Après la question des primes, nous allons mettre sur la table une question qui reste aussi entourée d’un silence pesant de la part de la Direction Générale des Impôts, cette structure qui met certes à la disposition de l’Etat l’essentiel de ses ressources, mais qui est sujet à des dysfonctionnements profonds.
On parle beaucoup de la dette intérieure, composée en partie des sommes que l’Etat doit aux entreprises. Mais il y a aussi une dette dont personne ne parle, c’est la dette fiscale, qui résulte lorsqu’une entreprise ou un particulier ne paie pas ses impôts. La dette fiscale peut être considérée comme une dette contractée par les entreprises vis-à-vis de l’Etat. Le problème aujourd’hui, c’est le montant global de cette dette, en d’autres termes les arriérés d’impôts cumulés par l’ensemble des entreprises au fil des années.
En parler serait un aveu d’impuissance, car ce sont des centaines, voire des milliers de milliards que les agents des Impôts sont incapables de collecter. L’existence de cette dette, et sa croissance, traduisent l’inefficacité, le manque d’engagement, le laxisme des agents des Impôts. La taille de la Dette Fiscale Globale représente un drame pour les caisses de l’Etat, c’est une plaie béante pour l’économie ivoirienne. La loi prévoit que les dettes vieilles de 10 ans sont prescrites (annulées). Que fait-on pour permettre à l’Etat d’entrer dans son dû avant cela ?
Chaque année, la Direction des Impôts publie des chiffres impressionnants sur les recettes mobilisées, ce qui lui vaut les félicitations des autorités. Pourtant il faut faire attention dans l’analyse de ces chiffres, car la croissance des recettes fiscales n’est pas nécessairement une preuve d’efficacité parce que dans le même temps la dette fiscale globale augmente également.
Les recettes fiscales croissent, mais les arriérés d’impôts croissent aussi, et plus vite.
Cela signifie que l’écart entre ce qui rentre et ce qui devrait effectivement rentrer se creuse. En d’autres termes, la tumeur cancéreuse grossit. Dans un tel cas de figure, la Direction des Impôts doit-elle être vraiment félicitée chaque année ?
Aujourd’hui, l’Etat ivoirien lève beaucoup d’emprunts sur les marchés financiers. Notre dette se compose de plus en plus d’emprunts obligataires, au détriment des prêts concessionnels. Dans le fond, cela traduit la faiblesse des ressources locales. C’est une situation qu’on doit directement imputer à la Direction des Impôts. Ce sont principalement les recettes fiscales qui confèrent à l’Etat l’essentiel de ses capacités budgétaires. Si l’Etat se retrouve sans cesse en train de lever les fonds, c’est que ses ressources intérieures ne sont pas à la hauteur.
Cette situation se constate aussi en Europe. Les pays d’Europe du sud, France, Italie, Espagne, Grèce, Chypre, sont les pays qui lèvent le plus d’emprunts sur les marchés, mais sont aussi les plus endettés, et ceux dont le système de collecte fiscal est moins performant, comparé à des pays comme l’Allemagne, la Hollande, l’Autriche, la Grande Bretagne, qui interviennent peu sur les marchés du fait l’abondance de leurs ressources fiscales.
En Décembre 2020, la Côte d’Ivoire a levé 1 milliard d’euros, soit environ 655 milliards de FCFA sur les marchés internationaux. Ce fut le premier emprunt post-covid levé par un pays d’Afrique Sub-saharienne. La presse internationale a salué la prouesse. Pourtant l’utilisation des fonds a suscité des interrogations, 450 milliards ont servi au règlement du service de la dette, selon le Ministre Adama Coulibaly des Finances. Or la dette doit être remboursée sur la base des ressources mobilisées localement, donc principalement les ressources fiscales. Lorsqu’on s’endette pour rembourser des dettes, il y a problème. C’est un engrenage dont on ne pourra sortir qu’avec une hausse conséquente de nos ressources fiscales.
Régler le service de la dette avec de nouveaux emprunts comporte un autre risque. On peut recueillir un montant inférieur aux attentes lors des émissions. Or le service de la dette est une dépense incompressible, à l’image des salaires. Que fait-on dans ce cas ? Nous en sommes à cette situation du fait de la faiblesse des ressources fiscales. Faut-il vraiment toujours féliciter la Direction des Impôts ? Quel est le taux global de recouvrement et comment cette grandeur évolue chaque année ? C’est cette grandeur qui doit objectivement permettre d’apprécier le travail de la Direction des Impôts, et de justifier les primes colossales et hors-normes que reçoivent ses agents chaque trimestre. Malheureusement ce taux n’est jamais publié.
Un pays de la sous-région a confié la collecte de ses recettes douanières à une structure privée. Les choses se passent merveilleusement bien pour ce pays. Sur place en Côte d’Ivoire, de plus en plus de communes confient la collecte des taxes communales à des structures privées. Et les caisses sont beaucoup plus alimentées qu’auparavant. Nous lançons de nouveau un appel aux autorités, l’administration fiscale ne doit plus être entièrement aux mains des fonctionnaires. Ce modèle est dépassé. Il faut sortir des solutions timides et s’engager sur des voies nouvelles qui font leurs preuves.
La collecte des impôts doit être graduellement concédée à des structures privées. Les caisses du Trésor public n’en seront que plus garnies, l’économie ivoirienne va gagner en compétitivité. A l’image des gisements de pétrole ou de gaz qui sont confiés à des compagnies occidentales avec à la clé un partage de production, on peut commencer par confier le recouvrement de la dette fiscale globale à des cabinets privés nationaux. Cette dette représente un profond gisement, qui nécessite des méthodes audacieuses, agressives, innovantes, choses dont seront toujours incapables les fonctionnaires. La concession de la collecte des Impôts au privé est une démarche inéluctable pour nos économies. Douglas Mountain oceanpremier4@gmail.com
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