Les états généraux sensés définitivement éradiquer les maux qui minent l’école en Côte-d’Ivoire depuis plusieurs décennies sont prévus pour démarrer le lundi prochain. La nouvelle ministre de tutelle, le Professeur de sociologie Mariétou Koné, très ambitieuse, n’a pas souhaité faire les choses au hasard. Elle a pris soin de consulter la plupart de ses devanciers encore en vie. Du Professeur Saliou Touré à Bleu Lainé ou Paul Akoto Yao, Mariétou Koné a eu des séances de consultation avec les anciens titulaires du ministère dont elle a actuellement la charge. Mais à seulement quelques jours des assises demandées par la FESCI depuis de longues années, les mauvaises pratiques des agents du ministère sont mises à nue par Le Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République (CNSER), présidée par son collègue le Professeur Jean-Francis Ekoungoun. Un timing qui risque de sérieusement compliquer les travaux durant les états généraux qui débutent lundi, car les surprises, madame la ministre en aura en grand nombre durant les assises.
Communiqué du CNSER
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– faute d’indemnités, certains désertent les salles de classe;
– d’autres établissent des fiches de suivi-évaluation et des bulletins de visite, depuis leurs domiciles, par appels téléphoniques;
– des « coupeurs de route » de la tutelle ministérielle épinglés
Les indemnités de déplacement et de fonction des conseillers Pédagogiques du Préscolaire et du Primaire de Côte d’ivoire, liées à leurs missions d’encadrement, de formation continue et de suivi-évaluation, en tant que Responsable de secteur pédagogique, seraient suspendues depuis 2012. A tout le moins, c’est ce que la tutelle ministérielle leur laisserait entendre.
Dans le même moment, toutes les indemnités instituées par le même décret ont continué d’être versées aux autres ayant-droits, y compris celles réservées aux directeurs d’écoles, maîtres d’application, les titulaires de la classe de CM2.
Cette situation d’injustice et d’incompréhension totale, destinée implicitement à saboter la qualité de l’encadrement des maîtres, a conduit à la création d’un nouveau syndicat (CONACOPCI). Des initiatives menées par ce nouveau syndicat ont permis de révéler récemment, avec le changement de Ministre, que les indemnités des Conseillers Pédagogiques n’ont jamais fait l’objet de suspension au niveau du Budget. Mais, alors, où sont passées les indemnités des CPPP ?
1- Brève présentation de l’emploi de Conseiller Pédagogique du Préscolaire et du Primaire (CPPP)
L’emploi de Conseiller Pédagogique du Préscolaire et du Primaire (CPPP) relève du personnel d’encadrement de l’éducation nationale, précisément au niveau du premier degré.
Hier, le CPPP, appelé CPS, était nommé sur proposition de son Inspecteur (IEPP); et celui-ci, chef de secteur pédagogique, devrait s’occuper de l’encadrement des maîtres sur le terrain.
Mais, constatant des failles pédagogiques importantes, et des difficultés d’ordres divers (le CPPP, supérieur hiérarchique du Directeur d’école primaire, lui-même supérieur hiérarchique du maître, ne devrait plus être logé dans le même grade que celui de l’instituteur qu’il était amené à former.)
Alors, à partir de 2007, un décret institue l’emploi de CPPP, grade A3, accessible uniquement par voie de concours professionnel, ouvrant deux (2) années de formation à l’École Normale Supérieure (ENS) pour un renforcement des capacités.
Entre temps, le nouveau décret conserve les charges liées à la fonction de Chef de secteur pédagogique.
Les attributions tradtionnelles du CPPP sont conservées. Mieux ses missions sont étoffées. Il couvre, en plus du Primaire, l’école préscolaire.
Désormais, le CPPP a 3 principales missions :
-Encadrement des enseignants: effectuer des visites pédagogiques de classes pour observer l’enseignant en situation, formuler des critiques constructives et proposer des remédiations allant dans le sens d’une amélioration des pratiques pédagogiques défaillantes observées);
– Formation continue des enseignants : le domaine de l’éducation étant dynamique, le CPPP est amené à faire des formations pédagogiques avec les enseignants de son secteur pour les informer des innovations pédagogiques intervenues,
.Il doit faire également du recyclage pour éviter que les enseignants, oubliant l’application de certaines méthodes ou stratégies pédagogiques, ne baignent dans la routine,
En plus, ayant constaté des insuffisances récurrentes au cours des visites pédagogiques menées, il doit se proposer d’organiser des animations pédagogiques pour corriger ces insuffisances avec l’ensemble des enseignants de son secteur,
.Enfin, la formation peut porter sur des questions liées à la gestion de la carrière professionnelle, ou d’ordre social ou sociétal (la gestion des conflits, le budget familial par exemple)
-Le suivi : il s’agit du suivi-évaluation de la mise en oeuvre de la politique éducative dans les classes et de la prise en compte des recommandations formulées lors des visites ou des formations pédagogiques.
