A la faveur de la grève annoncée à la Direction Générale des Impôts (DGI) ce mercredi 21 Juillet 2021, nous allons mettre sur la table la question des primes qui sont versées chaque trimestre aux agents de cette structure. Le sujet a toujours été entouré d’un silence impressionnant, comme on le dit en Côte d’Ivoire, « l’argent n’aime pas le bruit ».
Certes il n’y a pas que la Direction Générale des Impôts (DGI) qui verse des primes aux agents. Le Trésor, les Douanes en font de même, ainsi que bon nombre de ministères (Commerce, Finance, Agriculture, Eaux et forêts, défense etc..etc….), et diverses administrations (hôpitaux, commissariats, universités, etc…etc…..).
La première anomalie à noter est l’absence totale de statistiques nationales sur le phénomène. A ce jour, le Ministère des Finances est incapable de fournir une quelconque statistique concernant ces flux. Et pour cause, il n’a aucune prise sur ces « salaires bis », ce qui reste difficile à comprendre car nous avons affaire à des administrations publiques. La seconde anomalie concerne la légalité de ces primes. Visiblement ces administrations (notamment les Impôts, les Douanes et le Trésor) s’approprient une partie des fonds qu’elles collectent pour le compte de l’Etat. La pratique est-elle légale ? Que disent les textes ? Et pourquoi les « grilles salariales » ne sont-elles pas harmonisées mais diffèrent selon les administrations ?
Totalement hors de contrôle, le phénomène des primes constitue aujourd’hui une gangrène qui mine la compétitivité de l’économie ivoirienne, et qui conduira à une rupture si les choses restent en l’état.
La Direction Générale des Impôts (DGI) ne reverse pas au Trésor public, les pénalités qu’elle applique aux entreprises qui ne paient pas leurs impôts dans les délais. D’autre part, lorsqu’une entreprise subit un contrôle, si des irrégularités sont constatées dans sa comptabilité, alors les recettes issues des nouveaux impôts (les rappels) qu’elle doit payer, ne sont pas aussi déclarées au Trésor public ! Dans les deux cas, ces recettes alimentent un compte dans une banque de la place, compte qui sert à régler les primes des agents.
Si à l’époque les montants en question étaient négligeables, aujourd’hui le volume des flux non déclarés au Trésor public suscite des interrogations. A l’échelle de toutes les structures qui s’adonnent à cette pratique, ce sont des centaines de milliards qui ne sont pas déclarés au Trésor chaque année. Les caisses de l’Etat sont ainsi amputées de ressources précieuses. Encore une fois la question de la légalité de cette pratique se pose. Ces administrations sont-elles dans leur droit en s’appropriant des ressources qui appartiennent à l’Etat dans leur intégralité ?
Bien entendu les contrôles dans les entreprises sont nécessaires pour s’assurer que la comptabilité est tenue selon les dispositions en vigueur. Mais le fait d’assigner en début d’année des objectifs de recettes à ces futurs contrôles (parce qu’il y a des primes à payer), est une pratique nocive pour notre économie.
C’est présumer dès le départ que les entreprises qui seront contrôlées seront en infraction, et c’est aussi fixer leurs peines à l’avance. Car une fois à l’intérieur d’une entreprise, les agents commis à la vérification sont guidés par les objectifs de recettes qu’on leur a fixés. Ils trouveront matière à taxer, que l’entreprise soit en règle ou pas. C’est bien là le drame. La fiscalité relève à la fois de la comptabilité et du droit, ainsi beaucoup de dispositions sont sujets à interprétation, ce qui ouvre la porte aux abus.
Les contrôles et redressements fiscaux débouchent sur des montants à payer dont il est difficile de se soustraire. Les entreprises qui les subissent diffèrent, réduisent ou annulent leurs investissements. Souvent c’est le personnel intérimaire qui est mis sur la touche, les embauches gelées. Pour les entreprises en situation de monopole, les prix à la vente sont impactés à la hausse, ce qui alimente l’inflation.
En 2017, plusieurs entreprises de téléphonie mobile ont été fermées par les autorités. La plus importante traînait depuis des années une lourde dette fiscale (arriérés d’impôts) issue de plusieurs contrôles. Elle ne pouvait à la fois honorer cette dette et entreprendre les investissements nécessaires dans ce secteur de pointe. Elle n’a pas pu être recapitalisée (la dette fiscale effraie souvent les investisseurs potentiels et les banques). Elle a donc décroché sur le plan commercial et s’est retrouvée à la traîne des autres.
