Kibarou/On veut simplement comprendre
Moussa Ben Touré/Lebanco.net
Le Conseil des ministres du mercredi 8 septembre dernier a adopté différents décrets, relatifs à la gestion des forêts classées en Côte d’Ivoire. Tous ces textes légaux, ont l’ambition de faire en sorte que ces massifs forestiers soient convenablement protégés, réhabilités et rationnellement gérés.
Objectifs bienséant, méritant d’être soutenus par tous. Surtout, quand on sait que le couvert forestier ivoirien ne représente plus qu’un peu plus de 2 millions d’hectares seulement, contre les 16 millions d’hectares de superficie, qu’il affichait au cours du siècle dernier. Les causes d’une telle dégradation vertigineuse opérée en soixante années seulement de souveraineté nationale et internationale, sont désormais connues de tous, avec une importante part de responsabilité faite à la pratique des cultures pérennes et à l’exploitation clandestine du bois. Que des dispositions soient prises pour enrayer tous ces facteurs de la destruction continue de ce couvert forestier, ne peut qu’être salué par les environnementalistes que nous sommes et autres spécialistes des questions de l’environnement.
Pour autant, lorsqu’on analyse bien le décret expliquant les conditions d’exploitation de certaines forêts classées dont la concession revient à des opérateurs privés, ainsi que la loi qui sous–tend le nouveau code forestier de 2019, autorise l’Etat à le faire, l’on remarque l’interdiction suivante faite à ces concessionnaires privés : celle de s’abstenir de créer des plantations industrielles, de café, de cacao, d’anacarde et de coton, dans les forêts qui leur auront été concédées. Mais, cette disposition ne dit pas, et ne précise pas non plus que, l’hévéa et le palmier à huile sont concernées, simplement ou par extension. Cultures industrielles par excellence, du fait de leur grande rentabilité lorsqu’elles sont exploitées comme telles, il y a bien lieu de craindre qu’elles ne deviennent le choix de ces opérateurs privés, pour couvrir les espaces dégradés des forêts qui leur auront été cédées. Tant il est vrai que nombre de ceux qui se montrent jusqu’ici intéressés par cette offre de l’Etat, sont des exploitants agricoles industriels, des entreprises multinationales du secteur agricole.
Le palmier à huile et l’hévéa ne sont pas des arbres forestiers. Donc pas à même de contribuer efficacement à la reconstitution ou au maintien d’un écosystème forestier digne de ce nom. Le premier qui fait environ 140 pieds à l’hectare, peut au bout de deux ans , facilement couvrir à lui tout seul, tout l’espace qui lui aura été réservé. Le deuxième autorise lui, 550 à 600 pieds d’hévéa sur un hectare. Lorsqu’on évalue cela, ne serait- ce que sur quelques dizaines d’hectares, l’on imagine aisément ce qu’il adviendra de ces forêts classées. Elles seront très vite transformées en exploitations industrielles de palmier à huile et ou d’hévéa, au bout de quelques années. De plus, l’on peut aisément imaginer le sentiment de trahison ou de duperie qu’éprouveront vis-à-vis des pouvoirs publics, les petits producteurs de cacao et de café, que l’on aura sortis de ces forêts classées. Précisément, lorsqu’ils verront qu’à la place de leurs petits vergers de cacao et de café, auront été aménagés d’immenses plantations d’hévéa et de palmier à huile. Quelles pourrait alors être leur attitude, à l’égard des autres forêts classées ? L’on ne s’explique pas aussi, l’interdiction d’aménager des plantations de coton dans les forêts qui auront été cédées aux opérateurs privés. Dans la mesure où, il s’agit d’une culture annuelle qui peut être parfaitement associée aux arbres forestiers, sans leur causer des dommages.
Autre fait dont on aimerait bien comprendre le pourquoi : la forêt classée de Gouin-Débé dans le département de Guiglo n’a pas encore son plan d’aménagement disponible. Pourtant, 20.000 ha de cette forêt classée ont fait l’objet d’un déclassement et surtout d’une convention de cession par l’Administration forestière au Conseil général du Cavally. Ce qui est assez surprenant d’autant plus que légalement, c’est bien à l’Etat qu’il revient préalablement de le décider.
En outre, le vocable déclassement n’est plus d’actualité, mais plutôt celui de concession, qui ne touche que les forêts accusant un niveau de dégradation très avancé. Alors question : A-t-on volontairement mis la charrue avant les bœufs ? Si oui, pourquoi ? Par ailleurs, ce décret définissant les conditions d’exploitation des forêts classées devant faire l’objet de concession, n’aurait pas véritablement été soumis à l’appréciation de toutes les parties prenantes, (partenaires financiers, opérateurs privés…..) nous a-t-on confié, quand il était encore en état de projet de décret. Pourquoi ? Que nous cache –t-on finalement ? On veut simplement comprendre. Sans plus.
Moussa Ben Touré
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