À côté de ces principales missions, le décret prévoit une mission administrative pour le CPPP, en tant que responsable de secteur pédagogique : gestion du personnel (60 enseignants/CPPP au minimum), Choix des évaluations, supervision des activités pédagogiques, visites administratives, harmonisation…
La mission sociale n’est pas en reste: la gestion des conflits entre enseignants de son secteur, les relations avec les parents d’élèves, la coordination de toutes les activités extraordinaires du secteur…
C’est dire qu’à l’école préscolaire et primaire, l’on ne peut pas parler d’amélioration de la qualité de l’enseignement dans les classes, sans passer par le CPPP. Or, celui-ci subit une injustice criante, une frustration assourdissante et inacceptable.
2- Le problème
La description des missions du CPPP laisse entrevoir immédiatement de grands déplacements du CPPP et des charges de fonctionnement.
Alors, depuis 1963, pour respecter le principe selon lequel l’État octroie l’emploi et l’accompagne des moyens de sa réalisation, un décret avait institué des indemnités pour le CPPP: il s’agit des indemnités de fonction de Conseiller Pédagogique, chef de secteur, et des indemnités de déplacements du Conseiller Pédagogique.
Selon les textes, le tout revenait à 55.000f/mois.
Depuis cette date de 1963, tous les Conseillers Pédagogiques de Côte d’Ivoire ont régulièrement perçu ces primes. Ce qui leur permettait de se trouver les documents et le matériel de formation nécessaires, de s’offrir de petites voitures, pour assurer efficacement leurs déplacements dans le secteur chaque jour pour suivre les enseignants dans leurs pratiques et prodiguer les conseils avisés.
À juste titre, le témoignage d’un Directeur d’école : « Avant où les conseillers venaient régulièrement, c’était bien, car la seule présence du Conseiller dans l’école constituait une dissuasion positive. Et cela amenait tous les enseignants à se mettre automatiquement au travail. Malheureusement, aujourd’hui, le conseiller peut faire 3 ans sans mettre les pieds dans des écoles. Certains restent chez eux, et nous appellent pour prendre les renseignements. Et sur cette base, ils établissent des bulletins de visites. »
MALHEUREUSEMENT, à la surprise générale, depuis 2012, avec une stratégie bien menée (le paiement de pots de vin pour percevoir les indemnités), les CPPP ont été privées de leurs indemnités sans autre forme de procès, car toutes leurs tentatives pour les rétablir sont restées vaines.
Les arguments avancés sont entre autres :
-cette ligne budgétaire a été barrée par les nouvelles autorités;
-le gouvernement a déjà fait trop d’effort pour le reclassement de ce corps en A3. (Pourtant, le décret instituant l’emploi des CPPP, a été pris en 2007. Et de 2007 en 2012, les indemnités ont été payées).
Face à la tiédeur de leur premier syndicat, des conseillers pédagogiques sortis de l’ENS, ont créé la Conacopci en 2019.
Les investigations du Conacopci ont permis de révéler ce qui suit : « Depuis l’arrivée de la nouvelle Ministre, des indiscrétions, au niveau du budget, nous ont confirmé, copies à l’appui, que les indemnités des Conseillers n’ont jamais été suspendues; elles ont toujours été décaissées et versées par l’État de Côte d’Ivoire. Et que c’est au niveau de la tutelle, qu’il s’est créé un mécanisme de redistribution souterraine entre amis, de sorte que certains fonctionnaires se tapent plus de 15 millions de francs par mois comme prime de déplacement alors que les ayant-droits, les CPPP pour lesquels le montant est décaissé, ne reçoivent même pas un centime de leurs primes. Et ces derniers, par devoir citoyen, consacrent les 1/4 de leurs salaires pour assurer les missions à eux confiées par l’État de Côte d’Ivoire. Ce qui dégrade énormément le niveau de vie du CPPP, déteignant forcément sur la qualité de l’encadrement des maîtres, et par ricochet le rendement scolaire en un mot.
Pour illustration, hier, tous les CPPP avaient leurs petites voitures ; mais aujourd’hui, plus de 97% des CPPP marchent à pieds, attendent à l’arrêt du bus ou luttent les Gbaka. En campagne, certains parcourent des centaines de kilomètres à moto taxi, loué à leurs propres frais, pour suivre et encadrer les enseignants. Comment voulez-vous que dans de telles conditions, les conseils du CPPP puissent porter, quand lui-même, se cherche?
Au moment où les Etats généraux de l’éducation nationale vont s’ouvrir, le Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République interpelle Madame la ministre sur cette situation afin que les responsabilités soient très vite situées, les »coupeurs de route » dénichés, et les indemnités restaurées aux ayant-droits, afin que les CPPP accomplissent pleinement leurs missions, sans périr, et que cela serve à l’amélioration de la qualité de l’éducation dans notre pays.
Le Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République (CNSER )
Président
Prof. Jean-Francis Ekoungoun
Bienvenue au pays!