Combien d’entreprises ont connu ce sort dans le silence ? Si on ne peut démontrer de façon certaine que les contrôles entraînent des faillites d’entreprises, ce sont de toute évidence des facteurs aggravants, qui déstabilisent leur trésorerie.
D’année en année, le volume des primes prend de l’ampleur. Les primes représentent entre 08 et 18 fois le salaire mensuel des agents, et sont versées chaque trimestre ! Elles sont revalorisées tous les deux ans, et sont attribuées chaque année à un nombre croissant de fonctionnaires. Il s’agit donc d’une masse salariale parallèle en hausse constante. A travers l’arme des contrôles, la Direction des Impôts telle une pieuvre, suce le sang de l’économie ivoirienne, pour le compte des primes et ristournes qu’elle verse à ses agents. C’est dangereux.
Les autorités doivent réagir. Les primes ne doivent pas être un butin que se partagent les administrations publiques à ouïes clos. Il y a une mafia institutionnelle qui s’est constituée au fil des ans autour de ces fonds, et le sujet est tabou. L’Etat doit reprendre la main sur cette question, il doit avoir un droit de regard sur ces fonds.
Il faut absolument saisir les contours de cette masse salariale parallèle, en disposant de statistiques actualisées (sur une base annuelle) de ces flux. Ensuite il faut harmoniser, uniformiser les « grilles », les primes ont proliféré ces dernières années, les administrations publiques facturant désormais des services qui autrefois étaient gratuits. Enfin il faut réfléchir à concéder au privé la collecte de certains impôts.
Aujourd’hui dans les communes d’Abidjan, la collecte des taxes est concédée à des cabinets privés. L’expérience s’est généralisée, preuve de son efficacité. Notons aussi la vignète automobile. Cette taxe était autrefois collectée par la Direction Générale des Impôts, les recettes « se volatilisaient ». En 2014 elle a été confiée à la SICTA (Société Ivoirienne de Contrôle Technique Automobile). Elle se règle désormais en même temps que la visite technique. C’est un partenariat gagnant-gagnant entre l’Etat et cette entreprise
Le gouvernement doit regarder dans cette direction s’il veut donner plus de compétitivité à l’économie ivoirienne. Il faut de plus en plus concéder au privé la collecte des Impôts. Bien sûr l’approche devra être graduelle, mais la concession à des structures privées de la collecte des Impôts est la solution d’avenir. Cette approche doit s’accompagner d’un démantèlement graduel de la Direction des Impôts. Il faudra s’attendre à des résistances, mais c’est à ce prix que ce fera l’assainissement.
Douglas Mountain oceanpremier4@gmail.com
==== UN PAVÉ DANS LA MARE ! ====
Tout à l’opposé de @Sylvestre, je juge cette contribution ESSENTIELLE.
On ne perçoit pas évidemment les choses de la même façon selon qu’on est entrepreneur ou propriétaire immobilier assujetti l’un et l’autre à payer des impôts.
On ne peut percevoir les choses de la même façon selon qu’on soit un produit du système ou cadre voire entrepreneur ayant vécu sous d’autres cieux.
C’est autant de raisons qui fondent une nécessaire relecture des choses afin que la normalité d’aujourd’hui devienne rationnelle et soutenable.
Jamais nous n’atteindrons les objectifs dit de développement et d’émergence si les uns doivent travailler et produire tandis que les autres pour avoir été à l’ENA par quelque moyen que ce soit, doivent espérer vivre sur un enrichissement illicite et sans cause. Par quelque angle qu’on analyserait le problème !
Au delà du caractère inique de cet enrichissement dans les centrales à sous de l’état que sont les règies financières, il y a tout simplement un déni de l’essence du travail. Au propre comme au figuré.
Un jour il faudra crever l’abcès ! Courageusement ! Et frontalement. Afin que l’éthique et la déontologie de la Fonction publique soient applicables du Ministre à l’agent subalterne de la chaîne.
En 1981 un Président Américain, Reagan a bien licencié 11.000 contrôleurs aériens…
Plus près de nous le Président Sénégalais Abdou DIOUF avait en avril 1987 signé un décret de radiation de plus de 1 200 policiers y compris des forces d’élite ! Au nombre desquelles 24 Commissaires de police…
Une société ne peut cautionner éternellement le faux et espérer prospérer ! Naturellement c’est la chaîne sociale qui est dans son ensemble visée par la question. On a des entités culturelles qui font du commerce et qui n’accepteront jamais de payer l’impôt parce que tout simplement elles ne respectent pas l’état. Dans quelques contrées africaines oû elles se trouveraient.
