Par Damien Glez
Diagnostiquée malade, puis guérie, la patiente guinéenne qui a défrayé la chronique tout au long du mois d’août n’a vraisemblablement jamais contracté cette fièvre hémorragique. Retour sur un emballement.
Si le « monde d’après » le ccovid-19 était une chimère prévisible, les rubriques sanitaires, elles, sont bien réelles, et se sont dilatées jusqu’à la boursouflure dans les colonnes des médias comme sur les forums des réseaux sociaux. Dans le freak show des microbes et autres parasites, se sont invités, en pleine trêve estivale, l’inédit virus de Marburg, en Afrique de l’Ouest, ou la classique poliomyélite, que les gouvernements de la région africaine de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se sont récemment engagés à éradiquer. Et pas besoin de featuring avec le coronavirus pour la superstar des pandémies: ébola…
« État d’alerte »
Psychose des psychoses depuis le déploiement – même relatif – des anti-VIH, la spectaculaire fièvre hémorragique était annoncée à Abidjan le 14 août dernier. L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire affirmait alors avoir détecté ébola chez une patiente guinéenne de 18 ans venue de la ville de Labé. Principe de précaution ? Si la Guinée exprimera des doutes sur le diagnostic clinique ivoirien, l’OMS qualifiera rapidement ce cas « positif » d’« extrêmement préoccupant » et 5 000 doses de vaccin seront immédiatement acheminées depuis la Guinée voisine, en vue d’une administration aux cas contacts identifiés.
Les doutes des uns et des autres n’empêcheront pas le storytelling involontaire de se dérouler jusqu’à son happy end, à grands renforts de déclarations du ministère ivoirien de la Santé. Le 24 août, après deux tests négatifs à 48 heures d’intervalle, la patiente guinéenne était déclarée guérie du virus Ebola.
IL N’EXISTE « AUCUNE PREUVE » DE LA PRÉSENCE DU VIRUS EBOLA EN CÔTE D’IVOIRE
Inquiète à l’idée de passer pour une zone répulsive aux yeux des touristes, la Guinée continuera d’émettre des doutes sur l’ensemble de l’affaire, en appelant à un arbitrage de l’OMS. Laquelle a soldé le dossier mardi dernier : pour l’organisation souvent taxée d’alarmisme en Afrique, et d’après de nouvelles analyses négatives effectuées par le laboratoire Bio-Mérieux de Lyon, il n’existe « aucune preuve » de la présence du virus ébola en Côte d’Ivoire. Le « niveau de riposte » a été rétrogradé en « état d’alerte ».
Panique et stigmatisation
Chacun voit panique à sa porte et de nombreux guillemets, dans les comptes rendus, devraient mettre les autorités ivoiriennes à l’abri d’accusations de malveillance. Brandissant des précautions à la mesure des épidémies libériennes et sierra-léonaises passées, le porte-parole du ministère de la Santé a confirmé que la patiente présentait « tous les symptômes » de la maladie à virus Ebola qui, d’ailleurs, peut prendre « plusieurs formes ». Les autorités sanitaires évoquent également un processus de diagnostic qui, s’il a été perçu comme approximatif ou péremptoire, « a permis de tester le système national de réponse à une épidémie ».
Alors que certains émettent des doutes sur le parcours même de la jeune fille et évoquent de possibles erreurs commises par les premiers laboratoires, les autorités guinéennes et ivoiriennes ont souhaité présenter des excuses à la jeune femme et envisageraient des réparations pour sa famille, victime de stigmatisation.
Au-delà d’une querelle à fleurets diplomatiques mouchetés, l’apparente guérison de la Guinéenne laisse une question ouverte : si la malade ne souffrait pas d’Ebola, de quoi souffrait-elle donc ?
Publié dans Jeune-Afrique
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