres à profusion qui ont obtenu des BTS, des Licences, des BAC, des diplômes d’ingénierie sans avoir obtenu le CEPE, mais qui ont suivi un cursus normal de la 6e à la Terminale et qui ont effectué leur cycle supérieur brillamment en devenant des docteurs, des ingénieurs, des juristes et économistes etc. À contrario, certains ont eu leur CEPE et n’ont pas pu obtenir le BEPC. Quelle morale faut-il en tirer ? Les exemples sont tellement légion ! Est-ce que, bien que n’ayant obtenu le CEPE, qu’on ait fait la 6e à la 3e avec à la clé le BEPC et que l’on ait obtenu le fameux CEPE en candidat libre et qu’on a été proclamé major sur l’ensemble du territoire national, n’inspire-t-il pas une leçon de vie ?
Nul ne peut prédire l’avenir d’un individu sur la base de ses diplômes. Je pense qu’il faut se dire les vérités. Autant de questions qui pourraient nous conduire à un débat sans fin. Aussi, le vrai-faux débat, créé par le Ministre lui-même, traduit bien et son embarras et sa mauvaise lecture des réalités d’une société ivoirienne, qui se développe à qui mieux-mieux. Tous, avons émis des idées et esquissé des pistes de réflexion. Personne n’a la science infuse. Une illustration simple : certains écoliers, en d’autres temps, n’ont pas été admis au CEPE. Mutatis mutandis, leurs parents réussirent à les inscrire dans des écoles privées en classe de 6e. Quelques années plus tard, cette légion d’écoliers qui n’avaient pas eu leur CEPE, a damé le pion sur de nombreuses années, à ceux qui avaient été reçus au CEPE. Ils ont tenu haut le pavé en faisant toujours partie des 5 premiers de la 6e à la 3e avec à la clé le BEPC pour eux tous. A contrario, les anciens premiers se sont retrouvés les derniers très loin des autres. Il en est de même pour l’admission en Seconde selon qu’on a eu le BEPC ou pas.
Les établissements privés furent les maisons de refuge pour ces élèves. Plus tard, la providence a voulu qu’au Bac ils mènent la course en tête. C’est la preuve que nul ne peut prétendre écrire le destin de quelqu’un. Dieu seul a ce pouvoir. Aussi, l’option actuelle des nouvelles autorités du Ministère de l’Education nationale, si elle devait être appliquée, serait contradictoire et contre-nature. La pertinence de la conclusion de la réflexion du Dr Arthur Banga ainsi que des arguments pertinents développés par Alafé et notre questionnement commun sonnent comme un véritable avertissement au Ministère de l’Education nationale. Qui peut prédire l’avenir ? Il faut donner une chance à chacun. Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire des civilisations, l’école sous toutes ses formes, a été à la base de la construction du monde moderne.
De l’Egypte pharaonique à la Rome antique en passant par la Perse, la Grèce antique, toutes ces civilisations accordaient une place essentielle à la formation de l’individu. D’où la splendeur de leur civilisation.
Plus près de nous, l’école a toujours existé, qu’elle soit de nature initiatique ou d’apprentissage familial ou auprès d’un dépositaire de savoir et de savoir-faire. Dans l’antiquité romaine, l’école par exemple n’était pas régie par l’Etat, elle était libre, mais a permis cependant le rayonnement de l’empire.
Le schéma en était simple mais efficace partant de l’école élémentaire mixte (pour les enfants de 7 à 11 ans), aux études supérieures auprès d’un rhéteur en passant par les enseignements du grammaticus (réservés généralement aux jeunes de 11 à 15 ans). Cette liberté de l’école aura sans doute été à l’origine de son expansion dans l’empire, même si parfois le facteur limitant pouvait être lié, à un certain niveau, à la fortune des familles ou des apprenants. Et c’est justement pour cette raison qu’aujourd’hui, à notre époque et dans notre pays, le rôle de l’Etat est de permettre au plus grand nombre d’avoir accès à l’Education et non de trouver des facteurs limitants inutiles et surtout susceptibles d’empêcher certains élèves de se réaliser pleinement ainsi que nous l’avons relevé plus haut avec force exemples.
L’Etat moderne, tout comme le consignait déjà par exemple au 13e siècle la charte de Kouroukan Fuga (édictée dans l’empire Mandingue sous Soundjata), doit veiller et préserver la liberté individuelle, les principes de l’égalité (des chances) et lutter contre toutes formes de discrimination. Le rôle de l’Etat est de favoriser et non de restreindre, par des artifices inutiles, l’accès aux différents niveaux d’études. Au demeurant, je puis dire que nous sommes tous, peu ou prou, le produit de cette chance que Dieu donne à chacun de ses enfants de se réaliser. Toutes les réformes ne sont pas forcément bonnes. Il faut prendre du recul, interroger les faits et l’histoire avant de prendre des décisions qui pourraient se révéler préjudiciables au système d’enseignement du pays lui-même. Ce pays nôtre, a connu de très grands et illustres Ministres de l’Education nationale.
Les responsables actuels de l’Education nationale en sont eux-mêmes les purs produits. Imaginons donc si on leur avait fait des sorts sinon iniques, du moins très peu compréhensibles et par les élèves et étudiants eux-mêmes et par de nombreux enseignants et par les parents d’élèves qui, bien souvent, paient inutilement pour leurs enfants, le tribut de réformes inappropriées et inadaptées. Ces responsables, prétendument, ont-ils l’onction du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement, de l’ensemble des partenaires du système éducatif ? On ne va pas refaire le monde. Il n’est peut-être, pas encore, trop tard ; d’arrêter les frais. Les voies de Dieu sont insondables. L’usage veuille que l’on marche dans les pas et sur les traces des devanciers.
En l’espèce, il faut éviter le spectre de l’incertitude dans toutes les familles et partenaires de l’école. Rien ne jaillit ex-nihilo ! Tout ce qui est, a déjà existé et, il n’y a pas de deus ex machina. Faisons preuve d’humilité et de modestie. Pour autant, nous pouvons louer toute initiative du gouvernement visant à faciliter l’environnement de l’école, l’amélioration projetée des frais annexes inhérents à la vie scolaire. Il en est de même du retour de la dictée dans les examens. Cela est tout à fait méritoire.
Il faut privilégier le dialogue et les échanges autant que faire se peut ; des armes que le père Fondateur, Félix Houphouët Boigny nous a léguées.
Lorsque l’on réfléchit et agit à plusieurs, on multiplie les chances de réussite et de réalisation de soi.
Me Bamba Alex Souleymane
Juriste, journaliste consultant
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