Mais il y a une parade à ces cas avérés et connus.
En 2010 c’est bien Laurent Gbagbo qui à L’ENA affirmait qu’un fonctionnaire ne peut devenir riche par les voies normales. Vérité toujours d’actualité et qui doit aider ce débat à ne pas être politisé inutilement.
Une nécessaire refonte des textes de gouvernance est le préalable à la refondation de cette question FAUSSEMENT sensible !
Un contribuable parmi tant d’autres !
@KONAN DENERI
N’ayez pas mauvaise conscience. C’est moins vous agents des Impôts qui êtes visés intuitu personæ qu’un principe dévoyé et dont la mise en œuvre est un condensé de pratiques illicites et fortement contre-productives.
Vous aurez beau vous mobiliser aujourd’hui,avec les renforts de la Douane et du Trésor, pour servir des contre-feux à la réflexion ici initiée, rien n’y changera ! Ce débat ne peut et ne saurait être étouffé dans l’œuf.
Naturellement à chaud on peut vite faire des analyses erronées comme cette argutie proclamant que la pratique serait généralisée de par le monde..donc elle mériterait d’être mise en application chez nous !
======== L’INTÉRESSEMENT : LE PR8NCIPE, LA PRATIQUE, LES EXCÈS ====
On pourrait résumer le principe à ceci :
» L’intéressement consiste à verser aux salariés une prime proportionnelle aux résultats ou aux performances de leur entreprise.
Ce dispositif vise à encourager les salariés à s’impliquer dans la réalisation des objectifs de l’entreprise. »
Naturellement la mise en œuvre est très encadrée par les lois dans les pays où elle a cours. Pas comme chez nous.
Me référant à une inspection régulière de l’IGE ou de la Cour des Comptes, on est surpris de lire ce qui s’est passé au Port Autonome d’Abidjan ! Des pratiques similaires mais en moins graves, ont conduit directement en prison le Directeur de l’ARTP du Sénégal, un certain Daniel Goumalo SECK.
S’agissant de toutes les dérives dans les cas de demande de dégrèvements aux impôts, pour ne citer qu’une pratique parmi tant d’autres, ce serait véritablement être de mauvaise foi que de vouloir cacher le soleil avec les doigts d’une main.
Le système informatique des Impôts gagnerait à être soumis à des audits réguliers de données et de tous les traitements. Permettez qu’on en dise pas trop pour l’instant.
Bien entendu l’étendue de la question est si vaste qu’on passe vite d’un principe défendable de l’intéressement qui peut être codifié et encadré par la loi à des non dits de corruptions avérées et de blanchiment d’argent dont seraient coupables à ciel ouvert des agents des régies financières de l’Etat. Et à ce niveau on interpelle d’autres outils et instances de contrôle et de surveillance comme ke GIABA, ke CENTIF etc.
Les corps des cadres des impôts, douanes ou trésor public qu’on voit investir à tour de bras dans des immeubles dépassant largement leurs revenus légaux, nourrissent la présente polémique.
Mon cher @Sylvestre
C’est aussi cela la triste réalité que vous fuyez dans vos interventions précipitées.
Gardez votre sang froid. Vous pourrez peut être vous décharger sur des brebis galeuses de la corporation mais quand tout le troupeau est composé de brebis aux panses gonflées il y a bien quelque chose à instruire.
L’autre qui parle des saintes écritures, @Aziz pour ne pas le nommer, pour justifier le caractère préhistorique de l’intéressement des agents du service public, devrait poursuivre ses recherches ! L’Etat n’est pas né de la volonté d’un clergé replié sur ses avantages acquis. Et si nous devions faire perdurer les pratiques du temps des déluges, certains corrompus reconnus comme tels, seraient soumis sur la place publique au supplice du pal, de la poire du Pape ou de la Bougie Romaine !
Faute de se donner le temps de saisir les points pertinents de la contribution faite ici, on se focalise sur les éléments discutables !
Personne ne jalouse les agents des régies financières.
La Déclaration d’Abidjan du 15 Juillet dernier en présence des chefs d’états africains, se termine par cet engagement fort :
» Nous nous engageons à poursuivre les efforts de mobilisation des recettes fiscales, et à utiliser de façon transparente et efficiente les ressources mobilisées, tout en renforçant la gouvernance… »
Elle vous parle Monsieur Sylvestre et compagnie ?